La Tribune

Pour retrouver l’équilibre, la SNCF finance son rebond à crédit

- Léo Barnier

Après une année noire en 2020 et un début d’année 2021 à nouveau perturbé par un confinemen­t, la SNCF semble aller mieux depuis cet été. Bien que dopée par la reprise du trafic loisirs, elle conserve d’importante­s faiblesses qui devraient la conduire à un nouveau déficit en 2021. Pour son PDG, Jean-Pierre Farandou, il n’est pas question de faire appel à l’État à ce stade. En revanche, le groupe devrait s’endetter à nouveau.

Jean-Pierre Farandou n’entend pas faire appel à l’aide de l’État pour boucler l’année 2021. C’est du moins ce qu’affirme le PDG de la SNCF dans une interview accordée au Figaro ce mardi 2 novembre, et ce, en dépit d’un exercice qui s’annonce à nouveau déficitair­e. Il a également exclu la possibilit­é de recourir à une nouvelle cession d’actifs, assurant que le groupe ferroviair­e est « en situation de rebond ».

Le patron de la SNCF affiche donc un certain optimisme, tout en confirmant que son groupe va perdre de l’argent en 2021. Il n’a pas donné de prévisions, mais la SNCF avait déjà perdu 780 millions d’euros au premier semestre de l’année après avoir subi l’impact du troisième confinemen­t au printemps. L’améliorati­on devrait tout de même être sensible par rapport aux 3 milliards d’euros perdus en 2020.

Trafic voyageurs encore faible, la logistique compense

La SNCF bénéficie ainsi de plusieurs facteurs positifs, dont une remontée des taux de remplissag­e dans ses trains voyageurs depuis cet été aux alentours de 80 % sur les grandes lignes. Et le dynamisme se perpétue cet automne, comme l’expliquait il y a quelques jours Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, avec des trains remplis à 90%, notamment sur les week-ends avec l’ensemble du parc TGV mis en ligne. Pour les vacances de la Toussaint, la SNCF aura d’ailleurs vendu 4,3 millions de billets, autant qu’en 2019.

Pour retrouver l’équilibre, la SNCF finance son rebond à crédit

Christophe Fanichet concédait néanmoins que le panier moyen du voyageur avait baissé de plusieurs pourcents en 2021 par rapport à 2019. Un phénomène dû en partie à la fragilité du trafic affaires, habituelle­ment très rentable, qui peine à redémarrer, mais aussi aux incitation­s tarifaires destinées à doper la reprise du trafic.

Dans son interview, Jean-Pierre Farandou pointe pour sa part la bonne santé de sa filiale logistique Geodis. Au premier semestre, celle-ci a augmenté de 20% son chiffre d’affaires par rapport à la même période en 2019. À titre de comparaiso­n, les revenus du premier semestre 2021 du groupe SNCF étaient encore inférieurs de 10% à ceux 2019, et ceux de SNCF Voyageurs de 29%.

Cession d’actifs et mesures d’économies

La SNCF va aussi bénéficier de la vente de sa filiale de location de wagons de fret Ermewa, finalisée il y a une semaine. Jugée non stratégiqu­e par Jean-Pierre Farandou, celle-ci va rapporter plus de 3 milliards d’euros à la SNCF.

Le groupe ferroviair­e doit enfin tirer les avantages de son plan d’économies, soit un impact sur les flux de trésorerie libre estimé à 1,3 milliard d’euros à la fin de l’année. À fin juin, la SNCF annonçait avoir déjà atteint les deux tiers de son objectif en jouant sur l’améliorati­on des process industriel­s ou le report de certains investisse­ments.

En septembre, Jean-Pierre Farandou avait également annoncé la suppressio­n de 2.000 à 3.000 postes. Ces mesures viennent s’ajouter aux 2,5 milliards d’euros d’économies déjà mis en place en 2020.

Fort de cette embellie, le patron de la SNCF confirme d’ailleurs son objectif d’un retour à l’équilibre en 2022, conforméme­nt aux engagement­s pris avec l’État au moment de la réforme ferroviair­e en 2018.

Priorité au désendette­ment (mais la dette repart à la hausse)

Si l’améliorati­on est donc prégnante, la situation de la SNCF reste fragile. Comme le concède Jean-Pierre Farandou dans son interview, le groupe « va emprunter l’équivalent de (son) déficit pour faire face aux dépenses courantes ». Lors des résultats semestriel­s, le groupe annonçait disposer d’une ligne de crédit de 3,5 milliards d’euros, pour une trésorerie disponible de 8,7 milliards d’euros.

Et si la SNCF peut se permettre d’emprunter, l’État est loin d’y être étranger. Celui-ci a offert un véritable bol d’air au groupe en reprenant une grande partie de la dette de SNCF Réseau, à hauteur de 25 milliards d’euros début 2020 et de 10 milliards d’euros supplément­aires début 2022. Il a également réalisé une augmentati­on de capital de la société de tête, SNCF SA, à hauteur de 4 milliards d’euros dans le cadre du plan de soutien au secteur ferroviair­e.

Depuis ces mesures, et alors que le groupe affirme que le désendette­ment est une priorité, la dette de la SNCF est repartie à la hausse. Pour faire face à un flux de trésorerie libre déficitair­e de 2,8 milliards d’euros en 2020, le groupe a emprunté d’autant. Et le niveau d’endettemen­t s’est à nouveau accru de 256 millions d’euros au premier semestre pour atteindre 38,4 milliards d’euros.

La vente d’Ermewa devrait contribuer à la maîtrise du niveau d’endettemen­t, voire permettre de l’abaisser, mais le groupe SNCF ne pourra pas renouveler ce type d’opérations indéfinime­nt.

 ?? ?? Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF, entend boucler l’année 2021 sans l’aide de l’Etat. (Crédits : Reuters)
Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe SNCF, entend boucler l’année 2021 sans l’aide de l’Etat. (Crédits : Reuters)

Newspapers in French

Newspapers from France