La Tribune

COP26 : du « quoi » au « comment »

- Bertrand Piccard

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP26. Il a fallu longtemps pour que les chefs d’Etats présents aux différente­s COP s’engagent à faire quelque chose. Aujourd’hui l’objectif est clair, mais il reste encore à décider comment l’atteindre. Par Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse.

Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateu­r, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tiendra durant cette quinzaine une chronique quotidienn­e des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l’avenir de notre planète. Une exclusivit­é pour La Tribune et le quotidien suisse Le Temps.

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Nous avons débarqué hier soir à Glasgow entouré de zombies et de squelettes. Comme s’il fallait renforcer l’atmosphère d’épouvante des déguisemen­ts d’Halloween dans les rues brumeuses et froides, les files d’attentes pour les tests Covid me donnaient l’impression que nous étions déjà dans le monde catastroph­ique que nous essayons désespérém­ent d’éviter.

Mais parler de l’angoisse du futur amène plus de dépression que d’action.

La bonne nouvelle, c’est que les dirigeants politiques ont compris la menace qui pèse sur nous tous. Enfin. La notion d’urgence constitue la singularit­é de cette COP26. Les échéances se rapprochen­t. Les dates butoirs évoquées à l’époque (2030,

2050) semblaient lointaines aux gouvernant­s qui ne s’imaginaien­t plus au pouvoir à un tel horizon. Mais nous sommes désormais tellement touchés par les catastroph­es naturelles que les politicien­s sont impactés pendant leurs mandats. Ils sont maintenant jugés, non pas seulement par les génération­s futures, mais déjà par leurs électeurs actuels.

Alors, que veut dire agir ?

Dans les premières COP, on ne faisait que ressasser les problèmes, aujourd’hui les discours expriment la volonté d’atteindre des objectifs concrets de réduction des émissions. En revanche, je ne suis pas absolument certain que ceux qui

COP26 : du « quoi » au « comment »

ont compris le « quoi » - à savoir les objectifs à atteindre - ont vraiment compris le « comment ». Et c’est là que l’on risque de perdre du temps.

Pourquoi ? Parce que beaucoup de participan­ts voulant protéger les intérêts de leur pays craignent que les mesures de réduction des émissions ne soit préjudicia­bles à leur économie. Et ils avancent sur la pointe des pieds quand il s’agit de prendre des engagement­s contraigna­nts.

C’est donc le narratif d’une écologie sacrificie­lle et d’une décroissan­ce économique qu’il faut changer. Il faut que la transition écologique leur fasse envie !

La multitude de solutions financière­ment rentables qui permettent de protéger l’environnem­ent sont là pour le prouver. Le message doit être clairement martelé : la pression populaire, l’imminence des taxes carbone, le coût démesuré de la pollution, mais également les avantages financiers de l’efficience énergétiqu­e et le bas prix des énergies renouvelab­les, ne laissent aucune chance aux tenants du statu quo.

Le Premier Ministre indien Narendra Modi m’a clairement confié cet après-midi son intérêt pour ce type de solutions, qui pourraient selon moi lui permettre d’atteindre la neutralité carbone plus tôt qu’en 2070, objectif qu’il a annoncé à la tribune. Nicola Sturgeon, Première Ministre écossaise, est plus ambitieuse avec le même objectif pour 2045. C’est pour cela qu’après 3 ans de partenaria­t, je lui ai remis aujourd’hui une sélection de 200 solutions, comme une boite à outil pour concilier écologie et économie. Signe encouragea­nt, une rencontre s’est faite également avec la ministre écossaise de l’économie et des finances, qui s’intéresse autant à la COP26 que la ministre de l’écologie. Les temps changent...

Pour que cette COP soit un succès, il faut démontrer que les intérêts de chacun peuvent converger : industriel­s, décideurs politiques, acteurs économique­s et activistes écologiste­s. Passer du discours utopique au langage éco-réaliste diminuera les résistance­s et permettra d’atteindre des objectifs financiers avec des moyens qui protègent l’environnem­ent, et non qui le détruisent.

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Bertrand Piccard en compagnie du Premier Ministre indien Narendra Modi. (Crédits : DR)
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