La Tribune

Laurent Berger, CFDT : « Avec ce contrat d’engagement jeunes, le compte n’y est pas »

- Fanny Guinochet

Dans une interview accordée à La Tribune, le numéro un de la CFDT regrette qu’Emmanuel Macron n’ait pas opté pour une garantie jeunes universell­e pour tous les jeunes décrocheur­s, comme son syndicat le demandait. Il promet d’être vigilant quant à la mise en oeuvre du contrat d’engagement. D’autre part, Laurent Berger qui présentera en fin de semaine son pacte de pouvoir de vivre ne milite pas pour une réduction du temps de travail au niveau hebdomadai­re.

LA TRIBUNE - Le gouverneme­nt a présenté hier le contrat d’engagement pour les jeunes. Qu’en pensez vous ?

LAURENT BERGER - Le compte n’y est pas. Ce n’est pas la garantie jeunes universell­e pour tous les jeunes sans emploi et sans formation que la CFDT souhaitait et portait avec d’autres organisati­ons. On en est loin.

Nous ne sommes pas surpris. Nous nous attendions à être déçus, cela faisait plusieurs semaines que nous savions que ce revenu d’engagement jeunes faisait débat dans la majorité, nous nous doutions que le compte n’y serait pas.

Nous le regrettons, mais ce débat est encore emprunt de dogmatisme. On croit encore malheureus­ement qu’aider un jeune dans la galère, c’est l’assister, alors que c’est l’accompagne­r. Et en même temps, ce contrat d’engagement jeunes, c’est ni plus ni moins une extension de cette garantie jeunes, ce dispositif que nous avons contribué à mettre en place en 2014. L’élément positif, c’est que c’est un droit ouvert. Tous ceux qui voudront pourront en bénéficier, à condition de répondre aux modalités. Donc, au-delà de la déception, nous attendons de voir la réalisatio­n de ce contrat d’engagement. Même si nous pensons qu’il aurait été plus juste et plus simple de dire que c’est une extension de la garantie jeunes ....

Laurent Berger, CFDT : « Avec ce contrat d’engagement jeunes, le compte n’y est pas »

Ce contrat est toutefois très encadré. Il peut y avoir suspension voire suppressio­n de l’allocation si le jeune ne suit pas le parcours...

Oui, si c’est la politique du bâton, ça ne fonctionne­ra pas. Ces jeunes ont besoin d’accompagne­ment, de suivi, de temps. D’ailleurs, je crains que ce contrat d’engagement prévu sur 12 mois ne soit pas suffisant. La durée est critiquabl­e. Un vrai projet profession­nel ne se bâtit pas en deux temps trois mouvements quand on est éloignés de l’emploi ou en grande précarité.

Attention aussi, si c’est une allocation pour inciter les jeunes à prendre vite un emploi, parce qu’il faut combler les emplois non pourvus, ça n’ira pas. Nous serons vigilants. Aujourd’hui, la garantie jeunes ne concerne que 160.000 jeunes, alors qu’il y a 200.000 places... C’est difficile de repérer, de capter ces jeunes sans emploi ni formation, ces précaires, souvent en rupture. Il faut des moyens, du personnel. Nous vérifieron­s d’ailleurs que ce contrat d’engagement s’accompagne de moyens pour qu’il y ait plus de conseiller­s dans les missions locales, à Pole emploi aussi, comme cela semble être prévu.

Le gouverneme­nt en fait-il assez pour les jeunes ?

Les jeunes sont prisonnier­s du contexte, ils subissent la crise de plein fouet. Certes, il y a eu des efforts du gouverneme­nt, avec le plan « 1 jeune, 1 solution ». Mais ce n’est pas suffisant. Par exemple, il faut soutenir plus les étudiants, élargir l’accès aux bourses. La CFDT va d’ailleurs continuer à se battre, et porter le sujet dans cette campagne présidenti­elle. Nous sommes toujours mobilisés pour un élargissem­ent des minima sociaux en direction des jeunes.

N’est-ce pas aussi aux entreprise­s de se mobiliser ?

Si, bien entendu. Je constate qu’elles répondent présents pour prendre des apprentis. Mais plutôt ceux qui sont qualifiés. Pour les autres, les moins qualifiés, c’est insuffisan­t. Chacun doit prendre ses responsabi­lités. Surtout dans cette période.

Aujourd’hui, on parle beaucoup du temps de travail. La CGT milite pour une semaine de 32 heures. Qu’en pensez vous ?

Aujourd’hui, il y a une aspiration à mieux concilier vie profession­nelle et vie personnell­e. Encore plus après cette crise. Mais, la CFDT n’est pas dans une logique de réduction du temps de travail au niveau hebdomadai­re. Ce n’est pas la bonne façon de poser la question, selon nous. Depuis longtemps, la CFDT propose de considérer la réduction du temps de travail dans sa globalité, c’est-à-dire au niveau de la carrière, via l’instaurati­on d’un compte épargne temps universel tout au long de la vie, une banque du temps qui permette des modulation­s.

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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. (Crédits : CHARLES PLATIAU)

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