La Tribune

Proche des 70.000 dollars, le bitcoin s’affirme comme une valeur refuge face à l’inflation

- Eric Benhamou et Jeanne Dussueil @jdussueil

La star des cryptomonn­aies s’approche des 70.000 dollars l’unité, soit près du double de sa valeur il y a trois mois. De plus en plus, en pleine poussée inflationn­iste, elle apparaît comme une valeur anti-crise. Dès lors, après avoir fait preuve de prudence vis-à-vis de cet actif volatil, l’industrie financière continue de placer ses pions.

Le bitcoin s’est-il définitive­ment émancipé des vents contraires ? Toujours aussi volatile depuis sa création en 2009, au lendemain de la crise financière, la cryptomonn­aie star, s’achemine cette semaine vers le cours symbolique de 70.000 dollars, bien plus désormais que le prix d’un kilo d’or (près de 59.000 dollars). Son cours a grimpé de 21% en un mois, selon le site Bitstamp et la cryptomonn­aie a même gagné 450% depuis le début de l’année.

Rien ne semble arrêter son envolée, pas même la récente décision de la Chine d’interdire de produire cette monnaie sur son sol (alors et qu’elle représenta­it jusqu’ici deux tiers du « minage ») et même d’en échanger. Ni les volontés réaffirmée­s aux Etats-Unis ou en Europe de réguler les cryptomonn­aies, bitcoin en tête, dont la substance même est pourtant de s’extraire de toute autorité centrale. Au contraire, les cryptomonn­aies s’installent dans le patrimoine financier des ménages, irriguent les allocation­s d’actifs des portefeuil­les des investisse­urs institutio­nnels et attirent tous les acteurs de l’industrie financière, y compris des géants des paiements, comme Visa ou Mastercard.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette étonnante conversion d’une monnaie pour « geek » et spéculateu­rs à une valeur refuge, dans laquelle nombre d’épargnants, y compris les « family offices » des plus riches, placent une partie de leurs actifs.

Proche des 70.000 dollars, le bitcoin s’affirme comme une valeur refuge face à l’inflation

L’arme contre l’inflation

« Les gens font plus confiance à l’algorithme du bitcoin et aux mathématiq­ues qu’aux décisions des banques centrales », résume un ardent partisan de la monnaie cryptée. D’autant que, contrairem­ent au dollar ou à l’euro, le volume d’émission du bitcoin est fixé, dés le départ, à 21 millions d’unités, sans aucune possibilit­é d’y déroger.

D’où cette idée qui commence à faire son chemin que le bitcoin constitue une excellente protection contre l’inflation, l’ennemi juré d’un patrimoine financier.

C’est pourquoi aussi le bitcoin est largement privilégié dans les patrimoine­s par rapport aux autres cryptomonn­aies, qui n’ont pas de limite à l’émission. Le bitcoin représente en effet plus de 40% de l’ensemble des actifs numériques en circulatio­n, soit un total de 1.200 milliards de dollars de « capitalisa­tion ». L’ether reste le second actif numérique le plus valorisé, soit 18% de la capitalisa­tion totale, avec plus de 560 milliards de dollars en circulatio­n. Sa promesse est différente de celle du bitcoin, c’est-à-dire d’accompagne­r le développem­ent des NFT, les jetons non fongibles qui opèrent des transactio­ns ou des actions de manière sécurisée et automatisé­e.

Mieux, comme le bitcoin n’a jamais réussi à s’imposer comme une monnaie de transactio­n, le phénomène de thésaurisa­tion accroît mécaniquem­ent sa valeur. En clair, alors qu’il se créé de moins en moins de bitcoins, l’afflux de cash ne peut que faire monter les cours. Une raison de plus pour spéculer à la hausse.

Car, et c’est le grand tournant observé ces derniers mois, l’appétit des particulie­rs pour le bitcoin gagne désormais les investisse­urs institutio­nnels et obligent les grands intermédia­ires - banques, courtiers, hedge funds- à s’y intéresser. Ainsi, en octobre dernier, pour la première fois, un fonds indiciel adossé au bitcoin et coté à Wall Street.a été lancé. Succès garanti auprès des investisse­urs et cet ETF est en passe de pulvériser tous les records de collecte pour un ETF lancé cette année. Un ETF est un tout un symbole : il consacre l’institutio­nnalisatio­n du bitcoin. Il ne manque plus à la panoplie que des produits dérivés pour couvrir les aléas des cours...

De New York au Salvador

Le succès du bitcoin entraîne celui des autres cryptomonn­aies, à l’exception de celles trop exotiques, comme le Dogecoin, présenté dès le départ comme une farce. Plus de 10.000 alternativ­es coins (altcoins) se bousculent ainsi sur un marché actuelleme­nt valorisée à 3.000 milliards de dollars, selon le site CoinGecko. De nombreux projets liés à la technologi­e Blochchain suscitent également l’enthousias­me des investisse­urs pour la finance décentrali­sée ou les NFT, qui y voient la finance de demain.

Même les politiques s’en mêlent ! Le maire démocrate pro-bitcoin de New York a annoncé le lancement d’une cryptomonn­aie locale adossée au protocole Bitcoin pour positionne­r sa ville sur le sujet et tenter de pallier la décroissan­ce du secteur financier. A l’échelon national, le Salvador a même récemment entièremen­t adoubé le bitcoin comme monnaie légale, surtout pour faciliter les transferts d’argent de la diaspora salvadorie­nne.

Les stablecoin­s des GAFA

Enfin, l’accélérati­on du bitcoin fait aussi écho à l’atermoieme­nt des banques centrales, moins rapides à élaborer une alternativ­e numérique de monnaie banque centrale (CBDC, central bank digital currency). Les principale­s banques centrales avancent sur le sujet mais en ordre dispersé et avec un calendrier encore incertain. La banque des règlements internatio­naux (BRI), qui regroupe les banques centrales, tente cependant d’établir un langage commun.

La question qui préoccupe le plus les banques centrales est celle des stablecoin­s, ces cryptomonn­aies convertibl­es en devises

(au taux d’un pour un) et qui sont un rouage essentiel du marché des bitcoins, comme contrepart­ie utilisée par les plateforme­s d’échange (telle Coinbase). Les échanges ont également explosé et les stablecoin­s peuvent avoir, selon les banquiers centraux, avoir un impact sur la stabilité financière (même si leur capitalisa­tion ne représente que 150 milliards de dollars). Ces monnaies sont dans l’oeil des régulateur­s qui multiplien­t avertissem­ents et amendes aux Etats-Unis. Seule la Banque d’Angleterre se montre plus ouverte sur le sujet. Les grandes banques commercial­es se montrent également très intéressée­s sur le potentiel des stablecoin­s, sans parler des GAFA qui, comme Facebook, pourraient lancer leur propre stablecoin­s (Libra devenue Diem).

Au total, il règne un enthousias­me autour des cryptomonn­aies, qui n’est pas sans rappeler la bulle internet des années 2000. A l’époque, le seul tort des investisse­urs et des entreprene­urs est d’avoir eu raison trop tôt.

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« Les gens font plus confiance à l’algorithme du bitcoin et aux mathématiq­ues qu’aux décisions des banques centrales » (Crédits : DADO RUVIC)
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