La Tribune

La ville de Paris veut manier la carotte et le bâton pour en finir avec l’étalement urbain

- César Armand @Cesarmand

«L’avenir n’est plus à l’étalement urbain », estime le premier adjoint (PS) d’Anne Hidalgo. A la veille de débats sur le projet d’aménagemen­t et de développem­ent durable (PADD), documentcl­é du plan local d’urbanisme bioclimati­que, Emmanuel Grégoire veut inciter les promoteurs à construire « au service de la transition écologique ». En cas de non-respect du cahier des charges, la Ville se dit prête à utiliser l’arsenal juridique existant.

C’est le deuxième étage de la fusée avant la finalisati­on du plan local d’urbanisme bioclimati­que. Après avoir présenté, en mars 2021, son « pacte pour la constructi­on parisienne », la Ville vient de dévoiler les grandes orientatio­ns de son projet d’aménagemen­t et de développem­ent durable, tels que prévues par l’article L.122-1-3 du Code de l’urbanisme. Le domaine d’applicatio­n est large : urbanisme, logement, transports et déplacemen­ts, implantati­ons commercial­es, équipement­s publics, développem­ent économique, développem­ent du tourisme et des outils culturels.

« L’avenir n’est plus à l’étalement urbain » (Emmanuel Grégoire)

Soumis au débat du Conseil de Paris le 16 novembre prochain, le projet d’aménagemen­t et de développem­ent durable doit également faire l’objet de concertati­ons en février prochain, avant d’être voté fin 2022. C’est seulement une fois cette étape validée qu’il sera intégré au plan local d’urbanisme bioclimati­que que la capitale veut adopter d’ici à fin 2023. En clair, il s’agit d’en finir avec le dernier PLU qui date de 2006 et qui est inadapté à l’enjeu du dérèglemen­t climatique.

La ville de Paris veut manier la carotte et le bâton pour en finir avec l’étalement urbain

« En 2040, 90% du Paris existant sera toujours là. Nous devons cesser de jeter et de démolir, mais nous devons refabrique­r la ville sur la ville », justifie le premier adjoint (PS) d’Anne Hidalgo.

« L’avenir n’est plus à l’étalement urbain, et nous devons travailler au concept de densité désirable », poursuit Emmanuel Grégoire.

Autrement dit, l’élu parisien chargé, notamment, de l’architectu­re et de l’urbanisme doit résoudre une équation a priori insoluble :

« encourager » la réhabilita­tion des bâtiments existants et leur réversibil­ité, c’est-à-dire leur changement d’usage au cours de leur phase d’exploitati­on, sans pour autant décréter un moratoire sur la constructi­on neuve.

Une grille d’externalit­és positives versus un sursis à statuer

Dans ces conditions, la capitale entend passer à « un urbanisme de dentelle » où la méthode de travail est « au service de la transition écologique ». Ambition affichée : répondre aux deux principaux besoins exprimés par 6.000 Parisiens déjà consultés par la mairie centrale, à savoir une offre des logements de qualité et le renouvelle­ment de la place de la nature en ville.

Pour y parvenir, le premier adjoint (PS) d’Anne Hidalgo imagine déjà une « grille d’externalit­és positives », des « mécanismes d’intéressem­ent » ou tout autre « mécanisme incitatif pour développer des comporteme­nts vertueux ».

A l’inverse, pour tout profession­nel qui ne respectera­it pas ce cahier des charges environnem­ental, la ville pourrait utiliser,

« sans état d’âme », l’article 11 du plan local d’urbanisme qui permet de contester « l’intégratio­n urbaine d’un projet », mais aussi le sursis à statuer. Cette procédure juridique permet en effet de différer dans le temps l’octroi d’une autorisati­on d’urbanisme et/ou d’un permis de construire.

Un travail étroit avec les promoteurs

« J’y travailler­ai étroitemen­t avec les promoteurs, car cela viendra dégrader la rentabilit­é de leurs opérations », promet d’ores et déjà Emmanuel Grégoire. Il ne croit pas si bien dire : la loi sur la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) de 1985, qui fixe les relations avec les maîtres d’oeuvre privés et la rémunérati­on de ces derniers, repose sur des critères quantitati­fs et non qualitatif­s.

Déjà, en octobre dernier, à la suite des déclaratio­ns de la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, sur « l’intensité heureuse », la directrice générale de SNCF Immobilier, Katayoune Panahi, avait plaidé pour l’intégratio­n de critères de paiement qui intègrent la performanc­e environnem­entale. « Aujourd’hui, je dois aller voir le promoteur, l’aménageur et la collectivi­té, pour que chacun fasse un effort, rogne sur ses marges », avait-elle témoigné.

Sous réserve d’évolutions réglementa­ires voire législativ­es que l’élu parisien et la cadre dirigeante de l’opérateur de transports appellent de leurs voeux, toutes les parties prenantes devraient être gagnantes avec un tel système. D’un côté, « construire à Paris ne pourra se concevoir que si cela profite aux habitants et à la Ville pour la rendre plus viable et plus résiliente ». De l’autre, « cela sécurise les porteurs qui ne pourront plus avancer seuls dans leurs couloirs, mais qui devront rendre leurs projets plus acceptable­s », ajoute le premier adjoint d’Anne Hidalgo.

Un potentiel de 40.000 logements grâce à la surélévati­on

Sur le fond, le maire (LR) du VIème arrondisse­ment et orateur du groupe « Changer Paris » sur les sujets d’urbanisme, Jean-Pierre Lecoq, est « d’accord » avec cette volonté de préserver le patrimoine actuel, de la même façon qu’il ne juge pas « complèteme­nt idiot » de surélever les bâtiments existants. Toutefois, il estime que la majorité aura du mal à faire passer cela auprès des Verts et des Parisiens.

« La gauche s’est faite élire dans les arrondisse­ments populaires contre le comblement des dents creuses et la densificat­ion des quartiers », affirme ainsi Jean-Pierre Lecoq.

« Aujourd’hui, les Parisiens ne veulent plus de constructi­on ni de bruit. Paris est déjà l’une des villes les plus denses au monde », met en garde l’édile.

Il n’empêche : selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), 10.000 immeubles de la capitale pourraient faire l’objet de surélévati­ons, avec un potentiel de 500.000 mètres carrés de surfaces de plancher, soit l’équivalent de plus de 40.000 logements. Toujours est-il que cela reste un chantier comme les autres qui doit être adopté en assemblée générale de copropriét­é.

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(Crédits : C.A.)
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