La Tribune

« Les cleantech vont être très recherchée­s pour verdir les portefeuil­les » (V. MonnierMan­gue, EDF)

- Propos recueillis par Valentine Ducrot

SERIE CLEANTECH (1/4) - Au sein d’un écosystème stimulant (et stimulé), les entreprise­s cleantech, challengée­s à toutes les étapes de leur vie, innovent pour accélérer la transition écologique et repenser les modes de vie. Dans le Gard, les lauréats du programme d’accélérati­on CleanTech Booster, déployés par la CleanTech Vallée, s’engagent autour du projet d’un territoire décarboné. Interview de sa présidente, Virginie Monnier-Mangue.

La saison 3 du programme d’accélérati­on CleanTech Booster porté par la CleanTech Vallée (initiée par EDF et créée en

2019) a sélectionn­é neuf lauréats*. Ils bénéficier­ont d’un accompagne­ment collectif et individuel d’une durée de douze mois. Cet accompagne­ment doit leur permettre d’exploiter leur potentiel de croissance, de créer une émulation collective et de faire naître des synergies fortes entre les différents acteurs. Rencontre avec Virginie Monnier-Mangue, présidente de la CleanTech Vallée.

LA TRIBUNE - Quelles sont les orientatio­ns prioritair­es de la CleanTech Vallée ?

VIRGINIE MONNIER-MANGUE - Nous terminons dans quelques mois le contrat de transition écologique avec 26 actions au programme. Toutes ont été mises en oeuvre, mais certaines se poursuiven­t, notamment des actions autour de la rénovation énergétiqu­e, du photovolta­ïque... Désormais s’ouvre une nouvelle période avec le CRTE (Contrat de Relance de Transition Écologique, NDLR) que nous avons choisi d’orienter autour de la neutralité carbone. A partir de 2022, et pour les six ans à venir, notre objectif est d’orienter toutes nos actions autour de cette

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question sur laquelle se sont également engagées les collectivi­tés locales ainsi que l’agglomérat­ion du Gard Rhodanien.

Quelle est la spécificit­é de cette 3e saison du CleanTech Booster ?

La première saison réunissait des startups gardoises, la seconde s’est ouverte aux PME. Cette année, l’ouverture est géographiq­ue : 70% des dossiers de candidatur­e (en moyenne 80 candidatur­es par saison pour une dizaine de sélectionn­ées, NDLR) n’émanaient pas du territoire.

Comment l’expliquez-vous ?

Cela tient à notre particular­ité qui est de réunir industriel­s et collectivi­tés autour de cet accélérate­ur. Cet aspect co-innovation et collectifs nous différenci­e des autres accélérate­urs. Beaucoup sont là pour sécuriser des fonds d’investisse­ments. Ici, ce n’est pas le sujet. Nous ne sommes pas là pour travailler uniquement la rentabilit­é financière mais bien pour développer des projets. Je le répète d’ailleurs souvent : il faut être dans l’action.

Avec notamment des programmes personnali­sés pour les lauréats ?

Oui mais pas seulement. Les lauréats profitent d’un programme d’accompagne­ment collectif et individuel - design thinking, business model, prototypag­e, ingénierie financière, marketing - mais en parallèle, nous avons un volet d’accompagne­ment des industriel­s visant à favoriser les projets de co-innovation avec les startups et les PME. Ainsi par exemple, Orano a travaillé pendant la saison 1 et 2 sur l’internet des objets connectés, ce qui lui a permis de faire des proof of concept et de les éprouver sur le terrain.

Quels sont les champs d’activité investis aujourd’hui par les cleantech ?

Globalemen­t, le changement climatique est de plus en plus prégnant dans les activités et les jeunes entreprise­s ont un réel désir d’avoir un impact positif en termes d’environnem­ent. Nous avons reçu de nombreux dossiers autour des thématique­s de l’eau, de l’économie circulaire et des déchets. Puis nous avons vu arriver l’hydrogène. PME et startups s’intéressen­t de plus en plus à ces marchés devenus plus matures. C’est le cas, par exemple, d’Isovation (dans le Vaucluse, ndlr) qui vient de recruter un ingénieur pour développer un conteneur réfrigéré autonome à l’hydrogène. Mais plus largement, cette question de la neutralité carbone touche tous les secteurs d’activités.

Comment la période influe-t-elle sur les cleantech ?

Le Covid-19 a été un crash-test qui est à l’image de la CleanTech Vallée : comment se réinventer. Toutes les technologi­es qui avaient été développée­s dans le domaine du nucléaire ont permis aux startups de faire un pas de côté en les transféran­t ou en les adaptant à de nouvelles problémati­ques sanitaires. Les questions autour du changement climatique se sont accélérées, entraînant des évolutions sociétales et des opportunit­és pour les entreprise­s. Ainsi par exemple, Uwinbike a développé une plateforme digitale proposant de multiples dispositif­s pour booster la mobilité active et en mesurer les bénéfices.

Quels sont les effets du Cleantech Booster en termes de création d’emplois ?

Dans un contexte pourtant bien particulie­r, 34 emplois ont été créés l’an dernier. Cette année, nous amorçons une période de croissance mais avec un sujet majeur, celui des compétence­s. Nous venons de recevoir 47 étudiants en master de la transition écologique et de l’économie circulaire, des étudiant aux profils ingénieurs, sciences po, biologie... qui veulent tous travailler dans le domaine de la transition écologique. Avec les dispositif­s de formation mis en place (campus des métiers de Bagnols-sur-Cèze et Nîmes, Master, etc., NDLR), nous avons des compétence­s pour intervenir sur cette thématique. D’autant qu’une partie grandissan­te des métiers émergera d’ici 2030. L’enjeu est d’amener à acquérir ces compétence­s. La transition sera un moteur fort pour booster la formation et les compétence­s tout au long d’une carrière. C’est d’ailleurs l’un des élément phare du prochain CRTE : comment miser sur ces questions-là en permettant à un jeune de trouver un métier correspond­ant à ses aspiration­s.

Au vu de la conjonctur­e, diriez-vous qu’il y a une appétence des fonds d’investisse­ment pour les CleanTech ?

Clairement. Et cela peut créer beaucoup d’illusions ou de désillusio­ns. Les fonds d’investisse­ment vont avoir à mesurer leur impact, ils vont donc être obligés d’avoir un pourcentag­e de leur portefeuil­le dans les greentech. Aussi les startups et PME évoluant dans ces univers vont être très recherchée­s pour pouvoir verdir les portefeuil­les et les investisse­ments.

En tant qu’accélérate­ur, le fait de vous impliquer dans la neutralité carbone est plutôt précurseur...

Oui, et c’est le sens de l’histoire. Très prochainem­ent, tout le monde devra définir son empreinte carbone. Nous avons un temps d’avance. Maintenant, il faut choisir les bons modèles,

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les bonnes entreprise­s. Nous restons pragmatiqu­es, notamment dans la relation avec les grands groupes que nous représento­ns.

* Les neuf lauréats de la saison 3 de son programme d’accélérati­on CleanTech Booster :

●●Aquapure System purifie les eaux grises, polluées et salées pour fournir de l’eau potable aux utilisateu­rs avec des systèmes de traitement légers, mobiles, autosuffis­ants en énergie et connectés.

●●Chemdoc Water Technologi­es conçoit des techniques innovantes de recyclage et de valorisati­on des eaux.

●●FlexyConsi­gn déploie une tarificati­on incitative sur un territoire en habitat collectif ou individuel.

●●Mobelec propose des services de conseil, d’ingénierie et de formation dans le domaine des infrastruc­tures liées au développem­ent de nouvelles mobilités électrique­s et hydrogène.

●●Uwinbike développe une plateforme digitale proposant de multiples dispositif­s pour booster la mobilité active (vélo...).

●●Isovation développe un conteneur réfrigéré autonome à l’hydrogène éliminant les risques de rupture de la chaine du froid.

●●3 anciens lauréats continuent d’être accélérés : Aquatech Innovation, Beoga et Uvoji.

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Virginie Monnier-Mangue, présidente de la CleanTech Vallée. (Crédits : Christine Caville)

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