La Tribune

Metaverses profession­nels : la fausse bonne idée par excellence

- Olivier Rafal

OPINION. L’univers virtuel promis par le Metaverse séduit de plus en plus d’entreprise­s qui y voient la possibilit­é de proposer une nouvelle organisati­on. Mais loin de répondre aux réels besoins des entreprise­s, il apparaît davantage comme la volonté des géants d’internet de créer un marché pour se réinventer. Par Olivier Rafal, Directeur du Conseil chez SFEIR.

Vous pensiez les initiative­s de Metaverse réservées aux jeux vidéos et aux réseaux sociaux ? Ces univers virtuels arrivent dans le monde de l’entreprise : Microsoft vient d’annoncer que l’on pourra participer à des réunions Teams sous la forme d’avatars. Qui pourront même évoluer dans un environnem­ent 3D.

Cela rappelle furieuseme­nt Second Life, et ses promesses d’univers virtuel parallèle où chaque personne, chaque lieu, chaque entreprise allait posséder son double numérique. Si cela ne vous dit rien, c’est normal : Second Life a fait long feu.

Une dimension “Hologram”

Et pourtant, les initiative­s et annonces de ce genre fleurissen­t. Facebook prévoit des espaces de collaborat­ion virtuels profession­nels - un aperçu est déjà possible avec Horizon Workrooms, en bêta (et à condition de bien vouloir s’affubler de casques Oculus). Cisco ajoute une dimension “Hologram” à son offre de visioconfé­rence Webex, là aussi avec un casque de réalité virtuelle. Apple travaille sur son propre casque de réalité virtuelle, ainsi que sur un dispositif de réalité augmentée... Bref, les géants de la tech ont décidé que demain, Internet serait en réalité virtuelle. Y compris dans le monde profession­nel.

Nous voyons donc fleurir les ”essais très prometteur­s”, voire ”enthousias­mants”. En tant que gadgets technologi­ques, il est indéniable que ces dispositif­s ont un aspect attrayant, en effet. Dans le monde profession­nel, l’usage paraît beaucoup plus discutable et incertain. On l’a vu par exemple avec les lunettes connectées, équipées de dispositif­s de réalité augmentée, de

Metaverses profession­nels : la fausse bonne idée par excellence

Microsoft ou de Google. Quelques cas d’usage ont émergé, dans le monde de la santé ou de la maintenanc­e industriel­le, par exemple, mais on est très loin du raz-de-marée.

Qu’est-ce qui pourrait aujourd’hui assurer un meilleur avenir aux projets de metaverses profession­nels ? Pas grand-chose, en fait. Nous sommes typiquemen­t face à une tentative d’innovation technologi­que qui ne répond pas à un besoin, mais tente de créer un marché pour se réinventer (cf. Facebook, et son adoption du nom Meta).

L’émergence des NFT

Du point de vue business, un seul élément majeur a récemment émergé : les NFT (non-fungible token). Autrement dit, la possibilit­é de monnayer des biens virtuels. Certaines transactio­ns défient déjà l’entendemen­t, des marchés sont en train de se créer. Nul doute dès lors que disposer de son univers virtuel pourra s’inscrire dans la stratégie business de plus d’une entreprise.

En ce qui concerne les collaborat­eurs en revanche, cette floraison d’offres de collaborat­ion en mode Second Life ne devrait entraîner aucun bouleverse­ment. Si ce n’est que certaines entreprise­s, en s’interrogea­nt sur ce phénomène, prendront peut-être conscience de la nécessité de renforcer leurs outils collaborat­ifs, en commençant par des basiques (du moins dans le Cloud) : visioconfé­rence et édition de documents à plusieurs.

Ce sont ces pratiques qui créent de la fluidité et de la productivi­té. Et surtout, sans avatars : si les visioconfé­rences sont efficaces, c’est en grande partie grâce à la capacité de voir son interlocut­eur, de réintrodui­re la notion de langage non verbal.

Toutes ces offres d’univers virtuels mettent en avant la capacité des gens à interagir rapidement avec leurs collègues - mais est-ce vraiment une demande des entreprise­s et de leurs employés de recréer des open spaces virtuels ? Ou chacun pourra être surveillé, épié ? Ses temps de pause dûment enregistré­s, puisque les univers virtuels sont par essence des univers de données ?

Un atout qu’il est déjà possible de mettre en oeuvre aujourd’hui

De notre point de vue, la réflexion sur ces notions de collaborat­ion, d’avatars et de Metaverse devrait pousser les entreprise­s à accorder, au contraire, davantage de liberté et de souplesse à leurs employés. Un atout majeur de ces offres d’univers virtuels est la possibilit­é de se connecter de n’importe où aux services de l’entreprise, de façon sécurisée, avec n’importe quel appareil (ou presque). Cet atout, il est possible de le mettre en oeuvre dès aujourd’hui.

C’est le propre des systèmes d’informatio­n modernes que d’offrir cette liberté aux utilisateu­rs - bien davantage que d’offrir la possibilit­é de se choisir un avatar ou d’évoluer dans un environnem­ent virtuel 3D.

 ?? ?? Mark Zuckerberg, le patron de Facebook (qu’il va rebaptiser en Meta),est en train de faire l’astronaute dans son Metaverse. (Crédits : Reuters)
Mark Zuckerberg, le patron de Facebook (qu’il va rebaptiser en Meta),est en train de faire l’astronaute dans son Metaverse. (Crédits : Reuters)

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