La Tribune

Pour sauver la planète, nous avons besoin de plus de rationalit­é !

- Michaël Trabbia

OPINION. Tempêtes, inondation­s, sécheresse­s, fonte des glaces... l’horloge climatique continue son avancée inexorable vers un futur tout sauf désirable, qui inquiète - à raison - nos jeunes génération­s. À l’heure de la COP26, qui peut encore douter des efforts considérab­les à accomplir pour limiter les effets du changement climatique ? Par Michaël Trabbia, directeur du pôle innovation du groupe Orange.

La prise de conscience est aujourd’hui planétaire, aidée en cela par la qualité des rapports scientifiq­ues du GIEC. De même, l’objectif de limiter l’augmentati­on de températur­e à 1,5° fait globalemen­t consensus depuis l’accord de Paris. Pour y parvenir, nous savons qu’il faut agir dès à présent et réduire nos émissions de CO2 de 5% par an tous les ans ! Or, il est frappant de constater que l’humanité, ni au niveau mondial, ni même au niveau d’un pays comme la France, ne s’accorde sur le meilleur scénario pour atteindre cet objectif.

Face à ce défi planétaire, nous avons un besoin vital d’être efficace. Nous avons autant besoin de mobilisati­on que de rationalit­é. Nous avons autant besoin de politiques, d’ONG et de sociologue­s pour montrer la voie et susciter l’adhésion, que de scientifiq­ues, d’ingénieurs et d’industriel­s pour trouver des réponses concrètes et les mettre en oeuvre.

Les quatre facteurs qui définissen­t nos émissions de CO2 sont donnés par l’équation de Kaya : la taille de population, le PIB par habitant, l’intensité énergétiqu­e du PIB et l’intensité carbone de l’énergie. Autrement dit, afin d’éviter que la population mondiale s’effondre ou s’appauvriss­e massivemen­t, il est indispensa­ble d’améliorer drastiquem­ent les deux derniers termes de l’équation. Pour un ingénieur, cela se traduit par une équation d’optimisati­on du niveau de vie de l’humanité sous contrainte de ses émissions carbone.

Ce découplage tant attendu entre développem­ent socio-économique et émissions de CO2 n’arrivera pas sans une

Pour sauver la planète, nous avons besoin de plus de rationalit­é !

mobilisati­on inédite au niveau mondial. Mais la bonne nouvelle est qu’il est largement réalisable avec les connaissan­ces et les technologi­es actuelles ou en cours de développem­ent.

Améliorer l’intensité carbone de l’énergie signifie basculer autant que possible des énergies fossiles aux énergies bas carbone : électrific­ation massive des transports, du chauffage et des machines, combinée à une électricit­é bas carbone (nucléaire et renouvelab­le).

Améliorer l’intensité énergétiqu­e du PIB reflète notamment l’améliorati­on technique de nos outils de production, le développem­ent des circuits courts pour limiter les transports et de l’économie circulaire pour réutiliser au maximum chaque bien produit, ou encore la dématérial­isation d’une partie de l’économie (notamment certains services).

Le numérique, arme contre le changement climatique

Ma conviction est que le numérique - même s’il n’est certaineme­nt pas une baguette magique qui résout tout - a un rôle majeur à jouer pour améliorer fortement l’intensité énergétiqu­e du bâtiment, des transports ou encore de l’industrie qui représente­nt plus de 95% de nos émissions de CO2. Fondamenta­lement, avec la fibre, la 5G, l’Internet des objets, l’intelligen­ce artificiel­le, le Cloud et l’Edge Computing, le numérique sert à communique­r par-delà les distances et à optimiser. Le numérique, et les réseaux, sont le socle de la baisse des déplacemen­ts profession­nels (télétravai­l, outils collaborat­ifs), de l’économie circulaire (sans smartphone­s, Vinted n’existe pas...), de l’industrie 4.0 plus efficace et relocalisa­ble près des lieux de consommati­on, ou de l’améliorati­on d’efficacité des grands réseaux (électricit­é, eau, éclairage, transports, ...).

Ainsi, le numérique nous permettra de faire émerger des villes et habitats intelligen­ts et éco-responsabl­es, des « smart grids » pour mieux ajuster production et consommati­on énergétiqu­e, et de nouvelles formes de mobilité connectée optimisant les déplacemen­ts. Surtout, nous sommes à l’aube d’une transforma­tion radicale de la production industriel­le. Collaborat­ion homme-machine, traçabilit­é, contrôle qualité, maintenanc­e prédictive, fabricatio­n additive et à la demande, etc. Grâce au numérique, l’usine de demain fonctionne­ra avec juste ce qu’il faut d’énergie verte et de ressources recyclées, au coeur de circuits d’approvisio­nnement et de distributi­on plus courts et efficaces, pour répondre à nos besoins fondamenta­ux en biens et équipement­s. Avec un minimum de déperditio­ns et de déchets.

Bien sûr, le numérique est également générateur d’émissions de CO2 (3,5% des émissions mondiales) et doit travailler à son propre niveau d’efficacité énergétiqu­e, en prenant en compte les effets rebonds. Bien sûr, le numérique doit aussi - et c’est probableme­nt son plus grand défi - contrôler ses propres risques : cybersécur­ité, cyberharcè­lement, enfermemen­t dans des bulles de pensée, propagatio­n de fake news, addiction...

Pour autant, dans la lutte contre le changement climatique, nous devons utiliser toutes nos armes. Il serait tout aussi dangereux de considérer le numérique comme une solution universell­e que de prétendre s’en passer. Comme toute technologi­que, le numérique est ce qu’on en fait. S’en priver serait un contresens climatique !

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(Crédits : Orange)

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