La Tribune

Vive le cornucopia­nisme!

- Robert Jules @rajules

CHRONIQUE DU “CONTRARIAN” OPTIMISTE. Le monde court à sa perte. Nous sommes en train d’épuiser les ressources naturelles en ne prenant pas en compte leurs limites. Cette vision catastroph­iste et millénaris­te ne correspond pas à la réalité. Au contraire, l’humanité n’a eu de cesse de résoudre les problèmes qu’elle a dû affronter, grâce à l’ingéniosit­é humaine qui, elle, à une capacité d’innovation sans limite.

L’un des sujets qui alimente régulièrem­ent la une des médias est l’épuisement du... pétrole, de l’eau potable, des terres arables, ou encore la fin de la biodiversi­té, voire bientôt de l’espèce humaine avec le réchauffem­ent climatique. Le catastroph­isme ou, dans sa version moderne, la collapsolo­gie se porte bien.

Cette conception des limites physiques apparaît d’autant plus évidente qu’elle découle d’un raisonneme­nt simple : le monde étant fini, les ressources naturelles ont nécessaire­ment des limites physiques, et, au fur et à mesure où nous les consommons, elles vont devenir de plus en plus rares.

La théorie du pic de la production pétrolière sans cesse démentie

Cette façon de raisonner est problémati­que car elle ne correspond pas à la réalité. Par exemple, depuis 40 ans, nombre d’experts annoncent régulièrem­ent que nous avons atteint un pic de la production pétrolière, avant d’être démentis. En fait, aujourd’hui, le consensus des spécialist­es considèren­t que l’on est plutôt en train d’atteindre un pic de la... demande pétrolière.

Car paradoxale­ment les réserves prouvées ne font qu’augmenter alors même que nous en consommons de plus en plus, de 3,65 milliards de tonnes en 2000 à 4,61 milliards de tonnes en 2019 (2020 étant une année à part, en raison des confinemen­ts), selon l’AIE, soit un bond de 26,3%.

En 1990, nous avions environ 45 années de consommati­on (les réserves prouvées divisées par la production). En 2020, nous en avons 53,5 années, alors même que la production est passée en 10 ans (2010-2019) de 83,3 millions de barils par jour à 94,9 millions de barils par jour, soit une hausse de près de 14%.

Vive le cornucopia­nisme!

Autrement dit, plus nous extrayons du pétrole de terre, plus nous en trouvons. Cette dynamique s’explique par le facteur économique. Si le prix du pétrole augmente, il y a une incitation financière à en chercher, et plus d’investisse­ments vont aller dans la recherche technologi­que et trouver des solutions pour par exemple augmenter le taux de récupérati­on de l’huile dans les roches ou permettre d’exploiter des gisements en offshore profond. Or, ce facteur économique est dynamique, il évolue sans cesse pour s’adapter. Quand le prix du brut est trop élevé, le consommate­ur va chercher à en utiliser moins, l’industriel à lui substituer un autre produit, etc., le temps que la production rééquilibr­e l’offre et la demande pour faire baisser à nouveau les cours.

L’économie circulaire est une innovation récente

Et même si dans les prochaines années, nous allons utiliser moins de pétrole pour le transport en migrant vers des véhicules électrique­s, l’exploitati­on se poursuivra car l’or noir est de plus en plus utilisé par les secteurs de la chimie (plastique) et de la pharmacie.

De même, depuis que l’humanité en consomme, nous avons extrait plus de 700 millions de tonnes de cuivre qui sont stockés à l’intérieur des produits qui nous entourent. Ce volume, inépuisabl­e, peut être réutilisé pratiqueme­nt à l’infini. Or, l’économie circulaire qui repose notamment sur le recyclage n’est apparu que récemment pour répondre à des problèmes qui ne se posaient pas jusqu’à la moitié du siècle dernier.

Cette vision d’un monde sans limite a un nom savant : le cornucopia­nisme (qui vient du latin qui a donné en français la “corne d’abondance”). C’est l’exact opposé du malthusian­isme. Cette vision optimiste assure que grâce à des innovation­s permanente­s l’humanité pourra toujours pallier nos manques de ressources naturelles.

Car une ressource naturelle en tant que telle n’existe pas, elle n’est jamais donnée, elle le devient par sa transforma­tion en produit. Ce qui implique une activité, le travail humain (de la conception à la distributi­on en passant par la production), et du capital (pour acheter les moyens de production). Or ce coût est relatif à celui des autres marchandis­es dans une économie de marché.

Optimisme technophil­e

Ce qui oblige en permanence les entreprise­s à améliorer sans cesse leurs produits - en faisant plus avec moins - pour rester dans la course économique face à la concurrenc­e.

Le cornucopia­nisme est souvent critiqué pour son optimisme technophil­e et sa justificat­ion du capitalism­e d’un monde sans limite. En réalité, il n’est que l’expression du caractère inépuisabl­e de l’ingéniosit­é humaine, comme il le fait en littératur­e, avec à peine 24 lettres de l’alphabet. Il considère que le monde sera par définition toujours imparfait mais qu’il peut sans cesse être amélioré, à condition de s’attaquer aux problèmes réels et non fantasmés.

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En 1990, nous avions environ 45 années de consommati­on (les réserves prouvées divisées par la production). En 2020, nous en avons 53,5 années. (Crédits : Reuters)
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