La COP26 file tout droit vers les prolongations
De la sortie des énergies fossiles à la mise à jour des ambitions de chaque Etat, en passant par la question épineuse de l’aide financière des pays du Nord à ceux du Sud, les points de blocage restent nombreux avant d’aboutir à un accord final à la COP26. Faute de consensus, les tractations pourraient bien se prolonger tout au long du week-end.
A Glasgow, le compte à rebours est lancé. Car l’échéance approche avant la fermeture des portes de la vingt-sixième conférence climat de l’ONU, où se réunissent depuis deux semaines des délégations issues de la plupart des pays du globe. En effet, à 18:00 U.T.C (19:00 C.E.T) ce vendredi, le monde devrait officiellement savoir si oui ou non, les parties ont su trouver un compromis ambitieux, six ans après l’accord historique de Paris de limitation des températures à +2°C, si possible +1,5°C, d’ici à la fin du siècle.
Mais comme souvent, rien n’est moins sûr : faute de consensus, la COP26 pourrait bien jouer les prolongations. « Ici, la plénière de clôture n’est toujours pas annoncée, et il reste moins d’1h30.
On est probablement partis pour une longue nuit », explique à La Tribune Armelle Le Comte, directrice plaidoyer d’Oxfam France. « Les tractations dureront probablement jusqu’à lundi », abonde Pierre Cannet, son homologue au WWF France. Et pour cause, un « petit nombre de points clés » doivent encore être élucidés, notait Alok Sharma, le président de la conférence, au cours de la journée.
Et c’est peu dire. De la sortie des énergies fossiles à la mise à jour des ambitions concrètes de chaque Etat, en passant par la question épineuse de l’aide financière des pays du Nord à ceux du Sud... les enjeux sont immenses, et les blocages, nombreux. Résultat : si la présidence britannique a bien publié vendredi un projet d’accord final, le texte promet de faire naître de longs débats avant que les près de 200 pays présents ne s’accordent sur son adoption, et que le marteau ne tombe pour de bon.
« Garder les 1,5°C en vie »
Et notamment sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Car selon les données actualisées de Climate Action Tracker, les engagements restent loin d’être à la hauteur :
La COP26 file tout droit vers les prolongations
même s’ils respectaient leurs promesses actuelles, les Etats signataires de l’accord de Paris se heurteraient toujours à un mur climatique de +2,4°C d’ici à la fin du siècle, calcule l’institut indépendant... loin du souhait martelé à la COP26 par le Premier ministre britannique, Boris Johnson, de « garder les 1,5°C en vie » (« Keeping 1.5°C Alive »).
Pour y remédier, le projet d’accord final demande aux pays de revoir « si nécessaire » leurs objectifs nationaux pour 2030 dès l’année prochaine, avant un bilan global prévu en 2023, à la COP28 des Emirats Arabes Unis. Et ce, « en tenant compte des différentes circonstances nationales », précise le document.
« Le texte est trop ambigu, et ne mentionne pas l’objectif actualisé des +1,5°C », regrette Armelle Le Comte, qui espère un renforcement de ce point lors des dernières tractations.
Et pour cause, si le draft « reconnaît que les impacts du changement climatique seront bien inférieurs à une augmentation de température de 1,5 °C par rapport à 2 °C », il se contente de « réaffirmer » l’objectif de hausse « en deçà de 2 °C ».
Sur les énergies fossiles, une deuxième version adoucie
Reste que le projet d’accord signe une avancée en la matière, remarquée par de nombreux observateurs. En effet, il inclut pour la première fois dans le cadre d’un accord international une mention des énergies fossiles, et ouvre ainsi la voie à une sortie progressive de ses financements. Pour rappel, charbon, pétrole et autre gaz ne figuraient même pas dans l’accord de Paris, alors que ces combustibles sont considérés depuis longtemps comme la principale source du dérèglement climatique.
Il n’empêche, il fait bien référence aux énergies fossiles, le texte présenté aujourd’hui a été édulcoré par rapport à une première version soumise hier. Concrètement, alors que cette dernière appelait à « accélérer la sortie du charbon et des financements aux énergies fossiles », les parties sont maintenant encouragées à limiter les financements « inefficaces » aux énergies fossiles. Et à accélérer la sortie de l’utilisation du charbon uniquement s’ils ne présentent pas de « systèmes de capture » de CO2. Pourtant, de nombreuses ONG environnementales jugent ces techniques peu efficaces.
Mais même cette variante pourrait bien se trouver bloquée.
Alors que l’émissaire américain John Kerry a qualifié vendredi les subventions aux combustibles fossiles de « folie », l’Arabie Saoudite s’est, sans surprise, vivement opposée au texte. Le pays a ainsi appelé à « rester fidèle à l’accord de Paris », sans cette nouvelle mention donc.
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Financer les pertes et dommages des pays du Sud
Mais ce n’est pas tout : un autre noeud semble inextricable.
Celui sur le financement des pays développés à ceux qui le sont moins, afin d’accompagner leur transition énergétique et les pertes qu’ils subissent du fait du changement climatique.
Car une énième promesse n’a pas été tenue. En 2009, les pays riches s’étaient en effet engagés à porter à 100 milliards de dollars par an (86,25 milliards d’euros) d’ici à 2020 l’aide aux autres Etats pour lutter contre le changement climatique, mais aussi s’adapter aux impacts à venir. En 2019, seuls 79,6 milliards avaient été effectivement rassemblés. Et malgré l’absence de données suffisantes pour l’instant, il semble très improbable que les 20 milliards manquants aient été trouvés en 2020.
Face à cet échec, le projet de déclaration appelle les pays riches à remplir, et même aller au-delà, de leur promesse non tenue. Et à doubler d’ici à 2025 l’aide spécifiquement consacrée à l’adaptation aux effets du changement climatique, alors que c’est le financement des réductions d’émissions qui capte 75% du total. Mais les plus pauvres, qui comptent pour une part insignifiante des émissions mondiales alors qu’ils sont les plus exposés aux conséquences du dérèglement, insistent également pour que les financements prennent en compte les « pertes et préjudices » qu’ils subissent déjà à un rythme de plus en plus fréquent, et ont déposé une proposition jeudi soir en ce sens. Sur ce point pourtant, si le projet publié vendredi suggère d’accélérer la mise en oeuvre de dispositifs déjà prévus, il ne mentionne aucun objectif chiffré dans le temps.
« Nous sommes extrêmement déçus » que la proposition d’un dispositif spécifique n’ait pas été retenue, a ainsi lancé le représentant guinéen au nom du groupe G77+Chine (plus de 100 pays en développement et émergents).
Sans surprise, ce dossier plus que sensible promet d’engendrer encore des discussions houleuses entre les pays, et pourrait entraîner des modifications substantielles du projet d’accord, avant la signature tant attendue.
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