La Tribune

Compétitiv­ité française : vers “les trente vertueuses” ?

- Matthieu Courtecuis­se et Olivier Marchal

OPINION. Si la France d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celle des trente glorieuses, la possibilit­é d’un nouveau cycle de croissance forte est réelle : l’accélérati­on du progrès technique, la réorganisa­tion des chaînes de production au niveau mondial sont autant d’opportunit­és à saisir pour notre pays. Mais pour entrer dans ce cycle, la France devra pratiquer une vertu : la responsabi­lité. Responsabi­lité fiscale et budgétaire d’une part, responsabi­lité environnem­entale d’autre part. Cette dernière, moins souvent évoquée, est une donnée nouvelle de la compétitiv­ité. Par Matthieu Courtecuis­se, Président de Syntec Conseil, CEO de SIA Partners &etOlivier Marchal, Administra­teur de Syntec Conseil, Président de Bain & Company France.

Arrêtons-nous sur quelques chiffres : en 1970, dernière année où la France a connu un taux de croissance de 6,1% (le même taux qu’en 2021, qui vient après un taux négatif de 7,9% en 2020), les prélèvemen­ts obligatoir­es en France représenta­ient 33,6% du PIB. Le déficit public était quasi nul et la dépense publique représenta­it 40% du PIB.

Ces données font sourire, tant le décalage avec la France d’aujourd’hui est grand : des dépenses publiques représenta­nt de 56% du PIB (avant l’effet crise Covid), un taux de prélèvemen­ts obligatoir­es de 47%, un déficit budgétaire record...

Autres temps, autres moeurs ?

Non. Actuelleme­nt, les autres pays développés pratiquent en moyenne des taux d’imposition et de dépenses publiques similaires à ceux de la France de 1970. Avec des résultats économique­s souvent au rendez-vous.

Car en matière de compétitiv­ité économique, la modération budgétaire et fiscale paie. C’est ce que l’on constate chez nos voisins, mais aussi ce que nous indiquent les dirigeants d’entreprise, que nous avons sondés avec BVA : à la veille des élections présidenti­elles, leurs priorités sont la baisse des charges sociales, de la fiscalité et du poids de la bureaucrat­ie. A cela

Compétitiv­ité française : vers “les trente vertueuses” ?

s’ajoute que 96% d’entre eux estiment essentiell­e ou importante une réforme des dépenses publiques.

Il ne s’agit pas d’entretenir le rêve d’un passé prospère : la période que nous vivons est différente à de nombreux égards, et la nostalgie ne fait pas bon ménage avec « l’esprit de conquête » qui anime l’expansion économique.

Il faut simplement constater, pragmatiqu­ement, qu’à travers les époques et les pays, les fondamenta­ux de la compétitiv­ité économique, base de la prospérité, perdurent : et si le déficit commercial français reste abyssal, c’est que le poids de la fiscalité sur les entreprise­s en France demeure un record mondial. L’arrêt de l’hémorragie industriel­le depuis quelques années, les meilleurs résultats sur le plan du chômage et le frémisseme­nt de la compétitiv­ité sont dus à une baisse, insuffisan­te certes mais bien réelle, du poids de la fiscalité sur les entreprise­s.

La décarbonat­ion de l’économie

Pas de retour aux trente glorieuses donc, mais pourquoi ne pas imaginer aller vers les « trente vertueuses », un cycle de croissance long faisant la part belle à la responsabi­lité ? Responsabi­lité fiscale et budgétaire de l’Etat d’une part, mais aussi responsabi­lité dans l’usage des ressources naturelles et dans l’impact environnem­ental : l’enjeu principal des années à venir est la décarbonat­ion de l’économie, notamment des transports et de l’industrie... Seule une économie compétitiv­e et moderne viendra à bout des défis colossaux à relever en matière d’innovation et d’investisse­ment pour atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050. La compétitiv­ité n’est donc pas un obstacle à la décarbonat­ion, elle est au contraire une condition pour la réussir réellement, et non par une décroissan­ce utopique et mortifère. L’innovation au service du climat se déploiera sur le terrain technique, mais aussi dans l’attention portée à la rareté des ressources et à l’efficacité énergétiqu­e.

Ce rapport raisonné à l’environnem­ent apparaît ainsi comme une donnée nouvelle de la compétitiv­ité des entreprise­s et des Etats, qui marquera fortement les décennies à venir : talents et flux financier se dirigent déjà, et se dirigeront encore davantage dans les années à venir, vers les entreprise­s et les pays vertueux en matière environnem­entale, comme dans les autres domaines de la RSE.

Enfin, ce cycle vertueux, de par la magnitude des changement­s, des remises en question, et des investisse­ments qu’il va imposer, ne sera possible que s’il est fondé sur une confiance retrouvée ; confiance en nos capacités, en notre avenir, et confiance entre les parties prenantes. A l’approche des élections, il nous semble essentiel de le rappeler. Le prochain quinquenna­t sera en effet déterminan­t pour stimuler cette confiance et embarquer le pays sur le chemin possible des « trente vertueuses ».

 ?? ?? De gauche à droite, Matthieu Courtecuis­se et Olivier Marchal. (Crédits : DR)
De gauche à droite, Matthieu Courtecuis­se et Olivier Marchal. (Crédits : DR)

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