La Tribune

En direct de la COP26 avec Bertrand Piccard : la transition climatique sera équitable ou ne sera pas !

- Bertrand Piccard

LES TOPS ET LES FLOPS DE LA COP26. La lutte contre le changement climatique doit faire davantage de gagnants que de perdants, et l’on devra s’occuper des perdants, sinon elle n’aura jamais lieu. Protéger les population­s les plus démunies est une nécessité, les aider à se développer de manière durable aussi, tout comme préserver les emplois venant des entreprise­s qui devront se reconverti­r. Par Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse.

Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse, psychiatre et explorateu­r, auteur du premier tour du monde en ballon (1999) puis en avion solaire (2015-2016), tiendra durant cette quinzaine une chronique quotidienn­e des succès et des déceptions de ce rendez-vous crucial pour l’avenir de notre planète. Une exclusivit­é pour La Tribune et le quotidien suisse Le Temps.

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A Glasgow, un terme ressort très souvent dans les négociatio­ns, celui de « transition équitable », « just transition » en anglais.

Car il n’est pas seulement moralement inacceptab­le de laisser des pans entiers de la population mondiale derrière nous, c’est aussi impossible si l’on veut créer un consensus pour un accord ambitieux. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les 100 milliards de dollars que les pays riches ont promis de verser chaque année aux pays émergents pour les aider à s’adapter au changement climatique, mais aussi pour les aider à accomplir une transition harmonieus­e entre énergies fossiles et renouvelab­les, entre économie polluante et développem­ent propre. Or ce

En direct de la COP26 avec Bertrand Piccard : la transition climatique sera équitable ou ne sera pas !

dernier point reste visiblemen­t une pierre d’achoppemen­t pour ceux qui n’ont pas encore compris les avantages économique­s à tirer de cette transition.

Quand on parle de transition équitable, on devrait donc beaucoup plus souligner comment la lutte pour le climat peut améliorer le niveau de vie des population les plus démunies. Il faut absolument sortir de l’idée que la transition énergétiqu­e est réservée aux pays riches. C’est même parfois l’inverse : dans les pays riches, la transition nécessite de remplacer de nombreuses d’infrastruc­tures existantes. Dans les pays en développem­ent, il est possible de construire directemen­t des infrastruc­tures propres en évitant le stade intermédia­ire. C’est ce qu’on appelle le « leap frogging » (littéralem­ent, le saut de la grenouille).

Des microgrids pour les pays pauvres

Il est important de savoir que de nombreux pays déjà pauvres continuent de s’appauvrir chaque année tant ils dépensent des devises étrangères pour s’approvisio­nner en énergie fossile. La production d’énergies renouvelab­les à l’échelle locale et décentrali­sée, permet d’assurer création d’emplois, développem­ent économique et stabilité sociale. Les microgrids, ces petites centrales solaires, hydroélect­riques ou éoliennes munies de batteries, de pompes d’irrigation pour l’agricultur­e, de prises électrique­s pour l’artisanat, fournissen­t toute l’énergie dont une communauté a besoin pour prospérer de façon harmonieus­e. Le paiement de l’énergie se fait par téléphone portable sur la base de la quantité consommée et permet de rembourser l’investisse­ment initial. A noter que les obstacles aux investisse­ments dans ce type de nouvelles infrastruc­tures n’est pas l’absence de rentabilit­é mais l’instabilit­é politique et la corruption endémiques à certains gouverneme­nts.

Quand on parle de transition équitable, il s’agit toujours de limiter le nombre de perdants, et de se préoccuper des perdants s’il y en a quand même. Dans les pays riches également. On ne peut pas faire abstractio­n de la survie économique d’entreprise­s qui emploient des centaines de milliers de salariés risquant de se retrouver au chômage. Au lieu de fermer des secteurs industriel­s polluants sans se soucier des conséquenc­es, il est indispensa­ble de pousser à la reconversi­on dans de nouvelles branches, de favoriser la diversific­ation des produits, de manière à éviter les pertes d’emplois qui seront un obstacle à tout changement.

Comment convaincre la Pologne

Prenons l’exemple de la Pologne, dont l’économie repose en bonne partie sur le charbon. Pour que le pays devienne moins émetteur de CO2, il sera plus difficile d’exiger de lui qu’il sacrifie son charbon que de pousser les avantages de l’efficience énergétiqu­e, de nouvelles opportunit­és industriel­les propres créatrices d’emplois. C’est en tous cas l’angle de discussion que j’ai adopté avec le président polonais Andrzej Duda, qui s’est montré très intéressé d’en apprendre davantage sur les startups qui pourraient stimuler l’industrie polonaise dans des domaines décarbonés.

Une fois de plus, on constate que la logique de clivage introduit beaucoup plus de difficulté­s que la logique d’inclusion. Les pays de niveaux de développem­ent différents peuvent très bien s’accorder autour de la transition écologique. Il devrait en être de même chez nous pour les partis de gauche et de droite, qui peuvent adopter des politiques fédératric­es, en montrant à la population les avantages des solutions visant à lutter contre le changement climatique, tant en matière de qualité de vie, de pouvoir d’achat que d’écologie.

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(Crédits : DR)

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