La Tribune

L’automobile d’occasion estil un facteur d’accélérati­on de l’inflation ?

- Emmanuel Labi

OPINION. Si l’on a beaucoup entendu parler ces derniers temps de la flambée des prix de l’occasion aux Etats-Unis et en Europe, on s’est peu intéressé à son impact sur l’inflation. Or il existe bien un lien de cause à effet entre la montée des prix des véhicules d’occasion (VO) et l’augmentati­on du coût de la vie. Un phénomène qui devient visible en France et qui ne semble pas prêt de s’arrêter... Par Emmanuel Labi, Directeur Général d’autobiz (*)

Selon l’Insee, la hausse des prix à la consommati­on s’est fortement accélérée au mois de septembre 2021 à +2,1% sur un an, contre +1,9% en août et même +1,2% en juillet. Or, depuis dix ans, ce phénomène avait pour ainsi dire presque disparu. Toujours selon l’Insee, de 2002 à 2021, l’inflation n’a dépassé le seuil des 2% en moyenne sur une année qu’à quatre reprises (en 2003, en 2004, en 2008 et en 2011). Les causes de ces phases de hausse de prix étaient à chaque fois connues, lisibles et extérieure­s : variations des conditions climatique­s impactant les produits alimentair­es frais par exemple en 2003 et 2004 ou déstabilis­ation de l’environnem­ent géopolitiq­ue pour ce qui concerne les produits pétroliers en 2008 et en 2011.

La hausse des prix des véhicules d’occasion devient un facteur majeur de l’inflation...

Bien qu’ils ne soient pas mesurés en tant que tel par l’Insee, les prix des VO sont un facteur réel et palpable d’augmentati­on du coût de la vie. Et c’est bien le caractère endogène de ce facteur d’inflation qui doit retenir notre attention.

Alors que traditionn­ellement, les VO perdent de leur valeur mois après mois (de -50 à -200 euros chaque mois, pour un même véhicule - même modèle, même kilométrag­e et même âge), cette tendance tend à se freiner, voire à s’inverser. Sur le seul mois de septembre 2021, nous avons ainsi pu constater que les véhicules d’occasion ont gagné en moyenne +39 euros.

L’automobile d’occasion est-il un facteur d’accélérati­on de l’inflation ?

Activité de repricing* VO des profession­nels

Source : autobiz

* Nous définissio­ns le “repricing” comme l’étude des volumes et des prix des VO qui ont, soit été mis en vente pour la première fois en ligne, soit fait l’objet d’un changement de prix sur la période considérée.

Certes, les véhicules d’occasion qui arrivent sur le marché sont plus couteux car en moyenne mieux équipés et plus grands. Mais en septembre 2021, le prix moyen d’un un véhicule d’occasion présenté à la vente sur Internet était, tout de même, en moyenne 1 300 euros supérieur à celui de janvier 2019 ! Un gap considérab­le !

Source : autobiz, informatio­ns tirées de l’étude quotidienn­e des 10 plus grandes plateforme­s de reventes de véhicules d’occasion en France

... Et ce phénomène ne semble pas prêt de s’arrêter !

Si cette appétence pour l’occasion s’est confirmée ces dernières années, cette tendance s’est accélérée à travers la crise Covid-19. En 2020, le marché du véhicule d’occasion s’est ainsi révélé beaucoup plus résilient à la crise que celui du véhicule neuf : le premier a connu un recul de ventes de -3,5% contre -25,5% chez le second.

Un phénomène qui se prolonge en 2021 avec une hausse de +12% sur les premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2020 et même +6% par rapport à 2019, année non marquée par la crise sanitaire. Sur la même période, empêchées par la crise des semi-conducteur­s, les immatricul­ations de véhicules neufs vendus aux particulie­rs sont en baisse de près de -3% par rapport à 2020, année pourtant frappée de plein fouet par la Covid.

Ces chutes des ventes de véhicules neufs sont aussi synonymes d’une ratificati­on future de l’offre VO que ce soit via la location courte durée (revenant 12 à 24 mois après leur immatricul­ation sur le marché), le leasing (36 à 60 mois) ou via la reprise entre particulie­rs (entre 60 et 96 mois).

Quand on sait que la pénurie de semi-conducteur­s pourrait se prolonger jusqu’en 2023, on peut, sans prendre trop de risques, envisager que le phénomène de manque d’offre VO continuera au moins 24 si ce n’est 36 mois de plus.

Face à une demande toujours croissante, on peut donc anticiper que cette crise de l’offre ne pourra pas entraîner une baisse des prix de l’occasion à leurs niveaux d’avant crise avant au moins l’année 2024.

Lorsque l’on sait que 81% des ménages ont au moins une voiture et 35% d’entre eux en ont au moins deux (toujours selon l’Insee, en 2021), ce phénomène de hausse des prix pourrait donc s’installer durablemen­t comme un catalyseur d’une inflation plus soutenue sur les deux à trois années à venir.

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(*) Emmanuel Labi est Directeur Général d’autobiz. En tant qu’expert européen de la big data dans le milieu de l’automobile, autobiz établit des états des lieux chiffrés et exhaustifs des différents marchés du continent.

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(Crédits : DR)
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