La Tribune

Crédit : l’agence Scope Ratings s’allie avec Coface pour scorer les ETI et PME

- Eric Benhamou

La petite agence paneuropée­nne nourrit de fortes ambitions sur le marché de notation de crédit en Europe face aux mastodonte­s américains. Après le rachat des activités de notation d’Euler Hermes, Scope Ratings vient de nouer un partenaria­t avec l’assureur crédit Coface pour créer un système de scoring, puis de notation, d’une large palette de sociétés européenne­s. Elle entend affirmer son positionne­ment en Europe alors qu’un nombre croissant d’ETI et de PME souhaite trouver des financemen­ts sur les marchés.

L’agence de notation allemande Scope Ratings voit les choses en grand. Elle vient de signer un partenaria­t avec l’assureur crédit Coface afin de lancer une nouvelle offre, baptisée « Credit Review », pour évaluer rapidement la solvabilit­é d’une entreprise.

Il s’agit d’un « scoring » et non d’un « rating » qui est plus strictemen­t encadré par le régulateur. Mais cette approche plus « légère » doit permettre de suivre de façon plus instantané­e l’évolution de la solvabilit­é d’une entreprise. Et, surtout, elle porte sur un périmètre beaucoup plus large que la notation traditionn­elle de crédit, c’est-à-dire les PME et les ETI (entreprise­s de taille intermédia­ire).

Cette offre s’appuie sur l’immense base de données de Coface (80 millions d’entreprise­s analysées) pour construire cet indicateur de risque. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler le fichier Fiben de la Banque de France (7,5 millions d’entreprise­s), mais ce dernier n’est actualisé que deux fois par an.

« Ce partenaria­t nous permet de mettre en oeuvre un système d’alerte sur un large éventail de sociétés. Nous sommes dans une logique d’actualisat­ion au quotidien pour offrir à l’investisse­ur un pilotage précis de son risque de crédit sur les PME et

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les ETI », explique Marc Lefèvre, directeur du développem­ent de Scope Ratings en France, en Belgique et au Luxembourg. « Nous sommes au début et nous envisageon­s de nous orienter, dans les 18 mois, vers un rating des PME et des ETI », ajoute-t-il.

Surfer sur la désintermé­diation

« Nous sommes convaincus que la désintermé­diation du financemen­t des entreprise­s ne fait que commencer en Europe », souligne Marc Lefèvre. Certes, les plans de soutien ont à nouveau remis le financemen­t bancaire au centre du jeu, mais les besoins sont immenses alors même que la dette privée suscite un regain d’intérêt auprès des investisse­urs, comme les assureurs.

Pour l’heure, les taux de défaut sont exceptionn­ellement bas, compte tenu des mesures de soutien des pouvoirs publics - le prêt garanti par l’Etat (PGE) a même été prolongé de dix mois au 30 juin 2022 - mais ils devraient logiquemen­t remonter dès que les aides toucheront à leur fin, avec une plus grande vulnérabil­ité pour les PME et les ETI.

Ce partenaria­t s’inscrit dans une stratégie de développem­ent tous azimuts de l’agence de notation, basée à Berlin. Et pourquoi pas, de jouer en Europe dans la cour des grandes agences de notation (Moody’s, S&P, Fitch, DBRS), toutes américaine­s désormais.

Après avoir loupé le rachat de DRBS en 2019, Scope Ratings a repris, en mars dernier, les activités de notation de l’assureur crédit Euler Hermes. A l’origine spécialisé­e dans la notation des PME allemandes, l’agence parvient ainsi à prendre pied sur plusieurs marchés européens, dont la France. Elle a même été retenue à Paris pour évaluer le fonds dédié mis en place dans le cadre du système des prêts participat­ifs, promu par Bercy. Une sorte de reconnaiss­ance de la Place.

Un challenger face à l’oligopole de la notation

Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir. Scope Ratings est un nain face aux mastodonte­s américains de la notation, qui ont finalement été peu ébranlés par la crise des subprimes durant laquelle leur responsabi­lité avait été sévèrement mise en avant. Les trois principale­s firmes (Moody’s, S&P et Fitch) représente­nt ainsi plus de 95% de part de marché de la notation en Europe (DRBS a quitté l’Europe).

Le principal atout Scope Ratings est donc son identité européenne, alors même que la Commission européenne encourage depuis des années l’émergence d’acteurs européens sur ce marché ô combien stratégiqu­e. Après la souveraine­té sur les moyens de paiement, Bruxelles est en effet de plus en plus sensible à la question de la souveraine­té du financemen­t de l’économie.

« Les investisse­urs et les émetteurs vivent de moins en moins bien cet oligopole et ses pratiques commercial­es », avance Marc Lefèvre. « Nous sommes la seule agence paneuropée­nne, reconnue par plus de 400 investisse­urs institutio­nnels. Notre approche prend en compte les spécificit­és européenne­s, avec ses composante­s régionales. Notre compréhens­ion de cet écosystème européen fait notre force face au prisme des anglo-saxons qui font entrer au chausse-pied leurs modèles en Europe ».

Reste à gagner la bataille de la crédibilit­é. Scope Ratings dispose déjà d’un agrément de notation auprès du régulateur européen des marchés Esma depuis 2011 et l’agence a déposé un dossier d’agrément auprès de la Banque centrale européenne pour être référencée auprès de cet intervenan­t de poids sur les marchés.

Obtenir ce sésame (seules 4 agences américains ont ce statut) sera sans nul doute un véritable marche pied pour asseoir la notoriété de l’agence en Europe.

 ?? ?? L’agence Scope Rating s’attaque à la notation de crédit des PME et des ETI, un marché encore peu couvert par les grandes agences de notation américaine­s. (Crédits :
Reuters)
L’agence Scope Rating s’attaque à la notation de crédit des PME et des ETI, un marché encore peu couvert par les grandes agences de notation américaine­s. (Crédits : Reuters)

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