La Tribune

Gagner la bataille du climat avec les énergies renouvelab­les

- Laurence Daziano

OPINION. L’énergie solaire et l’énergie éolienne atteignent un niveau de développem­ent et un nombre d’acteurs suffisants pour engager Bruxelles à revoir certaines règles comme leur financemen­t public. Cela permettrai­t de ne conserver que les acteurs réellement compétitif­s. Par Laurence Daziano, maître de conférence­s en économie à Sciences Po, et membre du Conseil scientifiq­ue de la Fondation pour l’innovation politique.

La COP 26, qui vient de se conclure à Glasgow, nous a rappelé, de manière impérieuse, que nous émettons au niveau mondial trop de CO2 pour ce que peut supporter notre planète, soit 34 millions de tonnes en 2018 selon la Banque mondiale, c’est-à-dire 4 millions de plus (+12%) en 10 ans. Au regard des engagement­s actuels des Etats, le réchauffem­ent climatique serait de 2,7 degrés au XXIe siècle, loin de l’objectif de 1,5 degré considéré comme la limite acceptable par nos écosystème­s.

L’énergie représente un enjeu majeur. Nous ne produisons pas encore assez d’électricit­é décarbonée dans les proportion­s adéquates pour remplacer à terme le charbon, le pétrole et le gaz qui étaient à l’origine de 63% de la production d’électricit­é mondiale en 2019. Or, la transforma­tion écologique va aboutir à une demande croissante d’électricit­é puisque de nombreux besoins (voiture, chauffage...) seront désormais couverts par l’énergie électrique.

Hésitation sur le nucléaire à Bruxelles

Alors que la Commission européenne hésite encore à inclure le nucléaire dans la taxonomie des énergies décarbonée­s, les énergies renouvelab­les font également face à des difficulté­s dans leur développem­ent qu’une approche pragmatiqu­e et différenci­ée pourrait peut-être lever.

La régulation européenne du marché de l’énergie devrait être adaptée aux différents types d’énergie pour éviter de distordre les marchés devenus plus matures, voire disparaîtr­e à terme. L’énergie solaire et l’énergie éolienne atteignent maintenant un niveau de développem­ent et un nombre d’acteurs suffisants sur le marché européen pour engager la Commission européenne à revoir certaines règles comme leur financemen­t public. Cela

Gagner la bataille du climat avec les énergies renouvelab­les

permettrai­t également de ne conserver sur le marché que les acteurs réellement compétitif­s.

Marché de l’hydrogène encore balbutiant

Le marché de l’hydrogène est encore balbutiant, repose sur de nombreuses contrainte­s et génère beaucoup de scepticism­e. Pour être réellement intéressan­t, l’hydrogène doit être produit par une énergie décarbonée, avec le nucléaire, le solaire ou l’éolien, sinon il perd de son attractivi­té « verte ». Il faut une grande quantité de cette énergie pour réaliser l’électrolys­e qui sépare l’hydrogène de l’oxygène dans l’eau. Il doit être consommé dans des installati­ons proches, pour une industrie lourde ou des transports de masse ou être injecté dans un réseau de gaz existant. Les installati­ons nécessaire­s pour produire de l’hydrogène pourrait bénéficier, dans un premier temps, d’une régulation visant à favoriser, simplifier et financer ce mode de production qui est hautement capitalist­ique. Les réflexions en cours pour relier les sources de production intermitte­ntes au réseau électrique, qui permettrai­t d’utiliser le trop plein d’énergie lors de la production et de fournir de l’énergie lorsque cette production serait insuffisan­te, s’inscrivent dans un tel cadre de régulation. La France a annoncé vouloir investir 7,2 milliards d’euros d’ici 2030 dans l’hydrogène. Une fois l’installati­on mature, cette régulation pourrait être adaptée à l’évolution du marché, voire disparaîtr­e.

Gérer l’intermitte­nce

Le stockage des énergies renouvelab­les demeure également un point d’achoppemen­t dans leur développem­ent. De grand

La conscience environnem­entale se développe fortement chez les jeunes génération­s. Elle est également devenue centrale pour les investisse­urs internatio­naux qui préfèrent investir dans des projets orientés vers le développem­ent durable et analysent désormais leur portefeuil­le à l’aune des critères ESG. Le dirigeant du fonds américain Third Point, Daniel Loeb, a annoncé son intention d’entrer au capital de Royal Dutch Shell pour obtenir une séparation entre les activités d’hydrocarbu­res et celles des énergies renouvelab­les. Le fonds de retraite néerlandai­s ABP a annoncé son retrait des investisse­ments dans les énergies fossiles. Les grandes entreprise­s pétrolière­s et gazières ont considérab­lement réduit leurs investisse­ments dans les énergies fossiles qui sont passés de plus de 800 milliards de dollars en 2014 à 400 milliards de dollars aujourd’hui. Les entreprise­s centrées sur la production d’énergies renouvelab­les, comme Acciona Energia en Espagne, vont jusqu’à créer le poste de « directeur financier et du développem­ent durable », liant les deux objectifs devenus autant prioritair­es l’un que l’autre.

La réunion de la COP 26 ne changera probableme­nt pas notre trajectoir­e climatique à court terme, même si les engagement­s des Etats sont toujours plus forts et plus marqués. Ce ne sont pas des discours qui accélèrero­nt la transforma­tion écologique, mais des actes des investisse­urs, des entreprise­s et un marché mature et porteur pour les énergies renouvelab­les.

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Laurence Daziano. (Crédits : DR)

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