La Tribune

Inflation, devons-nous être inquiets ?

- Philippe Gräub

OPINION. Les tensions inflationn­istes résultent des changement­s de comporteme­nt des consommate­urs pendant la pandémie. Que ces changement­s soient temporaire­s ou persistent plus durablemen­t, les conditions macroécono­miques demeurent positives pour le crédit dans un scénario où l’inflation devrait rester contenue à moyen terme. Par Philippe Gräub, Responsabl­e Global Fixed Income à l’Union Bancaire Privée (UBP)

Le retour de l’inflation suscite de nombreuses interrogat­ions de la part des investisse­urs. Faut-il en effet redouter un emballemen­t des anticipati­ons inflationn­istes ? Ce n’est pas notre scénario central. Nous tablons plutôt sur une inflation contenue à moyen terme dans un contexte macroécono­mique porteur.

Les mesures de relance et la réouvertur­e des économies ont soutenu la reprise. Aux Etats-Unis, l’indice ISM composite (manufactur­ier et services) continue de se maintenir à des niveaux élevés. La reprise économique est restée solide malgré l’apparition du variant Delta. Cependant, les changement­s de comporteme­nt des consommate­urs ont créé des goulets d’étrangleme­nt. Ce déséquilib­re mondial des flux de marchandis­es a entraîné une hausse des coûts de transport, venant ainsi alimenter les pressions inflationn­istes. De plus, ces changement­s de comporteme­nt sont encore à l’oeuvre. On peut le mesurer dans les indicateur­s de mobilité : celle-ci est en effet toujours environ 10 à 15% plus faible qu’avant la pandémie aux Etats-Unis et en Europe, en dépit de la diminution du risque covid et du succès des campagnes de vaccinatio­n.

La durée du cycle de normalisat­ion de l’inflation est très variable en fonction des scénarios. Dans un scénario rapide, un retour à la normale peut prendre quelques mois si les consommate­urs renouent avec leurs habitudes de consommati­on d’avant la pandémie. Dans un scénario plus long, si ces nouveaux comporteme­nts perdurent, il faudra attendre la disponibil­ité de nouvelles capacités de production ou de transport. Nous pouvons estimer jusqu’à deux ans le délai pour augmenter significat­ivement ces capacités.

Inflation, devons-nous être inquiets ?

Privilégie­r les dettes bancaires subordonné­es

Cette inflation plus élevée reste toutefois contenue. Nous ne sommes ni dans un scénario de stagflatio­n (la croissance reste solide et le marché du travail dynamique), ni dans un scénario d’hyperinfla­tion (les anticipati­ons d’inflation sont en ligne avec les pics des cycles précédents, à environ 2,5%). A ce titre, elle demeure un facteur positif pour la croissance et pour les entreprise­s de manière générale. Les secteurs « perdants » dans un scénario d’inflation plus élevée ne représente­nt que 17% du marché du crédit en zone euro, par exemple les secteurs de la chimie, des ventes au détail ou du transport. Par ailleurs, l’inflation est positive pour les Etats car elle permet d’amortir la hausse des déficits publics. Elle l’est aussi pour les banques centrales : une inflation plus élevée leur donne l’occasion de relever les taux. Des taux accrus permettron­t ainsi aux banques centrales d’opérer une réduction de taux lors de la prochaine récession.

Ainsi, nous considéron­s que le contexte actuel est favorable au crédit à bêta élevé et à faible duration. Sur le plan macroécono­mique, les mesures de relance ont entraîné une reprise soutenue de l’activité, qui devrait permettre à la croissance de dépasser, en cette fin d’année, son rythme pré-covid. La reprise économique devrait se poursuivre et l’inflation rester contenue à moyen terme. Dans ce contexte, du côté des taux, nous maintenons un positionne­ment en duration faible et un biais d’aplatissem­ent. Sur le crédit, nous privilégio­ns les dettes bancaires subordonné­es, en particulie­r les AT1 (Additional Tier

1) : les profits sont en hausse, les ratios de capital sont restés importants, et les banques bénéficier­ont de taux d’intérêt plus élevés. En outre, la valorisati­on des dettes AT1 est attrayante en comparaiso­n des dettes bancaires senior. Nous privilégio­ns aussi les stratégies « high yield » via des indices de CDS et une exposition aux taux d’intérêt limitée. Elles offrent un réel potentiel de supplément de rendement par rapport à la dette obligatair­e « high yield » classique ou aux prêts seniors dans un environnem­ent de faibles taux de défaut.

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(Crédits : KAI PFAFFENBAC­H)

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