La Tribune

Satys gèle son usine 4.0 à Marignane : 120 emplois et une attractivi­té industriel­le menacés

- Laurence Bottero l_bottero

C’était le projet attendu qui devait doter le territoire d’Aix-Marseille et Airbus Helicopter­s d’une usine moderne mais surtout d’un savoir-faire rare dans le Sud, le traitement de surface pour l’aéronautiq­ue, une spécialité développée par l’ex-PMA, reprise par

Satys en 2018. Le revirement du maire de Marignane, désormais opposé au projet, remet en cause le projet et l’investisse­ment prévu de 15 millions d’euros. Une mauvaise nouvelle et un mauvais signal envoyé en pleine Semaine de l’industrie et alors que politiques et acteurs économique­s ne cessent d’appeler à la réindustri­alisation de la France.

Dire que l’annonce jette un froid est peu dire. Prévue pour s’installer en pleine zone industriel­le des Florides à Marignane, l’usine 4.0 pensée par Satys ne verra pas le jour. En tout cas, pas comme initialeme­nt envisagé. Et alors que le projet - de longue haleine puisque prévu depuis trois ans - semblait faire l’unanimité, autant du côté des services de l’Etat que des collectivi­tés ou des acteurs économique­s, c’est finalement du côté administra­tif et un peu politique aussi, que le bât blesse puisque, après été favorable à son implantati­on, le premier magistrat de Marignane, où est installé la ZAC des Florides, a finalement dit non à l’octroi du permis de construire. Renvoyant, de fait, Satys et les 120 salariés concernés à la case départ.

Un investisse­ment de 15 millions d’euros en suspens

Un revirement de situation qui laisse le spécialist­e du traitement de surface pantois. Un peu désabusé aussi. Grégory Mayeur, arrivé au sein de Satys en 2020 au poste de directeur général de

Satys gèle son usine 4.0 à Marignane : 120 emplois et une attractivi­té industriel­le menacés

Satys Services, la business unit dédiée à la peinture du groupe installé à Blagnac, en Occitanie, avait pris en main le projet de constructi­on d’une usine 4.0, projet qui faisait suite au rachat deux ans auparavant de PMA, alors en difficulté, avec l’objectif de créer un outil industriel innovant et performant. Outil destiné à servir en premier lieu Airbus Helicopter­s, mais qui ne cachait pas ses ambitions de développer le portefeuil­le d’activités ainsi que de regarder les opportunit­és ailleurs en France comme dans les pays voisins.

Un outil qui prévoyait de générer un investisse­ment de 15 millions d’euros, non négligeabl­e pour un territoire quel qu’il soit, encore moins pour Aix-Marseille et d’autant plus - mais on le sait mieux en période post-crise - à l’heure de la réindustri­alisation tant désirée par tous les acteurs.

Seveso, le (gros) mot

Et si nouvelle usine a été décidée c’est bien dans un souci de modernisat­ion de l’outil de production, modernisat­ion nécessaire, dit Grégory Mayeur. « Lorsque le projet a été initié il y a trois ans, il a été décidé que nous ne pouvions pas rester dans les locaux de PMA. Un terrain a été cherché, avec comme impératif que celui-ci soit situé dans une zone qui soit acceptable pour les salariés » comprendre qui soit en accord avec les solutions de mobilité offertes, le sujet du déplacemen­t montrant ici toute sa problémati­que.

C’est donc assez logiquemen­t - puisqu’il est dédié aux activités aéronautiq­ues et mécaniques - que le Technoparc des Florides à Marignane est choisi. S’ensuit instructio­n de dossier ICPE (installati­on classée protection de l’environnem­ent NDLR), enquête et réunion publiques. « Nous avons été soutenus par l’ensemble des acteurs, Etat, collectivi­tés dont le Conseil Départemen­tal des Bouches-du-Rhône, la mairie de Marseille, la Région Sud... » tient à rappeler Grégory Mayeur. C’est lors de la réunion publique du mois de septembre qu’Eric Le Dissès, le maire de Marignane indique que compte-tenu de l’origine du projet, il ne signerait jamais le permis de construire. Ce qu’il faut comprendre dans l’origine du projet c’est notamment le fait que l’usine 4.0 - dont on rappelle que c’est le modèle d’usine robotisée, innovante et propre - entre dans la norme Seveso. Un mot qui est sensible, perçu du point de vue de la population. « Seveso a été retenu comme un marqueur fort » dit Grégory Mayeur.

Et c’est cela qui déclenche la levée de boucliers contre le projet de Satys, poussant le groupe à geler ce dernier.

Projet prévu... ailleurs

« Nous avons pris toutes les précaution­s nécessaire­s », répète Grégory Mayeur, notamment d’un point de vue sécuritair­e. La pose de la première pierre, prévue début 2022 n’aura donc pas lieu. Mais Satys n’abandonne pas pour autant son projet d’usine. « Notre volonté est intacte. Nous allons travailler à un projet alternatif et nous atteler à trouver une solution viable rapidement », précise Grégory Mayeur, qui insiste pour dire que Satys s’installera là où il est bien accueilli. « Nous n’irons pas en référé car nous ne sommes pas dans une lgique de bras de fer. Ce qui m’importe est de regarder devant, de regarder le futur. Notre projet est un projet d’investisse­ment à long terme. Nous nous sommes engagés auprès des salariés, lorsque nous avons sauvé l’ex-PMA. Et c’est un beau savoir-faire qu’il faut conserver ».

L’attractivi­té industriel­le, victime collatéral­e ?

Si le gel du projet de Satys est une mauvaise nouvelle, ne serait-ce que parce que cela induit du retard dans la réalisatio­n d’un outil de production nécessaire pour l’un des plus beaux fleurons de l’aéronautiq­ue française, c’est aussi, en pleine Semaine de l’industrie, vouée à montrer une image moderne de la filière, à donner envie à des talents de s’intéresser à un secteur encore perçu précisémen­t comme polluant et sale, un très mauvais signe. Et un mauvais signal en termes d’attractivi­té territoria­le. C’est ce que disent précisémen­t, par ailleurs, les acteurs industriel­s du territoire. « Il faut que le projet se fasse », enjoint Jean-Michel Diaz, le président du Groupement industriel et maritime de Fos (GMIF). « Ce gel est un coup dur porté au développem­ent industriel du territoire. Nous devons recréer les conditions pour que ce projet se réalise, car le territoire nécessite ce type de projets. Mais tout cela montre certains paradoxes. D’un côté, la mise en oeuvre de moyens massifs pour créer des emplois industriel­s et de l’autre le refus des projets qui se présentent ». Serge Bornarel, le directeur général de l’UIMM Alpes-Méditerran­ée ne dit pas autre chose. « Nous touchons du doigt, avec le revirement de ce projet, ce qui tient de l’imaginaire. Cela signifie que nous avons encore beaucoup de travail pour montrer ce qu’est vraiment l’industrie. Cela signifie aussi qu’il faut savoir expliquer pour que la population ne se laisse pas instrument­alisée ».

Et puis il y a l’autre mauvais signal, celui envoyé aux investisse­urs exogènes, qui pourraient être refroidis par ce type d’épisodes, certes pas isolé, mais qui ne tombe pas spécialeme­nt à pic quand on ne cesse d’appeler à la réindustri­alisation... Laquelle,

Satys gèle son usine 4.0 à Marignane : 120 emplois et une attractivi­té industriel­le menacés

même si elle doit être sélective, ne doit pas pour autant demeurer voeu pieux.

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(Crédits : Florine Galéron)

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