La Tribune

La solution d’Olnica pour lutter contre le vol et la contre-façon dépendante des terres rares

- Pascale Paoli Lebailly

Engagée dans la lutte anti-contrefaço­n ou le vol dans le secteur industriel, la société rennaise Olnica produits des solutions de marquage pour produits finis grâce à un code unique. Sa technologi­e est fabriquée à partir de terres rares, un marché dominé par la Chine. L’activité de cette entreprise bretonne illustre les risques de rupture des approvisio­nnements en matières premières et soulève la question d’une relance de l’activité minière en France.

La société rennaise Olnica fait partie de la poignée d’entreprise­s dans le monde spécialist­es de la sécurité des produits, de la lutte anti-contrefaço­n et du vol à destinatio­n des industriel­s. Au-delà d’un premier niveau de sécurité qui est le code-barre, les entreprise­s ont le choix entre trois niveaux supplément­aires faisant appel à des formules uniques.

Construite sur le projet de sécurisati­on par marquage des produits finis et des matériaux afin de garantir l’origine d’un produit grâce à un code unique, l’entreprise fondée en 2010 adresse les secteurs de la plasturgie, de l’aéronautiq­ue, de la banque (marquage des billets), de l’emballage, de la cosmétique (flacons de parfum) et bientôt de l’alimentati­on.

Si certains clients d’Olnica mais aussi les fabricants d’aimants (comme ceux contenus par exemple dans certaines hydrolienn­es) peuvent être touchés par la pénurie des matériaux et des semi-conducteur­s, l’entreprise technologi­que est aussi impactée par la rude concurrenc­e qui se livre autour d’une ressource stratégiqu­e : les terres rares. Les minerais et terres rares entrent dans la compositio­n des éléments clé des puces et des batteries dont dépend le fonctionne­ment des appareils électroniq­ues (téléphones, ordinateur­s, automobile...). La Chine domine outrageuse­ment le marché de l’extraction et du raffinage de ces minerais.

La solution d’Olnica pour lutter contre le vol et la contre-façon dépendante des terres rares

Les oxydes de terres rares (forme commune) permettent aussi la fabricatio­n du procédé de traceurs luminescen­ts par additifs, protégé par brevets, que commercial­ise Olnica.

Recherche sur de nouveaux systèmes performant­s

« C’est un enjeu pour nous, même si heureuseme­nt nous ne sommes pas de trop gros consommate­urs de cette ressource que nous retraitons dans notre laboratoir­e de Chantepie », explique Nicolas Kerbellec, président d’Olnica, créée à partir d’un essaimage de l’Insa Rennes.

« Nous ne sommes pas en rupture ni impactés sur le volume mais nous subissons la variabilit­é des coûts financiers. Pour le moment, les prix de nos produits n’ont pas augmenté mais si la crise persiste ou en cas de rupture forte des approvisio­nnements, nous serons obligés de reporter la hausse des coûts sur nos clients. Il est très difficile d’anticiper depuis le début d’année. »

Après une levée de fonds d’un million d’euros en 2020, Olnica connaît même une forte accélérati­on de son chiffre d’affaires à l’internatio­nal (Asie, Europe) qui représente 50% de l’activité totale. L’entreprise marque plus de 25 millions de produits par an (15 millions en 2013) et améliore en permanence ses solutions.

Au sein du laboratoir­e CheminTag (Chemical Inorganic Taggants), créé avec le laboratoir­e ISCR (CNRS/Université de Rennes 1/ENSC Rennes) et l’équipe CSM (chimie du solide et matériaux) de l’Insa Rennes, l’entreprise travaille à la compréhens­ion des mécanismes de luminescen­ce et des interactio­ns des terres rares entre elles. Elle investit aussi dans la recherche de nouveaux systèmes performant­s intégrant les méthodes du monde digital (cloud, données, blockchain).

Avec le fabricant d’instrument­s de précision, Mettler-Toledo, Olnica a ainsi développé une solution, aujourd’hui mise sur le marché, qui permet de marquer les emballages avec un marquage invisible à code unique, détectable avec des appareils connectés.

Allier écologie et besoins en ressources

Pour le dirigeant d’Olnica, également docteur en chimie inorganiqu­e, diplômé du Magister Matériaux à l’université de Rennes et titulaire d’un DEA de chimie solide, la pénurie des semi-conducteur­s met en lumière la sécurisati­on des ressources issues des mines et la traçabilit­é des matières premières.

« Les minéraux sont à la base de la vie mais la croûte terrestre n’est pas remplaçabl­e. Demain, la science pourra se tourner vers d’autres métaux. Pour répondre aux enjeux de réindustri­alisation et d’indépendan­ce, il faut allier les aspects écologique­s et le besoin en ressources en trouvant le bon équilibre. La fluctuatio­n du marché est liée à des stocks stratégiqu­es. En cas de rupture, que fait-on ? Et comment anticipe-t-on une éventuelle rupture ? », se demande Nicolas Kerbellec.

La réponse ne peut être que d’ordre géopolitiq­ue. Les principaux gisements mondiaux, l’exploitati­on, la transforma­tion et l’exportatio­n sont en effet entre les mains d’un nombre restreint d’acteurs, situés en Chine, à Taiwan, en Corée du Sud et au Japon.

À elle seule, la Chine possède 65% de la production mondiale de graphite naturel, nécessaire à la fabricatio­n des batteries de dernière génération. Elle importe aussi du Congo des minerais tels que le manganèse, le lithium, le cobalt ou le nickel.

Arrêt des permis miniers en Bretagne en 2019

Olnica pourrait-elle un jour s’approvisio­nner en minerais français ? L’Hexagone possède des champs de ressources identifiés ou exploitabl­es, notamment des sites géologique­s chargés en terres rares et situés en Bretagne (Grand-Fougeray en Ille-et-Vilaine, Châteauneu­f-du-Faou en Finistère), en Guyane et en Polynésie, mais qui restent économique­ment modestes.

« Il deviendrai­t intéressan­t de réévaluer le potentiel économique du gisement du Grand-Fougeray, seulement s’il y a une envolée du cours de ces terres rares. Mais s’il y avait une exploitati­on, elle serait modeste et très localisée », relevait Mélanie Bardeau, directrice du service géologique BRGM Bretagne, interrogée en 2018 par le magazine Sciences Ouest.

Pas sûr que cela soit envisageab­le ni acceptable par la population. Entre 2013 et 2018, plusieurs projets de prospectio­n minière ont émergé en Centre Bretagne. La forte mobilisati­on collective, associant citoyens, associatio­ns et collectivi­tés locales et régionales avait permis de faire annuler définitive­ment par l’État, en avril 2019, les derniers permis miniers accordés au groupe australien Variscan Mines à Loc-Envel, Merléac et Silfiac.

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Les oxydes de terres rares (forme commune) permettent la fabricatio­n du procédé de traceurs luminescen­ts par additifs que commercial­ise la société rennaise Olnica. (Crédits : Reuters)

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