La Tribune

Le déréférenc­ement de Wish fait pschiit : le site a eu pignon sur rue pour le Black Friday

- François Manens et Sylvain Rolland @FrancoisMa­nens

Mercredi, Bruno Le Maire et Cédric O tapaient du poing sur la table en exigeant des moteurs de recherche et des magasins d’applicatio­ns le déréférenc­ement de Wish en raison de produits jugés dangereux sur sa plateforme. Problème : deux jours plus tard, seul Qwant a obéi sans délai à l’injonction de Bercy. Wish a toujours pignon sur rue sur les moteurs de recherche dont Google, et son applicatio­n peut toujours être téléchargé­e sur l’Apple Store et le Google Play Store, ce qui lui a permis de profiter sans encombre du Black Friday. En cause : un délai incompréhe­nsible accordé par Bercy pour bannir Wish. Celui-ci court, d’après nos informatio­ns, jusqu’au “début de la semaine prochaine”, autrement dit après le Black Friday et le Cyber Monday...

Mercredi 24 novembre, Bercy abattait la guillotine sur l’américain Wish, un célèbre site de vente en ligne de produits à très bas prix. Ou du moins, c’est ce que l’on pensait, car 48 heures plus tard, le couperet n’est toujours pas tombé.

Bruno Le Maire avait ordonné que la plateforme soit déréférenc­ée des moteurs de recherche -Google, Bing, Qwant, Ecosia ou encore Lilo- ainsi que des magasins d’applicatio­n mobiles - l’App Store et le Google Play Store. Autrement dit, le ministère de l’Economie voulait que Wish n’apparaisse plus dans les résultats de recherche. L’objectif de cette démarche sans précédent : rendre le site pratiqueme­nt introuvabl­e pour les internaute­s français, à moins qu’ils ne tapent eux même “wish.com” dans leur barre de navigation. En cause : un nombre affolant de produits -notamment électroniq­ues- jugés dangereux

Le déréférenc­ement de Wish fait pschiit : le site a eu pignon sur rue pour le Black Friday

par une enquête de Bercy, et la réponse “non satisfaisa­nte” de Wish aux demandes de retraits de Bercy.

La messe paraissait dite. Sauf que le 26 novembre, deux jours après cette annonce coup de poing, personne n’a suivi l’ordre... sauf le Français Qwant. Un préjudice bien léger : Qwant pèse moins d’1% sur le marché français de la recherche en ligne. En revanche, Wish trône toujours sur Google (91% de parts de marché) et sur tous les autres moteurs de recherche dont Bing, Yahoo, Ecosia, DuckDuckGo ou encore Lilo. Même problème pour l’applicatio­n mobile : pour l’instant, Google et Apple ont ignoré la requête de Bercy.

Lire aussi 4 mnDéréfére­ncement de Wish, le “Amazon du discount” : un coup dur à la veille du Black Friday

Blocage en début de semaine prochaine ?

Contactés par la Tribune, la Direction générale de la concurrenc­e, de la consommati­on et de la répression des fraudes (DGCCRF), à l’origine de la sanction, justifie vaguement cette passivité :

”L’injonction de la DGCCRF a laissé quelques jours aux moteurs de recherche et magasins d’applicatio­n pour prendre les mesures techniques nécessaire­s au déréférenc­ement du site de e-commerce Wish et au blocage des nouveaux télécharge­ments de son applicatio­n mobile.”, précise-t-elle.

Ce délai se justifie pourtant difficilem­ent par la technique : il ne faut guère plus de quelques heures, voire minutes, aux moteurs pour bannir l’affichage d’un résultat de recherche. La rapidité de Qwant en est la preuve.

De son côté, Google France explique à la Tribune qu’il est “presque normal que rien n’ait été fait”, car la DGCCRF leur a laissé “jusqu’au début de la semaine prochaine” pour agir. Le décalage entre l’annonce et sa mise en action serait donc plutôt de l’ordre organisati­onnel que technique.

Pourquoi attendre, alors ? ”Nous sommes en train de prendre connaissan­ce des injonction­s de la DGCCRF pour bien la comprendre et agir au mieux”, ajoute Google France.

Contactés, Apple et les Français Qwant et Lilo n’ont pas répondu à nos questions. Dans tous les cas, Bercy ne compte pas laisser le choix : “la DGCCRF sera vigilante aux suites données à cette injonction et prendra, le cas échéant, les suites adaptées en cas de non-respect par les opérateurs concernés.”

Le Black Friday, repas du condamné pour Wish

Une chose est sûre, cet attentisme joue en la faveur du site américain, puisqu’il lui a permis de participer à la grande journée de soldes du Black Friday qui se tient ce 26 novembre. Manquer cette date très importante pour les e-commerçant­s aurait constitué un coup dur pour Wish, tout comme manquer les fêtes de fin d’année pourrait l’être.

Une question demeure : pourquoi donner un délai à Google et Apple ? Pourquoi laisser à Wish l’opportunit­é de profiter du pic de ventes annuel que sont le Black Friday et le Cyber Monday, alors que Bercy juge de nombreux produits dangereux ?

140 produits proposés à la vente se trouvaient ainsi dans le viseur du régulateur. Bien que Wish les aient dans un premier temps retirés de sa plateforme, Bercy constate qu’ils réapparais­sent à intervalle régulier sous un autre nom. Avec le délai accordé, les consommate­urs peuvent donc s’être retrouvés inutilemen­t exposés à des produits dangereux.

Dans un communiqué, le site nie les accusation­s et s’oppose à l’injonction :

”Wish se conforme toujours aux demandes de retrait de la DGCCRF et est, par conséquent, perplexe face à l’approche excessive à l’égard de cette question. Nous avons essayé à plusieurs reprises d’engager le dialogue de manière constructi­ve avec la DGCCRF. Nous entamons maintenant un recours juridique pour contester ce que nous considéron­s comme une action illégale et disproport­ionnée menée par la DGCCRF.

Quoiqu’il en soit, si Wish ne change pas ses pratiques, Bercy le menace déjà d’aller jusqu’à ordonner sa disparitio­n (en pratique) du web français. Encore faudrait-il que le ministère soit écouté...

 ?? ?? (Crédits : Wish)
(Crédits : Wish)
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France