La Tribune

ADP et Schiphol entament leur divorce capitalist­ique

- Léo Barnier

HubLink, c’est fini. Le partenaria­t entre Aéroports de Paris et Royal Schiphol Group a pris fin le 30 novembre. Les deux groupes ont désormais 18 mois pour vendre les 8% qu’ils détiennent dans le capital de l’autre, avec des modalités très encadrées. Ils mettent ainsi fin à 13 ans d’une coopératio­n stratégiqu­e mais déséquilib­rée.

Le démantèlem­ent de l’alliance capitalist­ique entre le groupe Aéroports de Paris (ADP) et Royal Schiphol Group est officielle­ment lancé. Au lendemain de la fin de leur coopératio­n industriel­le HubLink, les deux groupes aéroportua­ires débutent le processus de cession de leurs participat­ions croisées, tournant ainsi la page d’une alliance unique dans le paysage du transport aérien qui aura duré 13 ans.

L’échéance était connue depuis cet été. Le groupe ADP avait indiqué au cours de ses résultats semestriel­s que l’accord de coopératio­n encadrant HubLink ne serait pas renouvelé et prendrait fin le 30 novembre. Cela a de fait mis fin à cette alliance qui avait débuté en 2008 pour une durée initiale de douze ans, avant d’être prorogée d’un an fin 2020.

Conséquenc­e directe sur la gouvernanc­e, les Néerlandai­s Dick Benschop, PDG de Schiphol, et Robert Carsouw, directeur financier, ont quitté leurs fonctions au sein du conseil d’administra­tion d’ADP le 30 novembre. Et inversemen­t, Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe français, a quitté le conseil de surveillan­ce de Schiphol.

Décroiser les participat­ions

La fin de l’alliance doit désormais être consacrée par le dénouement des participat­ions capitalist­iques croisées de 8% entre les deux groupes aéroportua­ires. Cela se fera selon « un processus de cession ordonnée » d’une durée maximale de 18 mois, tel que défini dans un « Exit agreement » conclue entre les deux parties.

Le Royal Schiphol Group sera le premier à se désengager, en procédant en premier à la cession de ses 8% du capital d’ADP. Le groupe parisien dispose d’un droit de première offre pendant une période limitée. Il peut ainsi faire une offre au groupe néerlandai­s pour racheter ses propres titres, ou désigner un tiers pour le faire à sa place.

ADP et Schiphol entament leur divorce capitalist­ique

Si ADP s’abstient ou que Royal Schiphol Group refuse l’offre, ce dernier pourra alors proposer les actions sur le marché, à une ou plusieurs personnes identifiée­s. Même dans ce cas, ADP et l’Etat français conservent des garde-fous avec un droit de préemption, ainsi qu’un droit de véto sur chaque projet de cession. Le produit de la cession pourra également être placé dans un compte de séquestre, afin de garantir en retour le rachat par Royal Schiphol Group de ses propres titres détenus par ADP.

Au vu du délai de 18 mois, Royal Schiphol Group a donc jusqu’au 30 mai 2023 pour conclure la cession de ses 8%. Pour mener à bien ce processus, il va s’appuyer sur les conseils du cabinet financier australien Macquarie Capital, et des avocats d’affaires De Brauw Blackstone Westbroek aux Pays-Bas et Darrois Villey Maillot Brochier en France.

En cas de nécessité, le délai pourra être porté à 24 mois. Mais si aucune cession n’est conclue à la fin du temps imparti, ADP reprendra la main. Le groupe parisien pourra alors exercer une option d’achat sur ses propres titres détenus selon des conditions préétablie­s avec un prix calculé à partir d’une moyenne de cours de bourse.

Stratégiqu­e un temps, déséquilib­ré aujourd’hui

Cette alliance industriel­le et capitalist­ique avait été lancée initialeme­nt en 2008 par Pierre Graff, à l’époque PDG d’ADP, pour contrer les ambitions de Vinci qui venait d’entrer à la surprise générale au capital du groupe après avoir fait main basse sur les Autoroutes du sud de la France (ASF).

Stratégiqu­e sur le moment, l’alliance s’est avérée déséquilib­rée dans la durée avec une politique de rentabilit­é assez éloignée entre ADP et Schiphol. « Un partenaria­t, c’est nécessaire­ment équilibré. Quand il y en a un qui gagne plus que l’autre, il y a un problème », avait ainsi déclaré Philippe Pascal, directeur général adjoint, Finances, Stratégie et Administra­tion d’ADP, lors de la présentati­on des résultats financiers du premier semestre à la presse.

Un déséquilib­re qui s’est également ressenti dans la stratégie internatio­nale des deux groupes aéroportua­ires. Si le gestionnai­re néerlandai­s avait discrèteme­nt manifesté son intérêt lors des projets avortés de privatisat­ion de son homologue français, ce dernier a préféré se tourner vers des acquisitio­ns majeures en Turquie en 2011, puis en Inde en 2020, pour construire son emprise internatio­nale.

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Aéroports de Paris et Schiphol ont mis fin à leur alliance. (Crédits : Piroschka Van De Wouw)

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