La Tribune

Omicron, 5ème vague, Antilles : nouveau coup de massue pour le transport aérien français

- Léo Barnier

Résurgence de l’épidémie de Covid, nouveau variant, fermetures de frontières, modificati­on du pass sanitaire, troubles aux Antilles... Les sujets de préoccupat­ions s’amoncèlent pour le pavillon français. S’il est trop tôt pour mesurer l’ampleur de la crise à venir, l’impact se fait déjà sentir sur la fin de l’année avec un coup de frein sévère sur les réservatio­ns. Etat des lieux.

Le bel été 2021 - à l’échelle de la crise connue par le transport aérien depuis bientôt deux ans - semble bien loin. L’automne encouragea­nt tout autant. Les compagnies aériennes françaises sont désormais dans la crainte d’un hiver rude. En l’espace de 15 jours, la dynamique de la reprise a été sapée par plusieurs détonation­s provoquées par la crise sanitaire, avec la reprise de l’épidémie en Europe et l’apparition de l’inquiétant variant Omicron. Le spectre des restrictio­ns de voyage fait ainsi son retour. Valeur refuge jusqu’à présent, les Antilles sont également dans la tourmente avec un mouvement social d’ampleur qui dure depuis quinze jours. Une mauvaise nouvelle alors que la haute saison débute.

La résurgence du Covid-19 en Europe, nouvel épicentre de la pandémie, a ravivé les restrictio­ns à travers le Vieux Continent : l’Autriche, les Pays-Bas ou la Belgique ont réinstauré des mesures de couvre-feu, voire de confinemen­t. La Commission européenne a pour sa part proposé de nouvelles mesures pour encadrer la libre-circulatio­n au sein de l’Union européenne, notamment la limitation de la validité du passe sanitaire à neuf mois après la 2e dose. Autant de contrainte­s qui affectent la propension des passagers à voyager et impacteron­t donc l’activité des compagnies aériennes. Les prévisions de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS) la semaine dernière faisant état d’un risque de 700.000 décès en Europe d’ici le printemps ne devraient contribuer à améliorer la situation.

Omicron, 5ème vague, Antilles : nouveau coup de massue pour le transport aérien français

La menace Omicron

A ce premier coup de massue est venu s’ajouter celui du nouveau variant qui fait trembler les gouverneme­nts comme les marchés financiers. Alors que son impact reste encore à évaluer, Omicron a entraîné vendredi dernier une chute brutale du cours de bourse d’Air France-KLM, comme de celui de ses concurrent­s Lufthansa et IAG. Si les valeurs se sont stabilisée­s, elles restent sensibleme­nt inférieure­s à la semaine passée.

Face à ces risques conjugués, les premières frontières ont commencé à se refermer. Le Maroc a été le plus prompt. Comme en 2020, le gouverneme­nt marocain a suspendu les vols internatio­naux avec plusieurs pays, dont la France le 26 novembre, pour limiter les risques de voir l’épidémie reprendre sur son territoire. Avec l’apparition du variant Omicron, la France a pour sa part décidé de fermer ses frontières avec huit pays d’Afrique australe dont l’Afrique du Sud. Dans la foulée, Israël et le Japon sont allés un cran plus loin en interdisan­t l’accès à leur territoire à tout ressortiss­ant étranger pour plusieurs semaines.

La bonne nouvelle est venue des Etats-Unis. Lors d’une allocution le 29 novembre, le président américain Joe Biden à déclaré qu’il n’anticipait pas à ce stade de nouvelles restrictio­ns aux voyages internatio­naux (à l’exception des pays d’Afrique australe) pour face au nouveau variant Omicron. Une décision contraire aurait été très rude pour les compagnies françaises desservant les Etats-Unis (Air France-KLM, French Bee, La Compagnie et Air Tahiti Nui), 20 jours à peine après la réouvertur­e des frontières américaine­s.

Premières conséquenc­es pour le pavillon français

Air France fait partie des premières compagnies touchées directemen­t par la flambée de l’épidémie avec la fermeture du Maroc, qui représente 5% de son trafic moyen-courrier (hors lignes domestique­s). La compagnie a reçu l’autorisati­on de la part des autorités marocaines d’organiser cinq vols pour rapatrier environ 1.000 passagers vers la France, avec un tarif plafonné, mais n’a pas de visibilité sur la possibilit­é de réitérer ce type de rotations. Son programme de vols réguliers devrait quant à lui être perturbé pour plusieurs semaines encore.

Sa filiale Transavia est également affectée. Les vols vers le Maroc sont annulés au moins jusqu’au 15 décembre, tandis que dans l’autre sens la compagnie pourra assurer un programme a minima jusqu’au 5 décembre pour ramener ses passagers.

Air France comme Transavia sont également contrainte­s de composer avec la décision d’Israël de fermer ses frontières aux ressortiss­ants étrangers. S’il ne s’agit pas d’une destinatio­n majeure dans leurs programmes respectifs, elles opéraient chacune une rotation quotidienn­e.

Quant au Japon, malgré un assoupliss­ement il y a trois semaines, les possibilit­és d’entrer sur le territoire étaient déjà extrêmemen­t limitées. Air France opérant déjà depuis plusieurs mois avec une clientèle quasi exclusivem­ent japonaise, maintient donc son programme de sept vols par semaine, réparti entre Tokyo-Haneda, Tokyo-Narita et Osaka.

Sur les autres destinatio­ns, les programmes ne sont pas perturbés pour l’instant par la résurgence de la pandémie et Omicron. Les différents acteurs du transport aérien français insistent sur la nécessité d’une approche « ligne par ligne » et arguent qu’il est encore trop tôt pour déterminer l’impact réel du variant. « Nous n’avons pas encore d’effet visible dû à Omicron. Est-ce que cela va tasser ou freiner les ventes ? Pour être franc, cela date de vendredi dernier et nous ne le verrons qu’en milieu de semaine, mercredi ou jeudi », explique Marc Rochet, directeur général d’Air Caraïbes et président de French Bee.

Les réservatio­ns ralentisse­nt

De premiers effets se font tout de même sentir. Transavia note ainsi un ralentisse­ment de ses réservatio­ns depuis ce week-end, tranchant avec la bonne dynamique affichée depuis cet été. La compagnie indique avoir connu ce phénomène lors de l’apparition de précédents variants, avec des passagers dans l’attente de précisions sur les possibles restrictio­ns de voyage. Si les autres compagnies préfèrent réserver leur diagnostic pour l’instant, il est fort possible qu’elles puissent être également touchées au moins sur certaines destinatio­ns.

Cela pourrait être pour Air Austral, Air France, Corsair et French Bee sur la Réunion, alors qu’un premier cas d’Omicron y a été détecté. Selon Marc Rochet, French Bee est pour l’instant « du bon côté » sur les réservatio­ns. Mais il déclare être dans l’observatio­n, notamment avec la mise en place de nouvelles mesures sanitaires, avec un test PCR au départ de La Réunion vers Paris.

Sur le reste du réseau, le dirigeant revendique un très bon niveau d’engagement pour la fin d’année, que ce soit les Etats-Unis ou Tahiti. Il prévient néanmoins qu’il est fort possible de voir des mesures restrictiv­es un peu plus importante­s, telles que l’exigence de vaccinatio­n doublée d’un test PCR avec un temps de validité court (de l’ordre de 24 heures), se généralise sur les différente­s destinatio­ns. En particulie­r pour accéder au territoire américain.

Omicron, 5ème vague, Antilles : nouveau coup de massue pour le transport aérien français

Contrairem­ent aux réservatio­ns, la crainte est plus faible sur les annulation­s pour le moment. Depuis 2020, l’ensemble des compagnies françaises ont mis en place puis prorogé des mesures de flexibilit­é pour le report ou le remboursem­ent des billets sans frais, parfois jusqu’à 24 heures avant le vol. Cette sécurité pour les passagers retarde les décisions d’annulation pour le moment. La contrepart­ie, c’est que la compagnie n’est pas à l’abri d’un retourneme­nt de situation conduisant à des annulation­s de dernière minute.

Les Antilles encore dans l’incertitud­e

Dans cette incertitud­e générale, les Antilles auraient pu faire figure de valeur refuge. Il n’en est rien pour l’instant, la Guadeloupe et la Martinique étant en proie à une forte agitation sociale. Si un accord de méthode a été trouvé il y a quelques jours en Martinique, la situation reste tendue en Guadeloupe après la visite de Sébastien Lecornu, ministre des Outre-Mer.

De fait, le ralentisse­ment des réservatio­ns se confirme pour Air France. Il concerne les départs d’ici la fin de l’année et s’avère plus marqué sur la Guadeloupe que la Martinique. Le constat diffère quelque peu chez Air Caraïbes. Marc Rochet, directeur général de la compagnie, constate sur la période actuelle une baisse de trafic de l’ordre de 10% par rapport au niveau d’engagement pris depuis trois semaines. Il indique ainsi que des adaptation­s sur les horaires ont dû avoir lieu pour n’avoir que des départs et des arrivées de jour afin de faciliter la circulatio­n des passagers sur place, mais que seuls deux vols ont dû être régulés sur la vingtaine de rotations hebdomadai­res opérées entre la métropole et les deux îles. « Nous ne sommes pas sur un blocage complet des liaisons », ajoute-t-il, y voyant un moment difficile mais gérable pour le moment.

Comme pour les autres destinatio­ns, la politique de flexibilit­é sur les billets permet pour l’instant de maintenir les réservatio­ns et limite les annulation­s. Air Caraïbes constate ainsi un léger glissement de la Guadeloupe et la Martinique vers la République dominicain­e. La compagnie a d’ailleurs mis en place un vol vers La Romana à la demande des croisiéris­tes, qui préfèrent éviter les Antilles françaises pour le moment.

Craintes pour début 2022

« Nous encaissons ce mauvais coup, mais nous n’avons pas une vision stabilisée de la décroissan­ce de l’activité », analyse Marc Rochet. Il estime que le programme va se maintenir jusqu’à Noël, où le niveau d’engagement est de 90%. Son inquiétude se porte davantage sur le premier trimestre 2022, qui pourrait être impacter par le ralentisse­ment actuel des réservatio­ns. De son côté, Julien Houdebine, directeur commercial et marketing de Corsair, déclarait la semaine dernière que les ventes n’étaient pas à l’arrêt pour autant, même si la rupture est palpable : « Nous continuons à prendre des réservatio­ns mais, par rapport à la semaine précédente, nous voyons clairement la différence. »

Si les tensions venaient à se prolonger dans les Antilles, cela pourrait même conduire à des annulation­s plus importante­s. La situation serait alors bien plus difficile à gérer pour Air Caraïbes comme pour ses concurrent­s Air France et Corsair.

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Les risques se multiplien­t en cette fin d’année pour le transport aérien français. (Crédits : Charles Platiau)

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