La Tribune

French Tech : plus de 10 milliards d’euros levés en 2021, le double de 2020

- Sylvain Rolland @SylvRollan­d

D’après la société de conseil Avolta Partners, les startups de la French Tech ont dépassé la semaine dernière la barre symbolique des 10 milliards d’euros de fonds levés en 2021. Conséquenc­e du Covid-19 qui a accéléré la transforma­tion numérique de l’économie et attiré les investisse­urs vers la tech, cette euphorie ne permet pas à la France de rattraper son retard sur ses voisins anglais et allemand.

”On ne pensait pas y arriver si vite mais on y est”. Lors d’une rencontre avec des journalist­es la semaine dernière, Benoist Grossmann, managing partner du fonds d’investisse­ment Eurazeo et co-président du lobby de la tech France Digitale, était surpris seulement d’une chose : la rapidité avec laquelle la French Tech a atteint la barre symbolique des 10 milliards d’euros levés sur une année. Car d’après le cabinet de conseil Avolta Partners, ce palier a été franchi fin novembre, suite aux levées de fonds de Leocare (98 millions d’euros) et de Plug in Digital (70 millions d’euros). Au 1er décembre, les startups françaises ont levé 10,15 milliards d’euros depuis le début de l’année, soit quasiment deux fois plus qu’en 2020 (5,4 milliards d’euros d’après EY). Une performanc­e qui en dit long sur l’euphorie des investisse­urs autour des solutions technologi­ques post-Covid.

Explosion des investisse­ments post-Covid

”Tout le monde a réalisé que le marché européen de la tech était complèteme­nt sous-investi” notamment par rapport à son homologue américain, explique Benoit Grossmann. Pour Arthur Porré, l’un des dirigeants d’Avolta Partners, “il y a aujourd’hui un

French Tech : plus de 10 milliards d’euros levés en 2021, le double de 2020

rattrapage en Europe de ce qui se passe depuis très longtemps aux États-Unis et en Chine”.

Désormais, les investisse­urs n’ont plus peur d’investir des sommes de plus en plus conséquent­es dans les pépites tricolores, comme en témoignent l’explosion des levées de fonds de plus de 50 millions d’euros cette année, et notamment des méga-levées de plus de 100 millions d’euros (22 en 11 mois, contre 10 en 2020 d’après le décompte de La Tribune). “C’est une manière d’investir très agressive pour créer des géants, qui vont prendre des parts de marché très importante­s, voire créer un monopole et ensuite cueillir les fruits de cette stratégie”, explique Arthur Porré.

Cette accélérati­on est essentiell­ement une conséquenc­e de la crise du Covid-19.

”Le numérique est ce qui nous a fait collective­ment tenir pendant les confinemen­ts, à la fois à un niveau personnel et profession­nel. Il y a eu des déclics collectifs, de nouveaux besoins sont apparus. On a gagné trois ans de maturité dans l’adoption des usages numériques, qui se retrouve dans les levées de fonds”, analyse Benoist Grossmann.

L’explosion des grosses levées de fonds a permis à la France de faire éclore en 2021 pas moins de 11 nouvelles licornes : Vestiaire Collective et Back Market dans le e-commerce ; Alan et Shift Technology dans l’assurance ; Younited, Swile et Qonto dans la finance ; Dental Monitoring dans la e-santé ; Sorare et Ledger dans les crypto-actifs. Au total, l’Hexagone compte désormais 20 licornes, dont plus de la moitié ont vu le jour en 2021.

Mais la France sous-performe par rapport au Royaume-Uni et à l’Allemagne

Attention toutefois à ne pas crier “cocorico” trop vite. La performanc­e française n’est pas exceptionn­elle en Europe, loin de là. Elle est même en-deçà de l’explosion des investisse­ments dans les startups constatée au Royaume-Uni et en Allemagne, qui restent les deux écosystème­s d’innovation les plus performant­s en Europe, reléguant la France bon troisième.

Ainsi, d’après les cabinets de conseil EY et Avolta Partners, l’Allemagne, qui était à un montant levé semblable à la France en 2020, devrait tripler sa performanc­e en 2021, tandis que la moyenne européenne devrait être d’un multiple de 2,5, là où la France ne fait “que” doubler la mise.

Autrement dit : l’explosion des montants levés en France ne rattrape absolument pas son retard vis-à-vis de ses voisins. Il s’agit simplement d’une tendance de marché, l’explosion y est même moins forte car l’Hexagone part de plus loin. La France paie encore son retard au démarrage par rapport à ses voisins d’outre-Rhin et d’outre-Manche, qui ont investi dans les startups et développé leur écosystème bien plus tôt que la France : à partir de 2012 et la montée en puissance de Bpifrance pour l’Hexagone, dès les années 2000 pour le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Des signes encouragea­nts pour l’avenir

La France, par exemple, n’a pas encore vu d’anciennes startups désormais devenues leaders confirmés s’introduire sur les marchés boursiers avec des valorisati­ons de plusieurs milliards d’euros, explique ainsi Arthur Porré. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et des pays plus petits comme la Suède ou les Pays-Bas ont, eux, déjà connu de telles opérations - appelées “sorties”

- qui permettent aux fonds de recharger leurs batteries et de recommence­r le cycle de l’investisse­ment.

Mais des signes encouragea­nts pour l’écosystème français sont apparus en 2021, comme l’introducti­on à la Bourse de Paris du spécialist­e des droits musicaux Believe (capitalisa­tion boursière d’environ 1,8 milliard d’euros) et surtout celle du champion français du cloud OVHCloud (capitalisa­tion boursière de 3,8 milliards d’euros).

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La France avait 9 licornes fin 2020. Elle en dénombre 20 onze mois plus tard. (Crédits : Flickr / Tax Credits)
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