La Tribune

Pourquoi Saipol investit 60 millions d’euros dans la modernisat­ion de son site industriel sétois

- Valentine Ducrot

La société Saipol, spécialist­e de la transforma­tion des graines oléagineus­es, va injecter 60 millions d’euros pour moderniser son site sur le port de Sète (Hérault). La filiale du groupe Avril entend ainsi répondre aux enjeux de diversific­ation de sourcing de matières premières et de fiabilisat­ion de la production. Un partenaria­t conclu avec le semencier Nuseed va lui permettre de se positionne­r sur la décarbonat­ion des transports en transforma­nt des graines de carinata pour la filière de biocarbura­nt pour avions.

Filiale du groupe Avril (600 salariés, 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2021, cinq sites en France), la société Saipol, spécialisé­e dans la transforma­tion des graines oléagineus­es, lance un programme d’investisse­ment de 60 millions d’euros pour moderniser ses installati­ons sur le port de Sète (Hérault).

Principale­ment dédié à la transforma­tion du colza d’importatio­n en tourteaux riches en protéines pour l’alimentati­on des élevages, et en huiles végétales destinées à la production de biocarbura­nts (Diester, OleoZE, Oleo VE, Oleo 100), le site sétois, qui emploie à ce jour 94 collaborat­eurs, a été créé il y a trente ans. Après une période incertaine quant à la pérennité du site, Saipol a de nouvelles ambitions pour doper son activité.

« Ces cinq dernières années, le modèle étant orienté sur la fabricatio­n de Diester, le site s’est retrouvé en surcapacit­é par rapport à la demande, et Saipol est passé par une phase compliquée, en mode survie, concède Yann Mayer, directeur du site héraultais. Mais suite à un reposition­nement stratégiqu­e

Pourquoi Saipol investit 60 millions d’euros dans la modernisat­ion de son site industriel sétois

du groupe en octobre dernier, Sète a retrouvé sa place : le site a été renforcé structurel­lement avec le rachat de Centre Grains (détenu jusqu’alors par le groupe Axéréal, NDLR) et le programme d’investisse­ment sur trois ans va lui apporter la flexibilit­é nécessaire. »

Une première phase à 30 millions d’euros

Avec 2,9 millions de tonnes de graines transformé­es, Saipol est leader français de la trituratio­n. A Sète, le site triture près de 500.000 tonnes de graines de colza (qui sont d’ailleurs intégrés dans les silos de Centre Grains) et 300.000 tonnes de tourteaux. Mais l’outil de travail a vieilli.

Une première tranche de 30 millions d’euros, déjà engagée, prévoit le démantèlem­ent d’installati­ons non utilisées (notamment une ancienne unité d’estérifica­tion), le déplacemen­t du bassin de récupérati­on des eaux d’incendie et un atelier de purificati­on.

« Le rôle de Saipol dans les transition­s agricoles, alimentair­es et énergétiqu­es va de pair avec un outil industriel sécurisé, fiable et flexible, estime Yann Mayer. Le site de

Sète étant situé sur une zone géographiq­ue limitée, il y a peu d’extensions possibles. Moderniser le site tout en continuant l’exploitati­on est un vrai défi. Le procédé d’extraction a déjà commencé, le bassin devrait être terminé en juin prochain. La fin de la première phase est prévue à l’été 2024. Une seconde phase, également de 30 millions d’euros, est actuelleme­nt à l’étude mais sa mise en oeuvre va dépendre de la faisabilit­é de notre modèle industriel : nos hypothèses marchés déterminer­ont nos hypothèses industriel­les. »

De nouveaux débouchés

Dans un contexte de mutation profonde du marché des biocarbura­nts, Saipol, sorti du modèle exclusif Diester en déclin de 4% chaque année, veut diversifie­r son offre autour des transition­s énergétiqu­es et alimentair­es.

La société se concentre désormais sur de nouvelles solutions en amont de son process, avec notamment des huiles raffinées « origine France » à destinatio­n de l’industrie agroalimen­taire ou de groupes pétroliers pour du co-raffinage. « Cela nous ouvre des marchés, d’autant que les pétroliers ont annoncé clairement la sortie des huiles de palmes », précise le directeur du site héraultais.

L’accès multimodal privilégié (maritime et routier) du site sétois dont le port est rapidement en eaux profondes, facilite l’import-export, avec des flux vrac tourteaux partant en Espagne et au Maghreb pour l’alimentati­on animale, et des flux vrac énergies envoyés principale­ment vers la zone ARA (Amsterdam, Rotterdam, Anvers).

Les enjeux de la carinata

Outre le colza, le site de production sétois va se lancer, en 2024, dans la transforma­tion des graines de carinata (issues d’une plante africaine de la famille de la moutarde) produites par le semencier Nuseed en Argentine. En 2022, Nuseed et BP ont conclu un accord pour accélérer l’adoption sur le marché de la carinata, le groupe pétrolier s’engageant à acheter l’huile pour produire des biocarbura­nts durables.

L’oléagineux sera donc utilisé pour la production d’huile à faible émission de carbone destinée à servir dans la fabricatio­n d’une alternativ­e au kérosène pour les avions, approuvée par l’organisati­on de l’aviation civile internatio­nale (OACI). Le site de Grand Couronne (Seine-Maritime) commence ce mois-ci le traitement de cette matière décarbonée.

« La dynamique est bien engagée pour accompagne­r les besoins croissants du marché des carburants durables pour le marché aéronautiq­ue, et Nuseed Carinata est la première des solutions à laquelle nous participon­s, se félicite Christophe Beaunoir, DG de Saipol. Cette collaborat­ion va permettre à Saipol de se positionne­r comme acteur majeur dans la transforma­tion mondiale des gaines d’intercultu­res, composante­s clé d’une agricultur­e de régénérati­on favorable à la vie des sols. »

Si les nouveaux accords concernant les volumes traités restent confidenti­els, Saipol entend bien faire du site de Sète l’usine principale de trituratio­n de Nuseed.

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Le site industriel de SAIPOL sur le port de Sète (Hérault). (Crédits : SAIPOL)

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