La Tribune

À Marseille, Cross the ages veut devenir le futur Game of Thrones

- Maëva Gardet-Pizzo

Installée à Marseille, Cross the ages a lancé au printemps 2023 un jeu de cartes NFT auquel s’adonnent chaque mois 150.000 joueurs. Ces derniers sont ainsi plongés dans un univers que raconte une saga de livres rédigés par plusieurs plumes de la science fiction et du fantastiqu­e. L’entreprise a aussi lancé une gamme de vêtements et organisé des événements réunissant des joueurs venus des quatre coins du monde. Soutenue notamment par Ubisoft, elle travaille sur un second jeu plus grand public et sur la réalisatio­n de films d’animation et séries. Avec l’ambition de fédérer une large communauté dans son univers, comme a pu le faire Game of Thrones.

Un monde dystopique et deux camps qui s’affrontent. Arkante, le territoire des sept magies face à Mantris, la cité-lumière des humains augmentés par une technologi­e sans borne. C’est dans cet univers que se sont plongés 400.000 joueurs depuis le lancement du jeu de cartes NFT Cross the ages en mars 2023. « Nous avons un vrai pool de joueurs », se réjouit Sami Chlagou fondateur de l’entreprise du même nom. « 15.000 joueurs se connectent tous les jours, 150.000 joueurs chaque mois ». Des joueurs venus des quatre coins du monde, particuliè­rement d’Europe et d’Asie du Sud-Est, particuliè­rement fidèles à ce jeu de cartes à collection­ner que Sami Chlagou qualifie « de niche », « à mi-chemin entre les échecs, le jeu de go et le jeu de plateau ». Et les joueurs ne sont pas les seuls à avoir répondu présent. « Avant de lancer le jeu, en 2022, nous avons mené une levée de 12 millions de dollars auprès de 70 investisse­urs dont cinq éditeurs de jeux dont Ubisoft ». Avec une originalit­é : « la levée s’est faite en tokens, cela nous a permis de ne pas laisser de parts de notre société ».

Comprendre les clés d’un lancement de jeu réussi

Ce lancement, voilà plusieurs années que Sami Chlagou et ses équipes s’y sont préparées. Étape par étape. Après huit années

À Marseille, Cross the ages veut devenir le futur Game of Thrones

dans la production audiovisue­lle, l’entreprene­ur pousse la porte du jeu vidéo, une porte de plus en plus légère tant le jeu vidéo devient réaliste, tant il affine ses scenarios. En 2013, il fonde Free Agent, un site d’achat-revente de jeux vidéos. S’ensuit la création de RushOnGame, « le premier site de vente privée de jeux vidéos ». Il apprend à sentir le marché, ses attentes. Puis rachète plusieurs studios par le biais de l’entreprise PixelHeart : Story Bird Sutdio à Tours, le Japonais Visco ou encore Elite Systems, de sorte que PixelHeart devient propriétai­re de 150 licences. « Cela nous a appris à repérer les indicateur­s du succès : la capacité à créer une expérience amusante où les gens reviennent plusieurs fois par jour et où ils peuvent être connectés à beaucoup de monde ». Mais en 2020, l’entreprene­ur découvre qu’un autre ingrédient peut apporter plus de potentiel encore au monde du jeu vidéo : la blockchain. « C’est Richard Estève, le cofondateu­r de Cross the ages qui m’en a parlé. L’intérêt est de donner des titres de propriété et de permettre aux joueurs de tirer une récompense financière du temps qu’ils consacrent à un jeu ».

Concevoir un univers complet pour capter le plus large public

La blockchain n’est pas nouvelle dans le monde du jeu vidéo. Dès 2019, elle fait par exemple son entrée dans l’univers du football où l’on peut collection­ner des cartes NFT dont le caractère unique est certifié par la blockchain. C’est cette rareté qui permet de conférer de la valeur aux cartes et potentiell­ement d’en tirer une une plus-value. « Mais beaucoup se sont précipités dans cette idée. Il y a eu beaucoup de projets, de spéculatio­n ». Et beaucoup d’échecs aussi.

Alors l’équipe marseillai­se a envie de faire autrement. De prendre son temps. « Nous avons choisi de créer non pas seulement un jeu, mais un univers complet ». Un univers dont les contours sont confiés à sept écrivains (Arnaud Dollen, Alain Damasio, Pablo Servigne, Heloïse Brézillon, Norbert Marjagnan, Fabrice Capizzano) engagés à coopérer pour dix ans autour de la rédaction de sept tomes. Deux sont déjà sortis en version numérique, faisant l’objet d’un million de télécharge­ments. La version papier du premier tome vient quant à elle d’être imprimée en 25.000 exemplaire­s distribués au travers de 550 points de vente. Le tome 2 est annoncé pour décembre 2024.

Jeux, vêtements, événements, monnaie, films...

C’est cet univers qui dessine le décor du premier jeu proposé par Cross the Ages. Et de celui qui doit suvire, Arise, prévu pour fin 2024. « Il s’agira d’un jeu destiné à un public beaucoup plus large, ultra réaliste et à la troisième personne ». C’est à dire qu’il se s’agira plus seulement de jouer aux cartes, mais d’incarner un personnage. « Et il y aura une interopéra­bilité entre les deux jeux. Les avantages acquis dans le premier seront conservés. L’idée c’est que ce que l’on a investi, on le garde à vie ».

L’univers Cross the ages comporte par ailleurs une ligne de vêtements comptant une trentaine de références. Et il donne lieu à des événements d’ampleur, à l’image de la récente finale du tournoi internatio­nal Heroes’ Legacy issu de l’univers de jeu Cross The Ages, organisée à la Friche Belle de mai à Marseille, et au cours de laquelle se sont affrontés les 64 plus grands joueurs issus de 30 pays lors d’une centaine de duels. L’équipe est en outre en train de préparer le lancement d’une monnaie numérique censée voir le jour au second trimestre de 2024. Le but ? « Créer comme un Etat, et faciliter les transactio­ns au sein de l’univers. En un an, 27 millions de dollars ont déjà été échangés en cartes, soit 230.000 transactio­ns ». Au total, ce sont 10 millions de dollars de chiffre d’affaires générés par Cross the ages depuis son lancement.

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Ambitions de licorne

Jeux, livres, vêtements, événements, monnaie... « Notre but est de créer une système pour que chacun s’y retrouve. C’est en optimisant l’adoption que l’on espère survivre dans cet univers des NFT, du web3, qui est le plus meurtrier du gaming ». Et ce n’est pas fini car Cross the Ages veut également se décliner en films et séries, ce qu’elle a commencé à faire avec la fabricatio­n d’un premier film d’animation en mars 2023. « Cela nous a permis de capturer une audience, de montrer qu’on est capables de faire de l’animation. Désormais, nous concrétiso­ns une collaborat­ion avec Ubisoft pour un spin-off de Cross the ages ».

D’ici dix ans, Sami Chlagou - dont l’entreprise emploie 70 salariés et vient d’entrer au Next Top 20 - aimerait ériger Cross the ages au rang de licorne, avec à son actif un long-métrage et une série en sept saisons. Une série à succès comme a pu l’être Game of Thrones. Mais cette fois à la sauce marseillai­se. Une aventure qui se poursuivra d’ici les prochains mois dans de nouveaux locaux. 1.800 mètres carrés contre 700 m2 actuelleme­nt. Avec un espace de coworking qui permettra d’incuber de nouvelles startups du gaming dont de potentiels partenaire­s que l’entreprise pourra embarquer dans sa galaxie.

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(Crédits : DR)

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