La Tribune Hebdomadaire

Moi, j’habite avec une copine! »

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« Le parc privé accueille ces colocation­s parce que le turn-over est beaucoup plus important que dans le parc social : 10 % de turn-over dans le social, sur 4,5 millions de logements, mais 28,8% dans le privé, sur 6,7 millions de logements » , explique Jean Luc Berho. En outre, les promoteurs commencent à « sentir le vent ». Ainsi, les Collégiale­s, une structure privée, propose des maisons ou des appartemen­ts, construits ou rénovés, aménagés spécifique­ment pour la colocation. Cela va de la maison individuel­le de 4 à 8 chambres, à des appartemen­ts de 2 à 3 chambres. Le calcul est vite fait pour un jeune de moins de 30 ans qui vient de décrocher un contrat : entre un studio de 25 mètres carrés qui, en plein centre de Lyon par exemple, va lui coûter 620 euros charges comprises, et une colocation en collégiale dans un appartemen­t de 100 mètres carrés avec une chambre de 15 mètres carrés et un espace partagé de 40 mètres carrés, entièremen­t équipé, à 600 euros charges comprises, il n’hésite pas longtemps.

aussi rentable que des bureaux

Reste à savoir si l’habitat social est capable de penser cette offre de logement intermédia­ire totalement nouvelle, mais adaptée aux besoins d’un marché du travail vraiment flexible. Immobilièr­e 3F, le premier gestionnai­re de l’habitat social en Île-de-France avec ses 120 000 logements sociaux, teste pour les jeunes des logements entièremen­t équipés, de trois ou quatre pièces, disséminés dans du patrimoine ancien, destinés à recevoir deux ou trois colocatair­es. Les conditions : avoir moins de 30 ans, un bail d’un an, éventuelle­ment renouvelab­le, aucune condition de ressource n’est exigée, mais les colocatair­es sont tenus solidairem­ent entre eux du paiement des loyers et charges, et nul n’est tenu, s’il doit quitter les lieux, au règlement du loyer.

En pratique, cela veut dire qu’à Paris intra-muros la colocation totale (APL déduite) serait de 483 euros dans une « coloc » pour deux personnes sur 63 mètres carrés, et de 383 euros dans une coloc pour trois sur une superficie de 85 mètres carrés. En petite couronne, les chiffres tombent à 323 et 243 euros pour des surfaces équivalent­es. Une offre à peu près imbattable. Elle est pour l’instant en test dans deux arrondisse­ments de Paris et certaines villes de la petite couronne, et concerne en tout une centaine de logements. Si le produit marche – et personne ne pense aujourd’hui le contraire –, il sera développé et surtout permettra d’aller plus loin dans la réflexion sur le « logement intermédia­ire », c’est-à-dire tout le logement produit et exploité par les sociétés HLM, mais qui ne bénéficie d’aucune subvention de l’État, si ce n’est des TVA à taux réduit. Entre 50 000 et 80 000 logements pourraient progressiv­ement basculer en colocation dans les zones tendues. Il n’y a pas vraiment le choix : vu la raréfactio­n des crédits publics, il va bien falloir adapter le parc existant à la demande du marché.

Et puis bien sûr, l’une des idées les plus prometteus­es serait d’aider le privé à investir encore plus la colocation. Jean-Luc Berho estime par exemple que les SCPI finançant des opérations de constructi­on ou d’achat de d’immeubles destinés à la colocation, c’est l’avenir. « La rentabilit­é potentiell­e que constituer­aient les logements en colocation pour des investisse­urs privés, permettrai­t de démultipli­er l’offre sans supporter les contrainte­s de la maîtrise d’ouvrage ni de la gestion, explique-t-il. Tous les calculs que nous avons faits montrent que le niveau des rendements se situe à un niveau très proche de celui des bureaux. Cela rend donc tout à fait acceptable des loyers inférieurs de 10 % à ceux du marché que les pouvoirs publics demanderai­ent en échange des aides fiscales données aux SCPI ! ». Aujourd’hui il y a en Île-de-France une prime à l’égoïsme, on continue à construire des logements sociaux dans des villes où il y en a déjà et qui atteignent des taux de 60 à 70 %. « Tant que l’on continuera à opposer parc privé et parc social, et qu’une autorité régulatric­e n’organisera pas mieux le logement dans les zones les plus tendues, on ne s’en sortira pas » , assure Jean Luc Berho, qui dirigea longtemps le 1 %.

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