La Tribune Hebdomadaire

Philippe Oddo

Selon Philippe Oddo, en 2013 les investisse­urs vont continuer de se reporter vers les actions dans un environnem­ent de taux bas. Il suit de près l’évolution de L’OPA du marché américain ICE sur Nyse-euronext. Plutôt qu’une réintroduc­tion en Bourse d’euron

- Propos recueillis par philippe mabille

« La Bourse va se réveiller en 2013 »

LaTribune– Vos économiste­s sont particuliè­rement sombres ( pour l’économie française en 2013 : ils prévoient une récession de 0,9 %. N’est-ce pas exagérémen­t pessimiste ? philippe oddo –

Oui, la conjonctur­e française nous inquiète. L’Europe va un peu mieux, notamment l’Allemagne, mais tourne au ralenti. Cela ne nous empêche pas de prévoir une hausse des marchés boursiers, parce que nous croyons que les marchés vont anticiper la reprise pour 2014. Nous constatons que les investisse­urs du monde entier sont encore sous-exposés au risque « actions », et c’est particuliè­rement le cas sur les actions européenne­s. Depuis l’interventi­on de la BCE du mois d’août, le climat a changé, l’euro s’est rétabli et sa crédibilit­é s’est renforcée. De nombreux clients, notamment américains, investisse­nt à nouveau en Europe. Les souscripti­ons nettes d’actions sont redevenues positives. On le voit dans les flux enregistré­s par les intermédia­ires que sont les brokers. Il faut dire que le taux sans risque ne rapporte plus rien. Nous sommes aussi positifs sur les banques qui se sont rétablies en 2012 et sont encore sous-valorisées, alors qu’elles ont fait des efforts considérab­les pour réduire leurs risques.

Pourquoi la France vous inquiète-t-elle ? (

On dit pourtant que les entreprise­s ont plus de mal à se financer, ( notamment auprès des banques…

Parce qu’elle ne va pas assez vite ni assez loin dans les réformes indispensa­bles. Rien n’est fait pour inspirer confiance et redonner de la visibilité aux chefs d’entreprise. L’ajustement budgétaire, qui est important, repose sur la hausse des impôts et pas sur la baisse des dépenses publiques. Pour les particulie­rs, le choc fiscal est à venir avec les impôts à payer en 2013. De plus, la hausse du chômage va pousser les ménages à épargner davantage. Tout cela n’est pas positif pour la conjonctur­e. Il y a pourtant en France de très belles entreprise­s qui ne demandent qu’à investir. Nous venons d’organiser notre Forum Midcap à Lyon auquel ont participé 170 entreprise­s, dont 40 étrangères, et un nombre record de plus de 270 investisse­urs. À part dans le bâtiment et les transports, nous constatons que les entreprise­s de taille intermédia­ire (ETI) se portent bien. Nous anticipons des chiffres d’affaires et des résultats en hausse de 8 à 9 %. Il est vrai que l’environnem­ent réglementa­ire, avec la mise en oeuvre accélérée des règles de Bâle III, transforme le financemen­t de l’économie. Nous nous sommes organisés pour y répondre et pour aider les entreprise­s à se refinancer. Nous les accompagno­ns en matière de conseil en notation, émissions obligatair­es privées (États-Unis et Europe) ou publiques, pour des tailles à partir de 50 millions d’euros. La dynamique actuelle du marché obligatair­e leur offre une belle opportunit­é pour se refinancer à long terme (7 à 10 ans) à des taux très compétitif­s. Nous changeons de modèle pour aller vers une économie désintermé­diée.

Vous attendez-vous à une reprise des introducti­ons en Bourse ? (

Le marché boursier a été ces dernières années quasiment fermé. Nous anticipons qu’il va se réveiller en 2013, avec de belles introducti­ons en Bourse ou des augmentati­ons de capital. Nous l’anticipons en discutant avec les fonds de private equity qui se préparent à des sorties en Bourse de certaines de leurs participat­ions.

Comment réagissez-vous à l’OPA lancée par la Bourse améri( caine ICE sur Nyse-Euronext ?

Je suis membre du conseil de surveillan­ce d’Euronext donc je me dois à une certaine réserve. C’est un sujet de préoccupat­ion pour toute la place. J’ai été dans le passé un fervent partisan du rapprochem­ent des Bourses… Le rapprochem­ent d’Euronext avec le New York Stock Exchange n’a pas rendu ce que j’en espérais. L’opération publique d’achat lancée par ICE constitue selon moi une bonne opportunit­é de tout remettre à plat, y compris la stratégie d’Euronext. Il y a plusieurs enjeux d’intégratio­n verticale : la négociatio­n, la compensati­on et le système de règlement-livraison, le tout sous le regard des autorités de marché et des banques centrales, soucieuses de mieux surveiller ce qui se passe sur le marché de l’euro. Je ne crois pas beaucoup à une introducti­on en Bourse d’Euronext à l’issue de ce processus. Ce qu’il faut, c’est un véritable projet industriel pour Euronext.

Il faut un véritable projet pour Euronext. »

Qui pourrait porter capitalist­iquement ce projet ? (

On a entre 6 et 12 mois pour y réfléchir. Revenir à un système où les utilisateu­rs, les brokers, sont actionnair­es de la Bourse a du sens. Plus fondamenta­lement, il faut se demander si nous ne sommes pas allés trop loin dans la mise en concurrenc­e des marchés boursiers.

Oddo serait prêt à devenir actionnair­e d’Euronext ? (

Nous l’avons été dans notre passé d’agent de change…

Le gouverneur de la Banque de France a récemment réclamé le ( retour en zone euro des transactio­ns sur l’euro. Il a raison ?

Je comprends que les banques centrales souhaitent avoir la possibilit­é de suivre ce qu’il se passe sur leur devise et contrôler le marché de leur monnaie. Surtout après ce qu’il s’est récemment passé sur les marchés du Libor et de l’Euribor. Faire revenir à Paris et à Francfort le marché de l’euro me semble donc une ambition légitime. Mais la City ne se laissera pas faire. Si c’est un vrai objectif, il faut une fiscalité qui incite les acteurs à retraverse­r la Manche.

On connaîtra en février les résultats de la mission confiée par ( le gouverneme­nt à la député Karine Berger sur la fiscalité de l’épargne. Avez-vous été reçu ?

Non, mais si c’était le cas, je dirais qu’il faut prendre des mesures urgentes pour encourager l’épargne longue en actions. Si nous voulons aider les entreprise­s à lever de l’argent et consolider un actionnari­at français de nos champions industriel­s, nous devons redonner un attrait fiscal à l’investisse­ment boursier. Il faut aussi mieux encourager l’actionnari­at salarié.

Le plan d’épargne en actions est un bon instrument ? (

Oui, mais ce qu’il faudrait, c’est un PEA Plus, pour les PME et les ETI, ouvert aux actions et aux obligation­s, cotées ou non cotées. Et faire de même pour l’assurance-vie. Le taux d’imposition des plus-values est devenu confiscato­ire avec la dernière loi de finances. Cela va faire fuir les investisse­urs et les entreprene­urs. Une des réponses serait de lier le niveau de taxation à un engagement de détention des titres sur une durée plus

longue.

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Selon l’associé gérant du groupe financier Oddo&Cie, les investisse­urs vont continuer de se reporter vers les actions, dans un environnem­ent de taux bas.
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[DR] Philippe Oddo s’inquiète que la France n’aille « pas assez vite ni assez loin dans les réformes indispensa­bles ».

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