Une révolution se prépare au nord de paris
Métamorphose Situé au nord-est de Paris, Plaine de France est le territoire où les revenus sont les plus faibles en Île-de-france. Cette région concentre cependant 25 projets privés de développement, qui pourraient générer 132 000 emplois. Et nécessiter u
Ces territoires portent des noms bizarres. De ceux qu’aucun élève n’a j amais appris dans un cours de géographie, un peu passe-partout, sans grande signification géographique : « Plaine de France », « Val-de-France », « Plaine Commune », « Terres de France », « Porte de France »…
Ce sont des communautés d’agglomération du Val d’Oise et de Seine–Saint-Denis regroupées au sein de l’Établissement public d’aménagement (EPA) Plaine de France. Un GPS aura sans doute du mal à les trouver, mais ils comptent tout de même un million d’habitants, 478 000 emplois, 46 000 entreprises, 60 000 étudiants, 6 000 chercheurs, plus de la moitié des projets labellisés Grand Paris.
Sur le papier, le tableau est impressionnant. En rêvant un peu, Plaine de France (ou, du moins, la partie qui va du Bourget à Plaine Commune) pourrait presque se constituer en métropole et prendre ses distances avec Paris… En attendant, au nord-est de la capitale, entre la Porte de la Chapelle et l’aéroport de Roissy, dans le dédale des autoroutes, lignes RER et SNCF, les mentalités des élus ont été bouleversées en quelques années : « Il y a dix ans, tout ce territoire était encore dans une mentalité de “réparation”, explique Damien Robert, le directeur général de l’EPA. Les élus réclamaient dédommagement des injustices faites à leur territoire. Aujourd’hui, ils sont dans une logique de projets, de développement, d’investissement. La population est la moins riche d’Île-de-France, les élus ont compris qu’ils devaient bouger. La force de cet EPA est que tout le monde a envie de se bouger. Contrairement à d’autres EPA en Île-de-France où les élus veulent surtout que rien ne bouge. »
Damien Robert n’en cite aucun, mais il pense peut-être à Saclay, où le concours de lenteur et d’immobilisme des élus fait tourner en bourrique les dirigeants de Paris-Saclay.
« Le premier déclic a été le Stade de France. Sa construction a fait comprendre que des choses étaient possibles, continue Damien Robert. Le deuxième a été le Grand Paris. »
Didier Vaillant, le président de la communauté d’agglomération Val-de-France, a compris lorsque Christian Blanc, secrétaire d’État alors en charge du Grand Paris, lui a lancé : « Une gare ? Vous voulez une gare ? Mais pourquoi faire ? » Vexant ! Vexant mais motivant, car Christian Blanc avait ajouté : « Amenez-moi un projet économique et vous aurez la gare ! » Les élus sont donc partis en chasse.
Roissy–Charles-de-Gaulle, coeur du développement
Des projets, il y en a actuellement 25 en Plaine de France. Certains sont énormes, comme Europa City (quelque 20 000 emplois, 1,7 milliard d’euros d’investissement) porté par Auchan, l’International Trade Center et ses 2 600 emplois, promu par des investisseurs brésiliens – qui se sont inspirés du World Trade Center de São Paulo – et par Bouygues (600 millions d’euros d’investissement et 1,2 million de visiteurs annuels). Un peu moins gros, mais imposant quand même : Aéroville, porté par Aéroports de Paris (270 millions pour un centre de commerces et de loisirs de 85 000 m2).
D’autres sont plus diffus, comme l’extension du parc hôtelier de Roissy (Accor essentiellement, 4 000 chambres de plus dans les cinq ans), la densification de Paris Nord 2, de parcs d’activités (Bouygues), de ZAC (Nexity), de centres logistiques, le développement du hub de Fedex jusqu’au nouveau satellite de Roissy– Charles-de-Gaulle et l’agrandissement des zones de fret, etc. En tout, d’ici à 2025, la bagatelle de 132 000 emplois directs liés à ces 25 projets. Leur point commun ? Roissy, l’aéroport Charles-deGaulle.
Le développement de Plaine de France part de Roissy. Les modèles sont à chercher du côté de Dubai, Séoul ou Singapour. « Les conditions ne sont pas vraiment les mêmes qu’à Dubai, explique Emmanuel de la Masselière, directeur de la Stratégie de l’EPA, mais la logique est la même. Dubai a attiré les avions avec son essence à bas prix, puis s’est demandé comment faire sortir les passagers des avions pour son développement. Nous, c’est un peu cela. Les élus l’ont compris. Pourtant, il y a encore cinq ans, dès que, dans les débats de la conférence territoriale, on parlait de Roissy et du territoire du Grand Roissy, tout le monde répondait “nuisances”. » Aujourd’hui, les mêmes associent Roissy et « développement ». Bien sûr, il y a toujours des associations écolos pour protester, mais le nouveau développement de la zone du Bourget et l’arrivée d’Eurocopter ou d’EADS avec Innovation Works, s’est réalisé sans qu’aucune association anti-aéroport ne se constitue : « Les habitants du Bourget se croyaient encore sur un territoire totalement déqualifié, explique Damien Robert. Ils ont découvert qu’avec leur aéroport, qui est quand même le premier aéroport d’affaires d’Europe, ils possédaient un petit bijou pour le développement. Nous avons eu des réunions pour expliquer les projets avec 800 personnes dans la salle ! »
Beaucoup ont compris que le développement non maîtrisé entre Roissy et Le Bourget se traduirait inévitablement par des défilés de camions, jour et nuit, entre les aéroports et les centres logistiques. Donc, il fallait maîtri-
50% des futurs emplois relèveront d’un niveau Bac à Bac +2. Le défi : former la population, dont aujourd’hui 16 % seulement a un niveau BAC.
ser. L’enjeu du Bourget ? Reconstruire une ville en petite couronne, ce qui ne s’est jamais fait. Mais, le coeur de vie économique est un tout petit peu plus loin. C’est l’ensemble Grand RoissyTerres de France qui va de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Sevran, Tremblay, Villepinte.
Là, les projets pullulent. Du mégacentre commercial Aéroville qui jouxte quasiment les pistes (un mélange de loisirs et de business) à l’International Trade Center, qui est en train de boucler son montage financier – avec un peu de retard – et dont la première pierre devrait être posée avant la fin de l’année. Il est au bout des pistes de Roissy, à côté du Terminal 1, à quelques mètres de la flopée d’hôtels quatre étoiles qui longent l’A1, avec 85 000 m2 pour les conventions d’entreprises et les réunions de travail. Le concept de l’International Trade Center est simple : les businessmen débarquent de toute l’Europe, sortent à peine de l’aéroport, travaillent pendant un jour ou deux, se distraient légèrement, dorment sur place (un hôtel cinq étoiles et deux autres de quatre étoiles)… et remontent dans l’avion !
Si tous les projets se réalisaient, ce seraient donc 132 000 nouveaux emplois directs qui seraient créés, selon Ecodev conseil, le cabinet qui a épluché les 25 projets. Tout ne se fera probablement pas. Carex (800 emplois), qui vise à promouvoir la création d’un service de fret ferroviaire européen à grande vitesse connecté à l’aéroport Paris-Charles-de- Gaulle, conçu pour embarquer des conteneurs aériens et routiers, risque d’être jugé beaucoup trop coûteux au regard de perspectives de développement du fret qui ne sont pas franchement positives. D’autres sont encore suspendus à des décisions politiques, comme Europa City, qui attend la date de la création de la gare de Gonesse pour se lancer – Gonesse qui, avec ce projet et celui de la Zone des Tulipes, est pourtant devenu un territoire stratégique du Grand Paris.
se former pour acc éder aux nouveaux emplois
Mais, quoi qu’il arrive, l’EPA Plaine de France a commencé un travail de Romain sur l’emploi : Ecodev Conseil a épluché tous les projets, interviewé les investisseurs, analysé les filières, classé les emplois et comparé le tout avec les deux autres hubs européens, Heathrow à Londres et Schiphol à Amsterdam.
Avec prudence car – première difficulté – il s’agit d’emplois directs ; et aussi parce qu’il y a peu de règles totalement fiables pour définir les emplois indirects ou induits. Exemple, avec les calculs d’Aéroport de Paris (ADP) : lorsque le trafic augmente d’un million de passagers, il se crée 1 450 emplois directs, indirects ou induits.
C’est un constat. Pas une règle. Mais si on effectue un rapide calcul en fonction des prévisions de trafic d’ADP, on s’aperçoit que, mécaniquement, il va se créer entre 17 375 et 18 850 emplois supplémentaires sur le Grand Roissy entre 2005 et 2020. Ils s’ajouteront aux quelque 12 000 qui seront créés, tout aussi mécaniquement, entre 2010 et 2015.
En tout, en dehors de tout nouveau projet, il devrait y avoir près de 120 000 emplois liés au transport aérien en 2020 sur cette zone. Sauf que… Air France-KLM, de loin le premier employeur de Roissy, n’est pas à l’abri d’un éventuel problème sérieux d’ici là.
Ce qui est certain, c’est que les jeunes de la zone vont devoir,
Naguère décrié comme une nuisance, l’aéroport de Roissy est désormais perçu comme un atout fort de développement.