Au royaume initiatique des « radins malins »
« Le client est roi » pourrait bien être l’adage du low cost. Car sa véritable nature et à chercher du côté de la demande finale, c’est-à-dire du consommateur, de son intérêt comme de sa psychologie.
Dans le low cost, c’est le point de vue du client qui définit ce qui est essentiel dans une offre, les performances incontournables d’un produit, la nature d’un service que l’on juge indispensable » , résume Pascal Perri, économiste, consultant et auteur de Toujours moins cher, low cost, discount, et Cie (Éd. de l’Atelier). La volonté chez le consommateur d’en avoir pour son argent, au prix le plus juste rencontre une offre désormais dépouillée de ses oripeaux marketing et de ses prétendues promesses jamais tenues.
désacralisation et inversion des valeurs
« Le low cost désacralise. Il ne promet pas grand-chose et ne raconte aucune histoire » , admet Emmanuel Combe, vice-président de l’Autorité de la Concurrence, économiste et auteur de Le Low Cost (Éd. La Découverte). Comme si, après des années de surenchère marketing, le low cost redonnait au consommateur la main par une stratégie reposant sur la simplicité de l’offre : produit de base à un prix très bas et options payantes laissées à son appréciation.
Mais le low cost épouse aussi habilement l’individualisation croissante, grâce à un marketing subtil. « Ce n’est donc pas tant la simplicité qui attire le client du low cost que le choix d’une multitude d’options qui lui procurera un produit ou un service taillé à la mesure de ses besoins. Il est en quelque sorte l’anti-modèle de la gratuité : tout a un prix, donc tout se paye » , explique Emmanuel Combe.
Pas étonnant que le low cost ait profité davantage aux gens éduqués, « ceux qui savaient ». « Il y a un effet d’apprentissage. Ce qui choquait hier ne choque plus aujourd’hui, comme les bagages payants dans l ’a é r i e n » , remarque cet économiste.
Le low cost ne saurait donc se réduire aux petits budgets. Il faut être malin pour bien en profiter. Car il permet au consommateur de faire des économies dans un domaine pour avoir tout loisir de « se lâcher » sur un autre. « C’est parce que l’on peut faire une économie sur un poste, par exemple un billet d’avion, que l’on peut s’offrir par ailleurs un produit de luxe » , explique Emmanuel Combe, pour qui le low cost profite avantageusement au secteur du luxe, les deux étant désormais étroitement liés. C’est le fameux effet de ciseau des experts de la consommation. « Une fois que tout est désacralisé, le luxe reprend du galon. » , ajoute l’expert. Le low cost a ainsi un côté « jouissif » car il confère à son client un sentiment de toute puissance. « Je construis moi-même mon ego, je ne me fais pas avoir, je sais ce qui est important pour moi », se dit en substance le client. Un phénomène pour lequel Internet a joué un rôle majeur, estime Emmanuel Combe : « En incitant à comparer les prix, Internet a développé un comportement quasi systématique de la recherche du bas prix, attitude revendiquée comme une qualité à part entière » . Avec l’émergence du low cost, le mot « radin » change donc de connotation sémantique pour s’associer avec l’adjectif « malin ». C’est sans doute là le seul véritable trait déterminant du client d’un low cost qui n’a pas de réel public dédié : quel que soit son âge, sa catégorie sociale ou ses revenus, chacun l’utilise de manière plus ou moins importante.