Le coûteux CDI de Laurence Parisot
La présidente du Medef, pourtant si prompte à vanter les vertus de la mobilité et de la flexibilité, n’est guère inspirée en voulant prolonger son mandat, voire le renouveler. Une lutte de pouvoir qui va occuper l’organisation pendant des mois.
Le télescopage est assez confondant. En à peine quarante-huit heures, le paysage social français nous a envoyé deux images bien contradictoires : l’une plutôt positive, grâce à la signature de cet accord de flexisécurité, que certains qualifient peut-être un peu vite d’historique mais qui est en tout cas d’une importance majeure autant en ce qu’il existe qu’en ce qu’il contient ; l’autre beaucoup plus terne, presque jaunie, d’une présidente du Medef qui va demander à modifier les statuts de l’organisation patronale afin de pouvoir prolonger son mandat, voire le renouveler. Que Laurence Parisot ressente la peur de ce vide qui menace toute personne déchargée de missions importantes, du pouvoir et de l’exposition médiatique qui leur afférent, importe peu. C’est humain et on ne lui en fera pas reproche. Plus embêtant est ce que nous dit cette décision de la présidente du Medef. D’abord, elle porte un mauvais coup aux espoirs de rénovation qu’avait constituée sa propre nomination à la tête de l’organisation.
On l’a un peu oublié, mais cette élection avait fait événement : pour la première fois, une femme, de surcroît étrangère aux microcosmes patronaux, s’installait avenue Bosquet. Ensuite et surtout, elle nous rappelle que la maladie française du « j’y suis, j’y reste » est loin d’être éradiquée. Certes, elle touche toutes les élites.
rumeurs, manoeuvres et coulisses
Bon nombre d’élus de tous bords ont eux aussi une fâcheuse tendance à s’accrocher à leurs mandats. On ne compte pas non plus les chefs d’entreprise qui ont obtenu l’amendement des statuts de leur groupe pour pouvoir rempiler. Il n’empêche. Même s’il n’est bien sûr pas de certitudes en la matière, même si l’accès de jeunisme peut vite devenir aussi une pathologie préoccupante, même si la mise au rencart automatique des seniors ne peut faire office de système de management, cette fâcheuse tendance à jouer les prolongations n’est pas saine.
Elle résulte avant tout d’une conception du pouvoir qui tient davantage à son exercice personnel, voire solitaire, que d’une réelle collégialité. Ce qui oblige à dépenser beaucoup d’énergie à le conquérir, à le protéger et finalement à le garder plutôt qu’à en faire le meilleur usage, notamment en le soumettant à la contradiction.
Et puis, ce sentiment d’être irremplaçable ou, plus sophistiqué, cette conviction que « ce n’est pas le moment de partir » (Laurence Parisot doit s’en être persuadée à l’aube de cette année 2013 qui va être particulièrement chargée sur le plan social) ont des effets dévastateurs. Ils laminent les réflexions légitimes sur les nécessaires évolutions d’un appareil, d’une entreprise, ils attisent les rumeurs, les manoeuvres de coulisses, et finalement fossilisent ce qui au contraire doit vivre.
La présidente du Medef, pourtant si prompte à vanter les vertus de la mobilité et de la flexibilité, n’est donc guère inspirée en lançant cette bataille qui va occuper l’organisation pendant des mois.
Elle donne une pénible impression de déjà-vu au moment où l’on demande pourtant, patronat en tête, au corps social français de se bousculer.