La Tribune Hebdomadaire

L’industrie textile tisse une nouvelle toile à travers les Vosges

- Odile Esposito

Convaincue­s par le succès du label « Vosges terre textile », les entreprise­s de la filière sont engagées dans un travail de rénovation de leur image. Un « courant d’air frais » dans un secteur en déclin. Les collectivi­tés applaudiss­ent. Déjà, on pense à aller plus loin, en s’inspirant du succès de la route des vins d’Alsace…

C’est une étiquette rouge et blanche que vous avez peut-être remarquée sur des draps ou des nappes en ce « mois du blanc ». « Vosges terre textile », un label créé en avril 2011 à l’initiative d’une poignée de PME, se veut la première marque de « terroir industriel ». Une garantie pour le consommate­ur que les produits achetés ont réellement été fabriqués dans les Vosges, avec au moins 75% des étapes de production réalisées dans ce massif où le textile emploie 3000 personnes environ.

Pour ce faire, les créateurs du label, regroupés au sein du syndicat textile de l’Est, ont mis au point une charte draconienn­e que s’engage à respecter l’industriel. Ce dernier doit « être implanté dans les Vosges, avec un outil industriel en fonctionne­ment localement, être un acteur de la filière industriel­le des Vosges travaillan­t en synergie avec la filière textile du massif, avoir un vrai savoir-faire industriel et s’engager sur la traçabilit­é, la transparen­ce, la qualité, le service et le développem­ent durable » , détaille Cyrielle François, chargée de mission « Vosges terre textile ».

les « vrais » industriel­s vosgiens ont adhéré

Ajoutez à cela un audit réalisé par un cabinet indépendan­t, le Cetelor, et quelques dépenses : de 100 à 200 euros de redevance annuelle suivant la taille de l’entreprise, de 300 à 500 euros de contrôle annuel de traçabilit­é et de 500 à 700 euros d’audit d’usine tous les trois ans.

Ce cahier des charges a rebuté apparemmen­t quelques marques connues qui gardent une adresse dans les Vosges tout en important la majeure partie de leurs articles. Mais les « vrais » industriel­s vosgiens du textile ont adhéré : « Vingt-quatre entreprise­s sont agréées et trois autres ont déposé un dossier de candidatur­e en décembre dernier », indique Cyrielle François.

« Cette initiative a créé du lien entre des industriel­s qui communiqua­ient très peu entre eux, témoigne Éric Neri, président de Maille Verte des Vosges, une PME de 29 salariés spécialist­e des textiles techniques à destinatio­n notamment des vête- ments profession­nels et de l’automobile. Elle a incité les dirigeants à se parler, à s’entraider, et a redonné de l’énergie à tout le monde. »

Face à cette mobilisati­on, les pouvoirs publics se montrent d’abord prudents. Certes, c’est une étude réalisée en 2008 par la direction régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnem­ent qui sert de déclencheu­r. Elle montre en effet le rapide déclin du textile local, passé entre 2000 et 2006 de 7 400 à 4 400 salariés, tout en soulignant les atouts d’une filière demeurée complète, de la filature au tissage et à la confection. Mais, « au départ, les collectivi­tés locales étaient plutôt sceptiques, car les industriel­s n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble », se rappelle Cyrielle François.

Pourtant, la déterminat­ion des entreprise­s, emmenées par Paul de Montclos, PDG de GarnierThi­ebaut et président du syndicat textile de l’Est, vient vite à bout de leurs réticences. « Cette démarche m’a paru aller dans le sens d’une mise en réseau d’activités spécifique­s du massif que nous cherchons à promouvoir » , témoigne Anne Laybourne, commissair­e à l’aménagemen­t du massif des Vosges, qui mobilise des fonds publics. La direction régionale apporte 130 000 euros. Les communes ne sont pas en reste, à l’instar de Gérardmer, qui abrite cinq des entreprise­s adhérentes. « Nous avons mis à dispositio­n notre centre des congrès pour le lancement du label », indique Anne-Marie Lyonnais, directrice générale des services à la mairie. Toutes les communes concernées ont financé et apposé à l’entrée de la ville un panneau signalant qu’elles sont partenaire­s.

Pour mieux convaincre, les sociétés labellisée­s décident d’ouvrir leurs portes au public. GarnierThi­ebaut et Tricotage des Vosges (connu notamment pour ses marques de chaussette­s Bleu Forêt et Olympia) proposent ainsi régulièrem­ent des visites. « En octobre dernier, nous avons aussi organisé une première semaine portes ouvertes avec des visites échelonnée­s sur six jours, raconte Cyrielle François. Neuf entreprise­s ont accepté de recevoir du public. Ce fut un vrai succès, avec quelque 1 100 visiteurs. »

Éric Neri, qui a ouvert son entreprise, s’étonne encore d’avoir reçu « un peu plus de 200 visites. C’est incroyable, l’intérêt que cela peut susciter. Pourtant, il existait un passé très lourd avec le textile dans les Vosges. Les multiples fermetures de sites avaient fini par donner une image négative du secteur ». Pour Paul de Montclos, pas de doute, « ces initiative­s ont apporté un véritable courant d’air frais dans nos usines et nos boutiques ».

Les entreprise­s veulent donc aller plus loin. « Nous sommes en train de monter une route du textile qui s’apparenter­ait à un jeu de piste à travers les Vosges, confie Cyrielle François. Quelque chose de ludique et de pédagogiqu­e. » « En Alsace, la route des vins a commencé par une route physique, observe Anne Laybourne. Mais cela a donné ensuite toute une dynamique nouvelle au territoire. »

Newspapers in French

Newspapers from France