Renault-psa , la compétitivité ou la mort
Les usines françaises de Renault et de PSA sont en danger. Spécialistes des véhicules petits ou compacts, les deux constructeurs affrontent des coûts élevés, et l’argument du « made in France » ne suffit souvent pas à convaincre les clients. Une dégringol
Sur fond de tensions et de débrayages, Renault veut négocier un accord de compétitivité à l’image de celui qu’il a signé en Espagne en fin d’année dernière. PSA, lui, discute d’un plan de sauvegarde de l’emploi et de la fermeture du site d’Aulnay, avant d’entamer également, mais plus tard, des négociations pour une meilleure compétitivité.
Ces accords, notamment de flexibilité, que Volkswagen ou Daimler ont passés naguère avec les syndicats en contrepartie de la sauvegarde des emplois outre-Rhin, les constructeurs français en pleine crise ne peuvent y échapper. N’en déplaise à certains syndicats, il s’agit d’une condition sine qua non de la survie d’une industrie automobile française en crise profonde…
Le Prix, facteur clé pour les modèles petits et compacts
Les très faibles marges opérationnelles réalisées par Renault et PSA les années où ils gagnent de l’argent (5,2 % pour Renault en 2004), par rapport à celles des constructeurs allemands (11,5 % pour BMW ou Audi), japonais ou coréens, prouvent la faiblesse intrinsèque de la structure de coûts des constructeurs français.
Leur paradoxe est connu : Renault comme PSA se sont spécialisés progressivement, de facto, dans les voitures petites ou compactes. Une spécialisation dictée notamment par la discrimination fiscale à l’encontre du haut de gamme pratiquée traditionnellement par les pouvoirs publics français, qui a tué en partie les « gros » modèles des deux groupes tricolores. Or, dans les petites voitures et les compactes, un créneau archi-concurrentiel, le facteur prix est déterminant dans l’acte d’achat.
Le hic : selon le directeur général délégué de Renault, Carlos Tavares, il y a une différence de 1 300 euros entre une Clio IV produite en Turquie et son homologue assemblée à Flins ! Même si certains experts jugent ce chiffre un peu exagéré, l’écart n’en existe pas moins. Chez PSA, sans avancer de chiffre, on affirme également qu’une voiture fabriquée à Trnava en Slovaquie est nettement mois chère à assembler que son homologue « made in France ». Philippe Varin, président de PSA, affirmait récemment que le coût salarial horaire, s’il atteint 35 euros en France ou en Allemagne, ne dépasse pas 22 euros en Espagne, voire 10 euros en Slovaquie ou République tchèque.
Les usines françaises, comme la production italienne de Fiat d’ailleurs, se retrouvent confrontées au dilemme de devoir produire cher des véhicules qui doivent être vendus (relativement) bon marché, l’image et la structuration des gammes de PSA mais surtout de Renault ne permettant pas de faire accepter par le client le moindre surcoût pour cause de « made in France », surtout hors de l’Hexagone… Certes, Citroën tente de monter en gamme avec sa ligne DS pour pouvoir vendre plus cher. Mais, l’opération n’est pas encore vraiment rentable, selon les observateurs.
II s’agit pour Renault et PSA d’améliorer le temps d’utilisation de l’outil industriel. La direction de Renault propose notamment la refonte des comptes épargne-temps. En cas d’accord, il n’y aura ni fermeture de site ni licenciement, assure l’ex-Régie, qui promet la mise en fabrication dans l’Hexagone de modèles de ses partenaires, en l’occurrence Nissan, trop à l’étroit dans son usine britannique de Sunderland, considérée comme la plus compétitive d’Europe.
La question des coûts est lancinante. N’oublions pas que la situation financière périlleuse d’un PSA est due… en partie à sa trop grande localisation en France, où sont encore assemblés 35 % de ses modèles, contre 17,5 % pour Renault. La très grande majorité des organes mécaniques de PSA est en outre fabriquée dans l’Hexagone. Certes, on arguera que Toyota produit bien des petites Yaris en France, mais les moteurs diesel et boîtes de vitesses de la citadine nippone viennent de Pologne, les moteurs à essence de Grande-Bretagne. Et le site de Valenciennes lui-même est une usine moderne avec du personnel jeune. D’où une prime à la compétitivité, par rapport aux vieux sites historiques de PSA ou de Renault.
8260 suppressions de postes envisagées chez Renault d’ici 2016
Dans ce contexte, la production de Renault et PSA en France aura dégringolé, sur les neuf premiers mois de 2012, de 18,2 % chez Renault, de 11 % chez PSA. La production auto en France de Renault et PSA pris ensemble a globalement été divisée par deux… par rapport à 2005 !
Ces chiffres sont d’autant plus mauvais que les constructeurs allemands, qui jouissent d’une meilleure flexibilité, ont diminué de 2,8 % seulement leur production outre-Rhin (voitures particulières seule, sur onze mois). Du coup, entre mai 2012 et mi-2014, 11 214 suppressions de postes sont envisagées chez PSA, dont les près de 3 000 salariés de l’usine d’Aulnay et 1 400 personnes à Rennes. La direction du groupe au losange veut, elle, 8 260 suppressions de postes d’ici à 2016, essentiellement via des départs naturels non remplacés. Triste bilan.