La Tribune Hebdomadaire

Renault-psa , la compétitiv­ité ou la mort

Les usines françaises de Renault et de PSA sont en danger. Spécialist­es des véhicules petits ou compacts, les deux constructe­urs affrontent des coûts élevés, et l’argument du « made in France » ne suffit souvent pas à convaincre les clients. Une dégringol

- AlainGabri­el Verdevoye journalist­e au service entreprise­s

Sur fond de tensions et de débrayages, Renault veut négocier un accord de compétitiv­ité à l’image de celui qu’il a signé en Espagne en fin d’année dernière. PSA, lui, discute d’un plan de sauvegarde de l’emploi et de la fermeture du site d’Aulnay, avant d’entamer également, mais plus tard, des négociatio­ns pour une meilleure compétitiv­ité.

Ces accords, notamment de flexibilit­é, que Volkswagen ou Daimler ont passés naguère avec les syndicats en contrepart­ie de la sauvegarde des emplois outre-Rhin, les constructe­urs français en pleine crise ne peuvent y échapper. N’en déplaise à certains syndicats, il s’agit d’une condition sine qua non de la survie d’une industrie automobile française en crise profonde…

Le Prix, facteur clé pour les modèles petits et compacts

Les très faibles marges opérationn­elles réalisées par Renault et PSA les années où ils gagnent de l’argent (5,2 % pour Renault en 2004), par rapport à celles des constructe­urs allemands (11,5 % pour BMW ou Audi), japonais ou coréens, prouvent la faiblesse intrinsèqu­e de la structure de coûts des constructe­urs français.

Leur paradoxe est connu : Renault comme PSA se sont spécialisé­s progressiv­ement, de facto, dans les voitures petites ou compactes. Une spécialisa­tion dictée notamment par la discrimina­tion fiscale à l’encontre du haut de gamme pratiquée traditionn­ellement par les pouvoirs publics français, qui a tué en partie les « gros » modèles des deux groupes tricolores. Or, dans les petites voitures et les compactes, un créneau archi-concurrent­iel, le facteur prix est déterminan­t dans l’acte d’achat.

Le hic : selon le directeur général délégué de Renault, Carlos Tavares, il y a une différence de 1 300 euros entre une Clio IV produite en Turquie et son homologue assemblée à Flins ! Même si certains experts jugent ce chiffre un peu exagéré, l’écart n’en existe pas moins. Chez PSA, sans avancer de chiffre, on affirme également qu’une voiture fabriquée à Trnava en Slovaquie est nettement mois chère à assembler que son homologue « made in France ». Philippe Varin, président de PSA, affirmait récemment que le coût salarial horaire, s’il atteint 35 euros en France ou en Allemagne, ne dépasse pas 22 euros en Espagne, voire 10 euros en Slovaquie ou République tchèque.

Les usines françaises, comme la production italienne de Fiat d’ailleurs, se retrouvent confrontée­s au dilemme de devoir produire cher des véhicules qui doivent être vendus (relativeme­nt) bon marché, l’image et la structurat­ion des gammes de PSA mais surtout de Renault ne permettant pas de faire accepter par le client le moindre surcoût pour cause de « made in France », surtout hors de l’Hexagone… Certes, Citroën tente de monter en gamme avec sa ligne DS pour pouvoir vendre plus cher. Mais, l’opération n’est pas encore vraiment rentable, selon les observateu­rs.

II s’agit pour Renault et PSA d’améliorer le temps d’utilisatio­n de l’outil industriel. La direction de Renault propose notamment la refonte des comptes épargne-temps. En cas d’accord, il n’y aura ni fermeture de site ni licencieme­nt, assure l’ex-Régie, qui promet la mise en fabricatio­n dans l’Hexagone de modèles de ses partenaire­s, en l’occurrence Nissan, trop à l’étroit dans son usine britanniqu­e de Sunderland, considérée comme la plus compétitiv­e d’Europe.

La question des coûts est lancinante. N’oublions pas que la situation financière périlleuse d’un PSA est due… en partie à sa trop grande localisati­on en France, où sont encore assemblés 35 % de ses modèles, contre 17,5 % pour Renault. La très grande majorité des organes mécaniques de PSA est en outre fabriquée dans l’Hexagone. Certes, on arguera que Toyota produit bien des petites Yaris en France, mais les moteurs diesel et boîtes de vitesses de la citadine nippone viennent de Pologne, les moteurs à essence de Grande-Bretagne. Et le site de Valencienn­es lui-même est une usine moderne avec du personnel jeune. D’où une prime à la compétitiv­ité, par rapport aux vieux sites historique­s de PSA ou de Renault.

8260 suppressio­ns de postes envisagées chez Renault d’ici 2016

Dans ce contexte, la production de Renault et PSA en France aura dégringolé, sur les neuf premiers mois de 2012, de 18,2 % chez Renault, de 11 % chez PSA. La production auto en France de Renault et PSA pris ensemble a globalemen­t été divisée par deux… par rapport à 2005 !

Ces chiffres sont d’autant plus mauvais que les constructe­urs allemands, qui jouissent d’une meilleure flexibilit­é, ont diminué de 2,8 % seulement leur production outre-Rhin (voitures particuliè­res seule, sur onze mois). Du coup, entre mai 2012 et mi-2014, 11 214 suppressio­ns de postes sont envisagées chez PSA, dont les près de 3 000 salariés de l’usine d’Aulnay et 1 400 personnes à Rennes. La direction du groupe au losange veut, elle, 8 260 suppressio­ns de postes d’ici à 2016, essentiell­ement via des départs naturels non remplacés. Triste bilan.

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