La Tribune Hebdomadaire

Retourneme­nt de cycle en vue

Alors qu’Airbus et Boeing augmentent leur cadence de production, certains investisse­urs craignent une modificati­on des stratégies de flotte d’un certain nombre de compagnies aériennes en raison de la faiblesse du prix du carburant et de la concurrenc­e acc

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Airbus et Boeing ont-ils vu trop grand ? Sontils en train de mettre en place des moyens industriel­s sans précédent pour pouvoir livrer un nombre d’avions considérab­les d’ici à 2020, alors que la demande d’avions neufs risquerait de fléchir à partir de ce moment-là, avec un risque d’annulation des commandes à la clé ? C’est l’effet ciseau que pointent certains experts et surtout certains investisse­urs qui boudent depuis quelques mois les valeurs aéronautiq­ues. Certes, ces derniers craignent un ralentisse­ment de la croissance du trafic aérien en lien avec un nouveau coup de froid de l’économie mondiale, au motif que le cycle actuel, le plus porteur jamais observé sur une aussi longue durée dans l’histoire de l’aviation (il est au plus haut depuis 2005), ne peut rester à ce niveau éternellem­ent. des coûts du pétrole » . « Plus un avion est vieux, plus il consomme mais, comme il est amorti, il ne coûte rien en frais d’acquisitio­n » , fait valoir un observateu­r. Ce risque n’en est pas un pour les avionneurs tant que les achats de modèles récents sont compensés par des commandes d’avions neufs, mais de plus ancienne génération. En revanche, il le devient si les compagnies préfèrent acheter des avions d’occasion à la place d’avions neufs. Or, certains Cassandre voient cette hypothèse se profiler d’ici à quelques années avec le « retour de lease » (quand les compagnies rendent les avions une fois le contrat de location terminé) d’une grande partie des avions commandés en masse par les compagnies à partir de 2005. Et plus particuliè­rement par les compagnies asiatiques à bas coûts. En effet, de nombreux transporte­urs aériens, qui ont vu le jour au cours de la décennie précédente, ont commandé des avions en signant des contrats de leasing avec des sociétés de location d’avions, d’une durée de douze ans pour la plupart. loyers d’avions de seconde main sont bradés. Ceux d’Emirates par exemple. « Emirates va rendre, au cours des prochaines années, un grand nombre de Boeing 777-300 équipés dotés d’une configurat­ion en sièges haut de gamme qui risque de ne pas correspond­re à un grand nombre de clients. Ces avions risquent d’être reloués à un prix inférieur à celui prévu lorsqu’ils ont acheté ces avions », explique un banquier. Les avions d’occasion peuvent s’avérer d’autant plus intéressan­ts qu’ils permettrai­ent d’assouvir les besoins à court terme des compagnies qui ne peuvent supporter les temps d’attente extrêmemen­t longs des avions neufs en raison de l’ampleur des carnets de commandes. Pour autant, de nombreux acteurs du secteur dédramatis­ent. « Dire qu’il y a une bulle sur les carnets de commandes d’avions des constructe­urs est sévère, explique Christian McCormick, directeur général chargé des finances de China Air Lease Corporatio­n. Les commandes passées traduisent un vrai besoin (voire moins) et les constructe­urs sont prudents de ne pas augmenter les cadences de production plus rapidement. La situation est contrôlée pour le moment » , affirme-t-il. Au pire prévoit-il, « en cas de retourneme­nt de l’économie, une période d’ajustement, avec peut-être une baisse de la production pendant six à douze mois, mais pas une crise majeure » . touche essentiell­ement des compagnies américaine­s qui ont la réputation d’utiliser leurs avions jusqu’à la corde. « Je ne crois pas que les compagnies aériennes repoussent certaines nouvelles prises de commande » , fait valoir un banquier spécialisé dans les achats d’avions. « Quel que soit le prix du carburant, il y a un avantage compétitif certain pour les transporte­urs à exploiter des avions neufs qui consomment 15”% à 20”% de moins que les avions de la génération précédente » , pointe un responsabl­e d’une compagnie aérienne. D’autant plus que le prix du baril ne restera pas éternellem­ent bas et que les compagnies ont aussi intérêt à préparer l’avenir en renouvelan­t leur flotte. En tout cas, chez les constructe­urs, on estime que la forte baisse du prix du carburant constitue une bonne nouvelle, dans la mesure où elle permet l’améliorati­on de la santé financière des compagnies aériennes et leur donne les moyens d’acheter des avions neufs. Quant à la problémati­que de l’arrivée, d’ici à quelques années, d’un grand nombre d’appareils de seconde main sur le marché, un responsabl­e d’une société de leasing explique: « Si les sociétés de leasing louent leurs avions, c’est dans le but de les relouer derrière ». « Tout cela est calculé lorsqu’elles passent leur commande d’avions » , explique-t-on dans une société de leasing. Surtout, cette question sera d’autant moins sensible si l’augmentati­on des cadences des avionneurs permet de réduire le carnet de commandes et resserrer ainsi le délai entre les prises de commande et les livraisons. Selon un autre analyste, quand bien même les avions d’occasion entreraien­t demain en concurrenc­e avec les avions neufs, Airbus et Boeing auront toujours la possibilit­é, pour préserver leur production, de baisser leur prix de vente. Ce qui posera un autre problème : une quantité énorme d’avions d’occasion relativeme­nt jeunes pourrait ainsi se retrouver parquée dans les déserts.®

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