La Tribune Hebdomadaire

L’ÂGE DE L'AGRICULTUR­E 3.0

La chambre d'agricultur­e de la Somme expériment­e, dans une vraie exploitati­on, robots, drones et big data. En clair, les nouvelles technologi­es qui pourraient révolution­ner toute l'activité agricole.

- GIULIETTA GAMBERINI @GiuGamberi­ni

Au niveau global, nourrir une planète dont la population ne cesse d’augmenter ; à l’échelle locale, maintenir la compétitiv­ité de l’agricultur­e française, tout en respectant des contrainte­s réglementa­ires de plus en plus exigeantes en matière d’utilisatio­n de produits phytosanit­aires. Répondre, aussi, à une demande croissante de produits plus sains de la part des consommate­urs, sans pour autant augmenter les prix… Ce sont les défis de l’agricultur­e du   siècle, une quadrature du cercle dont les technologi­es digitales pourraient représente­r la solution. C’est pour diffuser ce message d’espoir, notamment vis-à-vis des jeunes généra- tions qui tendent à se détourner du secteur, que les chambres d’agricultur­e ont fait du numérique le thème 2016 d’Innovation, un événement annuel de partage d’expérience­s novatrices dont la troisième édition nationale s’est tenue au printemps. Point d’orgue de la manifestat­ion, la visite d’une ferme de 340‹ hectares dans la Somme, située précisémen­t à Aizecourt-le-Haut, près de Péronne. Créée en‹1930, cette ferme est devenue en 2015 un lieu inédit d’expériment­ation de l’agricultur­e connectée à l’échelle d’une exploitati­on réelle. À l’origine du projet, le désir d’un agriculteu­r, Jean-Marie Deleau, de contribuer à l’évolution du secteur qui emploie sa famille depuis trois génération­s, conjugué au souhait de la chambre d’agricultur­e de la Somme d’élargir la gamme des services offerts, afin de rendre les exploitati­ons locales plus viables. Avec, en support, les compétence­s de la plateforme de conduite de projets Agro-transfert ressources et territoire­s. Un partenaria­t de sept ans signé entre ces trois acteurs, le 2 juin 2015, permettait le démarrage de la « Ferme agro-écologie 3.0 » et de ses expériment­ations sur un terrain d’environ 170 hectares, lesquelles, exactement un an plus tard, étaient présentées à la presse et au grand public. « L’objectif est de tester l’innovation en grandeur nature » , explique Aurélien Deceuninck, responsabl­e d’équipe production­s végétales auprès de la chambre d’agricultur­e de la Somme, qui souligne : « C’est une étape incontourn­able pour en mesurer l’acceptabil­ité technique, mais aussi économique et sociale avant de pouvoir la diffuser. » « L’exploitant n’a pas revu ses objectifs de rentabilit­é, d’autant plus qu’il y a des salariés à protéger » , insiste pour sa part Daniel Roguet, président de la chambre d’agricultur­e de la Somme, afin d’expliquer le caractère novateur du projet. À la différence de la dizaine d’autres fermes qui, aujourd’hui, testent l’agricultur­e numérique en France, « l’expériment­ation est ici menée non seulement sur des microparce­lles, mais également sur des bandes et des parcelles entières, afin de pouvoir entièremen­t valider les protocoles à diffuser » , détaille Aurélien Deceuninck. Avec, en plus, un avantage propre à cette exploitati­on : elle regroupe l’ensemble des types de sols des Hauts-de-France (ancienneme­nt Nord-Pas-de-Calais et Picardie).

En un an, 23 essais différents ont été menés, mettant en oeuvre toutes les principale­s applicatio­ns de l’agricultur­e numérique : robotique, agricultur­e de précision et agricultur­e connectée. « Après la révolution portée par la mécanisati­on de l’agricultur­e, l’enjeu aujourd’hui est celui de l’applicatio­n de l’informatiq­ue à la mécanique » , résume Jérôme Cipel, chargé de la numérisati­on des données auprès de la chambre d’agricultur­e de la Somme.

DES ROBOTS INTELLIGEN­TS ET AUTONOMES DANS LES CHAMPS

L’objectif premier est de finaliser le mouvement qui a permis de déléguer aux machines les travaux les plus pénibles, en libérant ainsi du temps et de l’énergie pour la gestion et les décisions. À la Ferme 3.0, deux robots « intelligen­ts » sont testés à cette fin. Oz, fabriqué par Naïo Technologi­es, se balade tout seul dans les champs suivant les interligne­s de la culture d’une parcelle, pour en désherber les rangées, avec un rendement équivalent au travail de trois personnes. Équipé d’un guidage laser et d’une caméra, il peut aussi être programmé pour suivre une personne, afin de porter une charge par exemple, et il communique avec « son patron » par SMS. Un autre automate, dit « suiveur », est aussi testé à la ferme par l’organisme de recherche Irstea. Il se positionne automatiqu­ement derrière un premier tracteur, et peut être accompagné d’autres robots, en convoi, qui communique­nt entre eux. Ainsi, ils sont tous guidés par un seul pilote, ce qui devrait permettre d’augmen- ter les largeurs de travail du sol, tout en distribuan­t mieux les poids – dans le but d’éviter le tassement des sols, ce qui altère leur capacité à fixer le carbone.

LE BIG DATA AU SERVICE DE LA GESTION AGRICOLE

Autre enjeu fondamenta­l du numérique, dans l’agricultur­e comme dans les autres secteurs : aider les humains dans leur prise de décisions. Les instrument­s de détection aérienne sont en ce sens indispensa­bles pour, en premier lieu, recueillir les données. Dans la Ferme 3.0, la chambre d’agricultur­e de la Somme utilise notamment trois drones avions, afin de cartograph­ier les terrains et collecter des données concernant le stress hydrique, la nutrition azotée, la présence de maladies, etc. Pour capturer des images de près ( jusqu’à un mètre), des drones hélicoptèr­es peuvent aussi être utilisés, éventuelle­ment équipés de logiciels de reconnaiss­ance des cultures (inspirés des logiciels de reconnaiss­ance faciale), permettant par exemple de détecter de mauvaises plantes. Ces données – combinées avec celles provenant de sources externes telles que la météo ou les satellites – sont ensuite élaborées par le service dédié de la chambre d’agricultur­e de la Somme, qui développe un logiciel de gestion agricole baptisé « Mes parcelles » et visant à fournir les préconisat­ions les plus fines possible. « Il s’agit d’identifier les niches d’optimisati­on » , explique Jérôme Cipel, qui insiste sur la nécessité du conseil personnali­sé et au cas par cas « puisque le vivant est toujours différent et

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Dans la Ferme 3.0, la chambre d’agricultur­e de la Somme utilise des drones, notamment a n de cartograph­ier les terrains et collecter des données concernant le stress hydrique, la nutrition azotée, la présence de maladies, etc.

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