La Tribune Hebdomadaire

MOBILITÉ : ENCORE DE BEAUX JOURS POUR L’AUTO

Selon une étude de l’Obsoco, l’observatoi­re société et consommati­on, 85 % des Français utiliserai­ent leur voiture dans leurs déplacemen­ts, dont 59 % de manière quotidienn­e. Cela reste leur mode de déplacemen­t préféré. Et c’est parti pour durer. Pour près

- PAR MOUNIA VAN DE CASTEELE @MoonVdc

Paris délestée de voitures, bientôt peutêtre, mais pas le pays! On aura beau faire, malgré tous les efforts des pouvoirs publics et toutes les alternativ­es de mobilité offertes, la voiture individuel­le reste le mode de déplacemen­t préféré des Français. C’est en tout cas ce qui ressort de l’enquête réalisée en ligne par l’Obsoco (l’Observatoi­re société et consommati­on) et le cabinet d’études Chronos auprès de 4000 personnes, au printemps dernier. Celleci met, en effet, en lumière le fait que l’automobile reste au coeur des mobilités. Dans le détail, d’après cette enquête, la voiture arrive haut la main à la première place (avec un score de 79%) du top 5 des modes de transport les plus utilisés de manière régulière (au moins une fois par mois), devant les transports collectifs urbains (31%), et plus particuliè­rement le bus (21%), le métro (19%) et le vélo (14%).

LA VOITURE SOLO A TOUJOURS LA COTE

Ainsi, contrairem­ent à ce que l’on pourrait penser, l’usage de la voiture personnell­e a même augmenté de 11%, par rapport à il y a trois ou quatre ans. Précisémen­t, il a diminué pour 14% des sondés, mais parallèlem­ent, il a augmenté pour 25% des personnes interrogée­s. Cela correspond donc à un solde net de 11%. Autant dire que l’usage de l’automobile ne diminue pas à l’échelle nationale (on reste cependant dans du déclaratif), surtout chez les plus jeunes, souligne l’étude. Pour autant, une nuance doit être apportée concernant la catégorie des plus jeunes : les sondés de 18 ans ne pouvaient prétendre à l’usage de la voiture lors d’une précédente enquête, d’où un usage qui ne peut qu’augmenter dans cette tranche d’âge, ou en tout cas pas diminuer. Le nombre d’automobili­stes devrait même augmenter de 5% à l’avenir, à en croire le solde d’anticipa- tion d’usage des différents modes de transport utilisés dans les déplacemen­ts du quotidien. Pour l’heure, 85% des Français utiliserai­ent leur voiture dans leurs déplacemen­ts, dont 59% quotidienn­ement. Cependant, s’il y a, apparemmen­t, encore beaucoup de voitures, c’est surtout vrai lorsque les agglomérat­ions sont peu denses. Car lorsqu’une offre alternativ­e de transports existe, comme à Paris intra-muros (Valérie Pécresse, présidente de la région Île-deFrance, a d’ailleurs fait des transports sa priorité), les habitants n’ont pas besoin d’utiliser leur voiture. On constate ainsi que l’usage de la voiture diminue en fonction de la taille de l’agglomérat­ion étudiée. Moins les zones sont denses, plus la voiture y est présente.

L’AUTO DES VILLES ET L’AUTO DES CHAMPS

Les auteurs de l’étude soulignent à cet égard que, globalemen­t, l’usage de l’automobile s’accroît partout, sauf dans l’agglomérat­ion parisienne où il a diminué de 1%. Ainsi, dans les communes rurales (+18%), l’usage de l’automobile augmente plus que dans les villes de plus de 100 000 habitants (+5%). Ainsi, il paraît logique que les petites et moyennes agglomérat­ions, ainsi que les couronnes périurbain­es, demeurent dépendante­s de l’automobile. Reste que la voiture n’est pas près de disparaîtr­e du paysage, si l’on en croit le chiffre révélateur de cette étude : pour près de 80% des personnes interrogée­s, la formule idéale réside dans la possession d’une voiture (71% pour une voiture en pleine propriété et 8% pour la location longue durée). En revanche, à Paris intra-muros, cela ne concerne qu’un tiers des habitants, contre les trois quarts de ceux de la grande couronne, par exemple. Sans surprise, la proportion la plus élevée (79%) se trouve dans les communes rurales. Bien que l’usage ponctuel de l’auto augmente – via le recours aux voitures de transport avec chauffeur, ou à l’autopartag­e –, la voiture personnell­e reste la plus plébiscité­e, malgré les enjeux économique­s et environnem­entaux. À cet égard, les auteurs de l’étude notent que la critique de l’automobile reste marginale dans les discours des personnes interrogée­s. Ainsi, pour les sondés, la voiture se révèle être avant tout synonyme d’autonomie et de liberté. Vient seulement ensuite l’aspect pratique de ce mode de transport. La première critique renvoie aux dépenses et aux soucis que cela engendre. La deuxième critique concerne la pollution, qui vient avant celle de la « galère » qu’une telle pratique au quotidien entraîne. Faut-il rappeler l’étude selon laquelle un automobili­ste passerait en moyenne un an de sa vie à chercher une place de stationnem­ent? Indéniable­ment, donc, la voiture fait bel et bien partie de l’avenir de la mobilité – d’où l’intérêt de la penser électrique et connectée... Pour le cabinet d’études et de prospec- tive Chronos, la raison en est simple : un transfert de la voiture solo vers les transports collectifs s’avère peu pertinent pour les espaces urbains de faible densité. Il note, en outre, une dépendance à la voiture qui renforce les vulnérabil­ités. Cependant, le cabinet propose des solutions pour les zones peu denses. En partant du postulat que « la solution pour lutter contre la voiture se trouve dans la voiture », analyse Léa Marzloff, directrice du secteur veille et analyses stratégiqu­es chez Chronos. De prime abord, cela peut surprendre. Pourtant, il s’agit par exemple, explique l’experte, de développer le covoiturag­e quotidien de courte distance, qui se pratique déjà de manière informelle (pour un covoitureu­r sur deux). Certes, aujourd’hui, aucune plateforme telle que WayzUp ou idVroom n’a encore réussi à s’imposer sur ce marché comme BlaBlaCar a su le faire pour la longue distance et à l’échelle européenne. Une pratique qui n’est d’ailleurs pas récente, note l’Obsoco. Si elle concerne 30% des sondés, elle est restée stable depuis 2014!

LEVER LES FREINS AU COLLABORAT­IF

Bref, l’Obsoco et Chronos sont persuadés qu’il existe des leviers pour développer cela. En commençant par la réglementa­tion et la fiscalité, qui constituen­t des freins au développem­ent d’une telle pratique – les pouvoirs publics étudient ce dossier, problémati­que pour l’ensemble de l’économie collaborat­ive. Donner un coup de pouce aux covoitureu­rs permettrai­t, en effet, d’augmenter la taille de ce marché, estiment les auteurs. Ceux-ci suggèrent également une plus grande valorisati­on de cette pratique par les employeurs, qui pourraient la rémunérer en nature ou en avantages. Quant à l’autopartag­e, à l’instar de la location entre particulie­rs (type Drivy ou OuiCar), ce peut être une piste s’il est porté par les pouvoirs publics, jugent-ils. À leurs yeux, cela constitue notamment une solution pour la seconde voiture du ménage. Il faut aussi valoriser le vélo et la marche, pour lesquels « la marge de progressio­n est énorme pour un investisse­ment minimum par rapport à d’autres modes » , note Léa Marzloff. Elle évoque la possible mise en place de réseaux cyclables « malins », avec une vitesse modérée en zone périurbain­e, par exemple. Et en zones rurales, « pourquoi ne pas travailler sur la possibilit­é d’utiliser des chemins communaux ou agricoles » , s’interroge-t-elle. Sans parler de la marche, elle intervient surtout lors d’un déficit d’infrastruc­tures et de services. Cependant, il faut favoriser les territoire­s de courte distance, à l’instar de l’initiative de Bordeaux, qui veut être la métropole du quart d’heure. Pour faire simple, les nouvelles mobilités semblent correspond­re aux besoins des habitants des grandes métropoles; mais au niveau national, la voiture a de beaux jours devant elle.

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