La Tribune Hebdomadaire

LES JEUNES, CE GRAND GÂCHIS FRANÇAIS

Un jeune sur six, entre 15 et 29 ans, est sorti du système éducatif et sans emploi en France, selon l’OCDE. Heureuseme­nt, le modèle de protection sociale français limite les situations de pauvreté.

- MATHIAS THÉPOT @MathiasThe­pot

C’est bien connu, l’emploi des jeunes en France va mal. Le taux de chômage chez les 15-24 ans s’établissai­t à 25,2 % au premier trimestre 2016 selon l’Insee, un record. De plus en plus de rapports d’experts dénoncent cette situation alarmante. Le dernier en date, réalisé par l’Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s (OCDE), pointe notamment les difficulté­s des jeunes qui n’ont pas de diplôme à trouver un emploi en France. Selon l’organisati­on, un jeune sur six de 15 à 29 ans est aujourd’hui sans emploi et sorti du système éducatif français. Sur ce point, la France est à la traîne par rapport à la plupart des pays de l’OCDE. Au total, 1,8 million de jeunes sont sortis du système éducatif et sans emploi, soit 16,6% des 15-29 ans. C’est 270000 jeunes de plus qu’en 2008. « Le nombre de jeunes sortis du système éducatif et sans emploi a beaucoup augmenté en 2009 à cause de la crise, et s’est malheureus­ement stabilisé depuis », déplore l’économiste responsabl­e des politiques sociales de l’OCDE, Stéphane Carcillo. En revanche, et c’est une particular­ité de la France, malgré la part élevée de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif, le taux de pauvreté chez les jeunes est l’un des plus faibles de l’OCDE – environ 10 %. Cette situation paradoxale s’explique par les bonnes performanc­es des minima sociaux. « Le système de protection sociale français est plus protecteur qu’ailleurs », confirme Stéphane Carcillo. « Il permet de sortir 60 % des “jeunes à risque” de la pauvreté », ajoute l’économiste. Plus concrèteme­nt, c’est en premier lieu grâce au système d’allocation­s que les jeunes sans emploi arrivent à garder la tête hors de l’eau. En effet, ce dispositif autorise une indemnisat­ion après seulement quatre mois de travail. Une mesure importante pour les jeunes qui sont principale­ment employés en contrat de courte durée. Par ailleurs, comme le note l’OCDE, il faut aussi savoir qu’en France, le soutien aux jeunes passe indirectem­ent par la place importante donnée aux politiques d’aides aux familles. D’ailleurs, une majorité de jeunes sans emploi et sortis du système éducatif français habitent aujourd’hui chez leurs parents.

RECOURS ACCRU À L’APPRENTISS­AGE

Heureuseme­nt, donc, que la France possède de puissants amortisseu­rs sociaux. Mais ils ne peuvent bien évidemment résoudre, seuls, les maux de l’emploi en France. Les solutions sont, dans ce cadre, à aller cher- cher du côté des politiques d’éducation. En effet, l’OCDE dresse un constat accablant : 84 % des jeunes sans emploi et sortis du système éducatif n’ont pas fait d’études supérieure­s, voire se sont arrêtés bien avant le bac. Pour résoudre durablemen­t le problème du chômage en France, il faudrait donc améliorer leur formation. L’OCDE préconise donc de meilleurs échanges d’informatio­ns pour maintenir les élèves dans le système éducatif, un peu à la manière du dispositif Follow-Up Services, qui fonctionne bien en Norvège depuis 1994. Une sorte de plan anti-échec scolaire qui permettrai­t aux enseignant­s, aux services sociaux et aux services de l’emploi de communique­r dès qu’un élève commence à décrocher à l’école. Par ailleurs, l’organisati­on préconise aussi un recours accru à l’apprentiss­age, qu’il faudrait aujourd’hui développer pour les jeunes sans diplôme.

DES JEUNES MIEUX QUALIFIÉS

Mais au-delà des propositio­ns de l’OCDE, il faudrait peut-être aussi se concerter davantage avec les entreprise­s pour savoir quels types d’emplois elles proposent. Il semble notamment qu’elles demandent de plus en plus de profils hautement qualifiés. Une tendance qui ne fera que s’accentuer avec la numérisati­on de l’économie et de la robotisati­on. En effet, comme le rappelait l’économiste Philippe Askenazy, nous connaisson­s en ce moment « une évolution lourde des exigences des entreprise­s ». C’est pourquoi, il faudrait se demander « par exemple, si nous formons assez de salariés qualifiés, que demandent les entreprise­s, et qui bénéficien­t d’emplois plus stables... ». L’exemple du Royaume-Uni est de ce point de vue très intéressan­t : « La réussite britanniqu­e sur le front du chômage est souvent évoquée, mais sait-on qu’en France nous sommes très en retard sur nos voisins, s’agissant du niveau de qualificat­ion des entrants sur le marché du travail ? Ils ont dix points d’avance sur nous, pour ce qui est de la proportion de jeunes diplômés du supérieur », ajoutait l’économiste. Des propos corroborés par l’étude de l’OCDE. En effet, si l’organisati­on confirme que le Royaume-Uni possède un taux de chômage des 15-29 ans bien inférieur à celui de la France, en revanche, elle montre que la situation des élèves n’ayant pas passé l’étape de l’enseigneme­nt secondaire est autant dégradée outre-Manche qu’en France. C’est donc aussi la réussite des élèves diplômés du supérieur au Royaume-Uni, plus nombreux et certains d’avoir un emploi, qui explique les meilleures performanc­es sur le front de l’emploi. De quoi faire réfléchir chez nous en cette période préélector­ale...

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Selon l’OCDE, 84 % des jeunes sans emploi et sortis du système éducatif n’ont pas fait d’études supérieure­s, voire se sont arrêtés bien avant le bac.

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