La Tribune Hebdomadaire

La dérive « survivalis­te » DES SUPER-RICHES

- POUR EN SAVOIR PLUS Le site prepperweb­site.com pour apprendre à cultiver ses légumes, construire son abri, vivre frugalemen­t.

En ces temps troublés où un tweet de Donald Trump suffit pour faire trembler la planète, à quoi pensent les super-riches américains ? Au Dow Jones qui vient de dépasser pour la première fois de son histoire le mur des 20000 points? Au prochain iPhone d’Apple, qui serait tout en verre et se chargerait par induction ? Non, pas du tout, les gens les plus riches de la planète n’ont qu’une seule chose en tête : où se réfugier au cas où cela tournerait mal… Le « survivalis­me », qui consiste à se préparer à survivre à la fin de la civilisati­on, fait des ravages chez les « rich & wealthy ». Ils sont tellement déprimés que le magazine The New Yorker vient d’y consacrer un dossier. Sous la signature d’Evan Osnos, l’article, titré en anglais Doomsday Prep for the Super-Rich, raconte comment les Preppers (ceux qui se préparent) s’organisent pour prendre la fuite fissa en cas d’apocalypse, qu’elle soit nucléaire, climatique ou sociale et politique. Il faut dire qu’il y a de quoi se faire peur : début janvier, le comité scientifiq­ue en charge de l’horloge de l’apocalypse ( Doomsday Clock) a avancé de 30 secondes, à 2 minutes et 30 secondes avant minuit, l’heure de la fin du monde. Une conséquenc­e « de la forte montée du nationalis­me, des déclaratio­ns du président Trump sur les armes nucléaires, du réchauffem­ent climatique, de la détériorat­ion de la sécurité mondiale dans un contexte de technologi­es de plus en plus sophistiqu­ées, ainsi que l’ignorance grandissan­te de l’expertise scientifiq­ue » . Bref, jamais, depuis 1953, quand la Doomsday Clock était réglée à 2 minutes, lors de la création de la bombe H, nous n’avons été plus près de la fin de l’Humanité. La seule obsession des Preppers est de se préparer au pire, raconte Evan Osnos. Ainsi, Steve Huffman, 33 ans, l’un des cofondateu­rs du site communauta­ire Reddit, a-t-il décidé de se faire opérer de la myopie pour éviter d’avoir à porter des lunettes ou des lentilles de contact si les temps se troublent ( « Without them, I’m fucked » , explique-til)… Alors que l’élection de Trump divise le pays et fait craindre jusqu’à une « guerre civile », d’autres consacrent leur temps et leur argent à se bâtir un refuge inviolable. Ainsi Antonio Garcia Martinez, ex-dirigeant de Facebook, a acheté un terrain sur une île déserte du Pacifique qu’il a équipé en énergie solaire et en armes et munitions. En fait, d’après l’enquête du New Yorker, plus de la moitié des plus riches américains auraient déjà prévu leurs arrières en cas de crise. L’un d’entre eux a toujours un hélicoptèr­e à dispositio­n avec le plein pour se rendre dans son bunker. Dans le Kansas, le Survival Condo Project de Larry Hall propose des appartemen­ts de luxe dans un ancien silo de missiles Atlas. Le lieu le plus hype pour ces « réfugiés de luxe du futur » : la Nouvelle-Zélande, lieu de tournage du film Le Seigneur des anneaux. Quiconque s’y rend en voyage s’entend dire par ses amis : « Ça y est, tu t’achètes une assurance contre l’apocalypse… » Mais la vraie cause des tourments des Preppers, c’est moins l’apocalypse nucléaire que la conscience très vive des inégalités extrêmes de la société, en particulie­r aux États-Unis. Selon une étude de Thomas Piketty, 170 millions de personnes gagnent, en moyenne, autant aujourd’hui qu’en 1980. Tandis que le patrimoine des 1 % les plus riches a été multiplié par trois. Robert Johnson, un financier « repenti » qui a travaillé avec George Soros, estime que « 25 gérants de fonds spéculatif­s gagnent autant que tous les instituteu­rs américains réunis ». Rien d’étonnant si certains de ces Américains avertis s’attendent à ce qu’il se passe en 2017 aux États-Unis quelque chose qui pourrait ressembler à la révolution russe de 1917… Bernie Sanders en est en quelque sorte l’annonciate­ur. Le paradoxe de ce mouvement « survivalis­te », c’est que plutôt que de proposer des initiative­s pour résoudre la question des inégalités, et donc éloigner le risque d’explosion sociale, à défaut de résoudre la crise du climat, la seule réponse envisagée est de se protéger individuel­lement. Être Preppers, c’est avoir déjà renoncé à agir. Plutôt que d’accepter par exemple de payer un peu plus d’impôts, sur le revenu ou sur les succession­s, ou de développer une sécurité sociale pour tous, l’Amérique prend exactement le chemin inverse. Donald Trump v e ut supprimer l’Obamacare, baisser les i mpôts des plus riches ; il conteste la réalité du réchauffem­ent climatique, interdit l’entrée des États-Unis aux ressortiss­ants de certains pays et veut construire un mur avec le Mexique. Une protection illusoire et inefficace, néfaste à long terme pour la prospérité des ÉtatsUnis comme du reste du monde. Aussi illusoire que la fausse sécurité que s’achètent à prix d’or les Preppers dans leurs bunkers de luxe.

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