ENERGY OBSERVER
LE « SOLAR IMPULSE » DES OCÉANS
Depuis l’expédition polaire du commandant Charcot en 1908 à bord du Pourquoi-Pas ?, aucun bateau de grande exploration n’a quitté les quais de Saint-Malo. Ce sera chose faite au printemps prochain avec la mise à l’eau de l’Energy Observer. Ce navire expérimental, propulsé pour la première fois aux énergies renouvelables et à l’hydrogène, laissera derrière lui son port d’attache pour larguer les amarres à Paris avant d’entamer un tour de France, puis un tour du monde. Portée par le navigateur Victorien Erussard et le réalisateur télé Jérôme Delafosse, cette « odyssée pour le futur » a également pour objectif d’explorer et de partager un territoire mal connu : celui des nouvelles voies énergétiques pour un avenir durablement plus propre. Occasion aussi de tester, à travers la mixité énergétique, le bâtiment du futur.
UN LABORATOIRE FLOTTANT
Pendant six ans, jusqu’en 2022, le coureur au large et officier de marine marchande, ainsi que son coéquipier, explorateur et homme de télévision, bien connu des abonnés de Canal+ pour son émission Les Nouveaux Explorateurs, espèrent naviguer sans utiliser une goutte de carburant fossile. À mi-chemin entre le défi technologique de Solar Impulse et la portée pédagogique des odyssées sous-marines de Cousteau à bord de la Calypso, l’Energy Observer, dont les voyages donneront lieu à beaucoup de contenu média (voir encadré), vise la totale autonomie énergétique et l’absence d’émission de gaz à effet de serre et de particules fines. « C’est un tour du monde au service de la transition énergétique », s’enthousiasme Victorien Erussard, un proche de Nicolas Hulot, parrain du navire et dont la fondation est partenaire du projet : « Ce cata- maran est un laboratoire flottant. Il couple différentes sources d’énergies renouvelables, comme l’éolien et les panneaux solaires, pour produire son propre hydrogène à partir de l’eau de mer, et le stocker à bord. Cette architecture énergétique innovante, développée en collaboration avec le CEA-Liten de Grenoble, vise une navigation quasi autonome. Notre vision est de puiser l’énergie dans la nature, sans l’abîmer ni la gaspiller. Ce projet fait rimer les valeurs “transition énergétique, développement durable et innovation”. » Baptisé dans quelques semaines sous la tour Eiffel, l’Energy Observer a prévu 12 escales en France cette année, qui devront le mener jusqu’à Monaco. Cette navigation courte de 100 à 200 milles nautiques lui permettra d’éprouver son modèle énergétique avant d’aborder un tour du monde. Entre 2017 et 2022, 101 escales sont prévues dans les capitales maritimes, les ports historiques ou les réserves naturelles. « 2018 sera consacrée à un tour de la Méditerranée et notre temps de navigation sera multiplié par quatre », ajoute Victorien Erussard. « En 2019, nous ferons route vers l’Europe du Nord pour éprouver les températures fraîches, avant une transatlantique vers les États-Unis à l’hiver 2019-2020. Puis une transpacifique en 2021, et un retour par l’Inde et l’Afrique en 2022. Ces six années nous permettront de partir à la rencontre de ceux qui oeuvrent pour la transition énergétique et le développement durable : décideurs, startups, collectivités ou citoyens. » À Hawaii, par exemple, l’Energy Observer en saura plus sur la production d’énergie à partir des vagues. D’abord bateau de compétition et recordman du Trophée Jules Verne, l’Energy Observer, ancien Formule TAG, est un concentré de technologies et de solutions innovantes qui vont devoir fonctionner ensemble. Depuis trois ans, une cinquantaine de personnes – navigateurs, architectes et ingénieurs – s’activent au reconditionnement de ce catamaran de 30 mètres de longueur. Si le CEA-Liten de Grenoble est l’un des principaux partenaires techniques, Victorien Erussard et son équipe sont allés chercher l’expertise d’autres pépites technologiques ou formations bretonnes, telles qu’Armor Meca (allégement du bateau par pièces en titane) à Pleslin, Ocam (câblage aéronautique) à Dinan, Plastimo (accastillage) à Lorient, Icam (éolien) à Vannes et Marinelec (sécurité) à Quimper.
UN PROJET COLLABORATIF À 5 MILLIONS D’EUROS PAR AN
Pourtant, du côté des partenariats, la Bretagne, dont la stratégie économique mise notamment sur l’économie marine et le croisement des filières (Glaz économie), n’a pas montré d’empressement. En dehors de la municipalité de Saint-Malo, ce projet collaboratif de 5 millions d’euros par an (R&D comprise) n’a reçu le soutien d’aucune collectivité ou cluster territoriaux. Il est, en revanche, très suivi par la Ville de Paris ! Energy Observer réunit une quinzaine de partenaires, entreprises et institutions, dont AccorHotels, engagé dans la réduction d’eau et d’énergie, et Thélem Assurances, qui adhère à la responsabilité sociale et environnementale du projet. La Fondation Nicolas-Hulot et l’Unesco participeront, eux, à la sensibilisation du grand public. Mais le projet cherche encore huit partenaires pour boucler son financement, dont deux du niveau d’investissement d’AccorHotels et Thélem Assurances. Victorien Erussard ne désespère pas. Si le marin quitte la compétition avec l’espoir que, un jour, « les énergies alternatives seront utilisées », il argue que le projet est arrivé à maturité : « Au début, les entreprises prenaient un peu cette aventure comme une utopie. Là, elles nous font confiance. »
Au printemps prochain, le premier navire à hydrogène et à énergie mixte larguera les amarres pour un périple mondial de six ans : une odyssée en quasi totale autonomie énergétique, sans émission de CO2 ni de particules fines. Conçu à Saint-Malo, l’Energy Observer s’engage dans la transition énergétique en misant sur l’innovation et les technologies du futur.