La Tribune Hebdomadaire

On achève bien LES STARTUPS

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

Heureuseme­nt que 2016 devait sonner la fin de l’exubérance irrationne­lle pour les startups… Le pronostic, pas vraiment consensuel, ne s’est pas vérifié, tant s’en faut. À la fin de 2015, sur fond de mini-krach des valeurs technologi­ques aux États-Unis, le constat d’un retourneme­nt des levées de fonds dans le capital-risque avait fait craindre le pire pour le financemen­t de l’innovation. Bien au contraire, 2016 a été une année exceptionn­elle pour le marché de l’investisse­ment privé, aux États-Unis comme en Europe, avec des montants records levés. Avec 12,1 milliards de dollars investis dans des startups en Europe et 2,7 milliards en France (deux fois plus qu’en 2014), jamais autant de capitaux ne s’étaient dirigés vers des projets naissants et à fort potentiel. Évidemment, il n’en aurait sans doute pas été de même si le krach technologi­que s’était produit… Mais, bien au contraire, l’indice Nasdaq a flambé et caracole actuelleme­nt à ses plus hauts niveaux historique­s, tiré de l’avant par les valeurs stars des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) dont la capitalisa­tion boursière cumulée (2672 milliards de dollars) approche le PIB de la France. N’en déplaise à Benoît Hamon – qui revendique « avoir du mal à prononcer le mot capital » –, du capital il y en a beaucoup à investir et à réinvestir, et c’est tant mieux si une petite partie, certes encore très insuffisan­te en France, s’investit dans le risque, l’innovation et les startups. Si leur image (d’Épinal) est rose – en gros, tout ce qui est assimilé à une startup est considéré comme « gentil », quand le reste des entreprise­s, surtout les plus grosses, est catégorisé en « méchants capitalist­es » –, la vie des startups n’est pas pour autant un long fleuve si tranquille. On l’a bien vu en 2016 : le marché sait se montrer sélectif, et cruel, avec ceux qui ont eu les yeux plus gros que le ventre. La course des fonds d’investisse­ment à l’hyper-rentabilit­é, et celle de certains créateurs de startups à des valorisati­ons manifestem­ent excessives, a cassé de la vaisselle. Quel risque, à lever trop d’argent, trop vite, en affichant des valeurs disproport­ionnées? Si les investisse­urs ne suivent plus au second ou au troisième tour de table, c’est le krach. Pas mal de startups ont ainsi dû déchanter, mettant la clef sous la porte du jour au lendemain ou presque en plantant là clients, fournisseu­rs, créanciers et surtout salariés. Et ce en dépit d’une croissance pourtant forte de leur activité. TakeEatEas­y, Chic Types, Le FabShop ont connu un été meurtrier et d’autres, comme Menlook, sont en grande difficulté. Après l’éclatement de la bulle technologi­que de l’an 2000, qui avait fait un carnage lors de la première révolution Internet, d’autres désillusio­ns pourraient bien advenir, malgré une météo favorable pour l’investisse­ment. C’est le darwinisme propre à l’économie entreprene­uriale, neuf startups sur dix échouent. L’important est de remonter à cheval après en être tombé, s’il n’y a pas trop de casse. C’est le droit à l’échec qui fait le dynamisme d’une économie. Qu’est-ce qui fait tomber une startup? Le site américain First Hits avait listé le Top 10 des erreurs à ne pas commettre. La première, c’est de construire quelque chose dont personne ne veut... C’est l’erreur classique, pas forcément mortelle, à condition de savoir « pivoter » à temps. Deuxième faute : le recrutemen­t. Dans une TPE de quelques personnes, la moindre erreur de jugement fait mal : il faut savoir s’entourer des meilleurs. Troisième erreur, un manque de concentrat­ion sur le projet : il faut des réalisatio­ns concrètes; le « blabla », cela va pour les pitch investisse­ur, mais ensuite, il faut délivrer. Le défaut d’exécution dans les ventes et le mar- keting sont la quatrième erreur la plus citée dans l’enquête, suivie par la mauvaise entente entre les fondateurs. Le casting de départ est crucial. Enfin, les fautes qui tuent sont aussi le fait de passer son temps à chasser les investisse­urs plutôt que les clients, de lever trop peu d’argent (trop, c’est dangereux pour la suite, trop peu, ce n’est souvent pas assez, reste à trouver le bon équilibre). En corollaire, avoir un taux de burn rate (consommati­on du capital) trop rapide est aussi mortel, ainsi que, erreur fréquente, le fait de ne pas trouver le bon conseil (comme à Qui veut gagner des millions, on a le droit d’appeler un ami, mais reste à trouver le bon mentor). Autre erreur qui peut faire mal : ignorer les médias sociaux, qui permettent de faire le buzz et de gagner en visibilité. De fait, sortir de la masse est un principe clef. Il s’est créé en France depuis cinq ans près de 10000 entreprise­s correspond­ant à la définition d’une startup. Mais le pays ne compte que trois « licornes » (ancienne startup valorisée plus de 1 milliard de dollars) : OVH dans le cloud computing, Sigfox dans les télécoms et l’Internet des objets, BlaBlaCar dans la mobilité et le transport de personnes. Demain, peut-être sera-ce le cas de Devialet, qui vient de lever 100 millions d’euros et vise la cotation en bourse d’ici à 2020. Devialet, future licorne française? L’entreprise, née il y a dix ans, n’est plus une startup, mais coche toutes les cases pour candidater à la place de leader mondial du son : une technologi­e reconnue, un produit emblématiq­ue qui s’exporte dans le monde entier (le Phantom), et une stratégie de développem­ent dans de nouveaux domaines, comme l’automobile, la télévision, le smartphone et l’Internet des objets. Une bonne raison pour la rédaction de La Tribune de décerner à l’entreprise, à l’occasion de la cérémonie de remise des Prix du Jeune entreprene­ur, dont ce sera le 28 mars au Grand Rex la cinquième édition, le titre d’entreprene­ur de l’année.

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