La Tribune Hebdomadaire

PLUS D’UN DÉCOLLAGE PAR SECONDE !

- PHILIPPE MABILLE Directeur de la rédaction

Àla veille de l’ouverture du 52e Paris Air Show, le grand salon internatio­nal de l’aéronautiq­ue et de l’espace qui se tient au Bourget du 19 au 25 juin, quelques chiffres permettent de situer les défis de cette industrie qui passionne « Passagers et aviateurs », thème choisi pour la IVe édition du Paris Air Forum, organisé par La Tribune et Forum Média, le 16 juin. Dans le monde, en ce mois de juin 2017, 71 avions décollent chaque minute. Soit plus d’un décollage par seconde ! À l’heure où l’on parle de fermeture des frontières, cet indicateur est plutôt rassurant sur le maintien d’un monde ouvert à la circulatio­n des hommes, des marchandis­es et des idées. Et ce n’est pas fini : le trafic aérien mondial passera cette année la barre des 4 milliards de passagers et selon IATA (Internatio­nal Air Transport Associatio­n), le chiffre pourrait doubler ou presque en quinze ans. L’équation est donc évidente : la taille de la flotte mondiale d’avions devra elle aussi quasiment doubler sur vingt ans. D’après les projection­s d’Airbus, il y aura 45 000 avions (de plus de 100 places) en 2045, contre 23000 aujourd’hui (pour une flotte totale de 29000 avions en 2017). Compte tenu de ceux qui seront d’ici là mis à la casse, cela veut dire que dans les vingt prochaines années, il faudra produire quelques 35000 nouveaux avions Deux grands constructe­urs, l’européen Airbus et l’américain Boeing, vont se partager l’essentiel de cet énorme marché, évalué à 5300 milliards de dollars. Mais de nouveaux concurrent­s, le chinois notamment qui vient de faire voler son C919, vont forcément chercher à prendre leur part du gâteau. La date à laquelle nous ferons un vol en Europe sur un avion chinois n’est pas encore connue, mais cela arrivera, forcément. Rien qu’en se limitant à des projection­s à dix ans, on peut être assuré que le secteur aéronautiq­ue, déjà florissant, va connaître une décennie glorieuse, sauf accident géopolitiq­ue majeur. Certes, il y a quelques nuages dans le ciel bleu : la politique de Donald Trump à l’égard de certains pays musulmans, comme la possible interdicti­on des ordinateur­s à bord, inquiètent le monde de l’aérien. Mais on l’a bien vu : même le 11 septembre 2001 n’a pas enrayé l’explosion du trafic. Reste que pour réussir ce défi, le secteur va devoir trouver une solution urgente à la question des cadences de production. Au rythme actuel, et compte tenu des carnets de commande surbookés, il faut attendre de sept à huit ans entre la commande et la réception d’un avion! Grâce aux progrès de productivi­té permis par le numérique, on peut espérer réduire d’ici à quelques années ce délai de 25% à 30% , ce qui serait déjà considérab­le. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’industrie aéronautiq­ue investit à fond dans le numérique. En amont comme en aval. Fasciné par l’efficacité de la Silicon Valley et par le succès d’un Elon Musk, passé de Paypal à SpaceX et Tesla, le patron d’Aibus, Tom Enders, a bousculé le champion européen en installant un centre d’innovation technologi­que en Californie, confié à un ancien chercheur de Google, Paul Eremenko, auquel il a aussi offert la direction de toute la R&D du groupe. Même si elle est encore en retard sur les Gafa, l’industrie aéronautiq­ue est celle qui a le mieux pris la mesure de la révolution technologi­que. Elle est désormais à la recherche d’innovation­s de rupture, grâce à l’exploitati­on des données massives ( big data), à la robotique industriel­le et à l’intelligen­ce artificiel­le. Dans un demain pas forcément si lointain, les avions seront-ils imprimés en 3D ? Airbus rêve même de construire des voitures volantes autonomes pour décongesti­onner nos villes. Science-fiction? En partie, mais à l’aulne de la rapidité de la révolution digitale, la « troisième révolution aéronautiq­ue » pourrait réserver bien des surprises, pour prouver que le vieux rêve d’Icare n’a pas dit son dernier mot. L’alliance de l’aéronautiq­ue, industrie centenaire, et de la Silicon Valley, qui rêve désormais de conquérir Mars, pourrait produire un alliage étonnant. C’est le credo de Paul Eremenko : « Ne prédisez pas l’avenir ; construise­z-le. »

La 3e révolution aéronautiq­ue pourrait réserver bien des surprises

 ??  ?? Aircradt lined up ready for the take-off at Kurla airport runway, Mumbai (India). Alignement d’avions prêts au décollage à l’aéroport Kurla de Bombay (Inde).
Aircradt lined up ready for the take-off at Kurla airport runway, Mumbai (India). Alignement d’avions prêts au décollage à l’aéroport Kurla de Bombay (Inde).
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France