La Tribune Hebdomadaire

GUILLAUME PÉPY, SNCF :

« NOTRE PLUS GROS CONCURRENT, C’EST GOOGLE ! »

- MOUNIA VAN DE CASTEELE @MoonVdc

Àforce, le monopole serait devenu un poids pour l’entreprise, à en croire Guillaume Pépy, président du groupe et PDG de SNCF Mobilités. « On se compare par rapport à un absolu et non pas par rapport à des concurrent­s. Or il faut prendre des risques en matière d’activité » , estime-t-il. Tout en défendant le train, le patron de la SNCF souhaite « explorer de nouveaux business avec des règles différente­s ». Et développer une stratégie offensive. « Nous jouons l’attaque. La mobilité collective est un marché en croissance, nous avons cette chance. Nous voulons développer notre compétitiv­ité et notre attractivi­té face à notre ennemi commun : la voiture individuel­le. Nous voulons développer le mode ferroviair­e et travailler nos axes de différenci­ation par rapport aux autres acteurs. »

ÉVITER LE SYNDROME FRANCE TÉLÉCOM

D’où l’importance de former ses salariés au digital et aux nouveaux défis que l’entreprise compte relever. Car le groupe « fera la SNCF de demain avec les salariés d’aujourd’hui. Donc on a un énorme sujet de gestion prévisionn­elle des métiers, un énorme sujet de formation, un énorme sujet de transforma­tion du management » , assure encore Guillaume Pépy. Et l’idée est d’accompagne­r en douceur la potentiell­e transforma­tion des activités des salariés, pour éviter toute transforma­tion à la France Télécom. D’où l’accent mis au niveau de la culture d’entreprise et du management, qu’ils souhaitent « responsabi­lisant ». La SNCF mise sur des open spaces, des bureaux non attribués ainsi que des équipes resserrées de 7 ou 8 personnes, bien entendu équipées des outils digitaux adéquats. « L’ouverture à la concurrenc­e est une chance pour le ferroviair­e et pour la mobilité » , insistent les dirigeants de la SNCF. Méthode Coué? En tout cas le message est passé. Selon Guillaume Pepy, tout l’enjeu consiste à « entrer dans un cercle vertueux », grâce à une baisse des prix. « Nous assumons notre politique low cost », ajoutet-il. D’où l’accent mis sur Ouigo, dont le nombre de rames doit tripler d’ici à 2020. À cette échéance, le TGV low cost – qui sera aussi proposé au départ des gares parisienne­s – devrait transporte­r 25% des voyageurs TGV de la SNCF, contre 5 % aujourd’hui. Objectif : battre en brèche l’idée, partagée par bon nombre de Français, selon laquelle le train est un mode de transport « cher » . C’est en tout cas ce qu’expliquait récemment à la presse Jean Ghedira, le directeur général de SNCF Intercités, qui modifie son offre afin de prendre un maximum de parts de marché au leader du covoiturag­e, BlaBlaCar. Train, covoiturag­e, autocar, la SNCF est sur tous les fronts, et de ce fait se concurrenc­e elle-même. D’ailleurs cette stratégie échappe un peu aux salariés les plus anciens. Ils s’y perdent et souhaitera­ient que les contours de leur activité soient mieux dessinés, note Guillaume Pépy. Et encore. C’est sans compter la logistique, activité pour laquelle la SNCF revendique la place de numéro un français depuis l’acquisitio­n à 100 % de Géodis. D'ici à 2020, la filiale de logistique devra, grâce à une acquisitio­n, doubler de taille et se renforcer sur les États-Unis, la Chine et l'Allemagne. « La stratégie logistique est dans les toutes premières priorités de la SNCF. C'est nouveau », indique Guillaume Pepy. Cette activité a rapporté l'an dernier 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires, « on a l'ambition de faire beaucoup plus. La SNCF est aujourd’hui un groupe de solutions de mobilité et de logistique », analyse Guillaume Pépy.

LA BATAILLE DU « PORTE-À-PORTE »

Contrairem­ent à l’allemand Deutsche Bahn, la SNCF ne fait pas la course au chiffre d’affaires. Au lieu de tout miser sur son coeur de métier originel, le train, elle a choisi de diversifie­r son offre, notamment pour pouvoir répondre à tous les besoins de mobilité des usagers, qui veulent une offre sur mesure et personnali­sée. Toujours dans une optique de porte-à-porte, grâce au digital, SNCF veut être « un facilitate­ur de la combinaiso­n de tous les modes de transport », du VTC (voiture de transport avec chauffeur) pour se rendre à la gare, à la location d'un véhicule à l'arrivée. Objectif : devenir une référence en termes de technique, de service et de digital. D’autant plus que 61% des Français et 79 % des clients SNCF seraient équipés d'outils digitaux, selon Florence Parly, directrice générale de SNCF Voyageurs. D’ores et déjà, l'applicatio­n mobile voyages-sncf.com (VSC) propose un contenu personnali­sé en fonction de l'usager, grâce au big data. Mais le site compte encore « étoffer [son] socle technique ». Aussi l'entreprise a-t-elle constitué une équipe de huit personnes, consacrées à temps plein à l'intelligen­ce artificiel­le, expliquait récemment son patron, Franck Gervais. Après avoir intégré 150 recrues en 2016, VSC, qui emploie désormais 1200 personnes, table sur 150 embauches supplément­aires cette année.

À cet égard, Guillaume Pépy rappelle que la plateforme Voyages-SNCF a été créée en 2008, l’année de l’arrivée de Google en France. Et de lancer : « Aujourd’hui notre plus gros concurrent, c’est Google ! Si nous voulons être l’assistant personnel des mobilités de chacun, nous devons avoir les bus, les autres trains, voire BlaBlaCar, car ce que les gens souhaitent, c’est avoir un site avec la plus large palette de choix possibles. Notre véritable métier, c’est celui de place de marché. » Aussi la SNCF veut-elle remettre le smartphone au coeur de la mobilité de ses clients. Ce qui passe notamment par la refonte de l’applicatio­n mobile. Conçue à l'origine comme un « calculateu­r d'itinéraire multimodal », l'applicatio­n va ainsi devenir à partir de septembre « l'outil unique pour tous les voyages », selon les mots du directeur des systèmes d'informatio­n du groupe, Benoît Tiers. Exit donc les applicatio­ns spécifique­s aux TGV, Transilien et Intercités. « On est en train de simplifier », explique-t-il. De plus, le client, qui n’aura plus qu’un seul compte en ligne, pourra stocker ses billets dans son smartphone, même éteint ou déchargé. Les dirigeants de la SNCF espèrent ainsi doubler d’ici à trois ans le nombre d'utilisateu­rs pour leur applicatio­n, évoquant 6 millions de télécharge­ments à ce jour, 20 millions de connexions par mois et 2 millions de visiteurs uniques quotidiens.

Train, covoiturag­e, autocar, la SNCF est sur tous les fronts

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Tout en défendant le train, Guillaume Pépy, président du groupe et PDG de SNCF Mobilités, souhaite « explorer de nouveaux business avec des règles différente­s ».
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« Nous assumons notre politique low cost », affirme Guillaume Pépy, président du groupe et PDG de SNCF Mobilités.
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