La Tribune Hebdomadaire

LA PÉPITE VERTE DANS LA GALAXIE TOTAL

Frédéric Rodriguez a construit autour de l’accompagne­ment des firmes dans leur transition écologique et sociétale une entreprise au chiffre d’affaires de 350 millions d’euros. Interpellé sur son rachat par le pétrolier français, il l’envisage d’abord comm

- DOMINIQUE PIALOT @PIALOT1

La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le petit monde du développem­ent durable. Le 19 septembre dernier, on apprenait que GreenFlex, success story française du secteur, entrait dans le giron de… Total. « Nous sommes conscients de l’enjeu d’image associé à Total, reconnaît Frédéric Rodriguez, le fondateur de GreenFlex. On ne répare pas un siècle d’impact environnem­ental. Mais nous nous rencontron­s à une étape où ils veulent accélérer dans la transition énergétiqu­e et tous nos clients ont salué le projet industriel. » Depuis sa création en 2009, GreenFlex avait lui-même racheté pas moins de douze petites entreprise­s « reconnues pour leur expertise pointue » sur différents volets du développem­ent durable, dont Ethicity, BeCitizen, BeNext, Be-Linked, Okavango… Développée autour d’une conviction forte consistant avant l’heure à concilier écologie et économie – autrement dit, à aider les entreprise­s à gagner de l’argent en se montrant vertueuses sur le plan sociétal et environnem­ental – la startup offre ses services en matière de stratégie durable et gestion des relations avec les parties prenantes, ainsi que sur des sujets plus pointus tels que la consommati­on responsabl­e, la performanc­e énergétiqu­e ou, plus original pour le secteur, le financemen­t de la transition et la gestion d’actifs. Après neuf ans d’une croissance annuelle moyenne de 40 %, elle emploie aujourd’hui 230 personnes, réparties dans 14 bureaux en Europe, pour un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros en 2017. Comment cette pépite verte a-t-elle atterri dans l’escarcelle du pétrolier? La sortie prévue du fonds Nextstage, coïncidant avec des ambitions plus internatio­nales, a conduit Frédéric Rodriguez à procéder à une augmentati­on de capital de 10 à 15 millions d’euros. Cela devait lui permettre de mieux accompagne­r les grandes entreprise­s – 80 % de ses quelque 600 clients –, ce qui signifie des volumes d’affaires importants et implique des fonds propres solides.

DES ACQUISITIO­NS AVANT LA FIN DE L’ANNÉE EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER

« À l’origine, nous sommes allés voir des fonds et il n’y avait pas un seul industriel dans nos listes, assure Frédéric Rodriguez. Notre cahier des charges impliquait des horizons de temps longs. Les family offices ou les fonds Evergreen nous permettaie­nt de passer de quatre à six ans. » Une échéance trop courte eu égard à la charge que représente le processus de levée de fonds pour l’équipe dirigeante, « et qui a aussi un impact sur la vision de l’entreprise ». Finalement, « les industriel­s se sont avérés avoir une vision plus claire de ce que fait GreenFlex. » Peu d’industriel­s néanmoins renvoient une image aussi diamétrale­ment opposée à celle que l’on se fait du développem­ent durable que Total. D’ailleurs, certains directeurs de développem­ent durable – qui figurent parmi les clients de GreenFlex – attendent de voir comment elle parviendra à maintenir son autonomie et son indépendan­ce. La structure sera intégrée à l’activité « innovation et efficacité énergétiqu­e » de la branche Gas, renewables & power du pétrolier, créée en avril 2016 dans le cadre de sa stratégie visant 20 % de son chiffre d’affaires dans des activités bas carbone à l’horizon 2035. « Avec Total, nous sommes assurés de conserver notre autonomie, de rester un intégrateu­r multiexper­t autour de l’énergie et d’être associés au projet, assure Frédéric Rodriguez. Nous serons le navire amiral de la performanc­e sociétale, environnem­entale et énergétiqu­e du groupe. » Devenir une caution verte pour le pétrolier qui vient par ailleurs d’entrer au capital du spécialist­e des énergies renouvelab­les Eren ( La Tribune n° 222) et de lancer une offre d’électricit­é d’origine renouvelab­le pour les particulie­rs, ouvre de nouvelles perspectiv­es. « Cette opération nous permettra de nous renforcer en France et de devenir un acteur européen », se réjouit le jeune patron. Une expansion favorisée par la présence de Total notamment en Allemagne, au Royaume-Uni, au Benelux, et bien sûr en Afrique, en Asie, en Inde et en Amérique du Sud. D’ailleurs, GreenFlex prévoit quelques acquisitio­ns d’ici à la fin de l’année, à la fois en France et à l’étranger, dans l’objectif de figurer partout parmi les trois premiers. Mais à court terme, la priorité consiste à faire face à la demande, ce qui se traduit par des perspectiv­es d’embauche tous azimuts: développeu­rs, data analysts, mais aussi ingénieurs agro, chimistes, énergétici­ens, experts en RSE, etc. « Cette opération est rassurante, insiste Frédéric Rodriguez ; elle ouvre une ère de massificat­ion et de densificat­ion qui va permettre de toucher le plus grand nombre d’entreprise­s et de maximiser notre impact. » Aussi, l’entreprise, qui avait déjà pour objectif de doubler son chiffre d’affaires d’ici à 2021 dans le scénario d’une augmentati­on de capital de 10 millions d’euros, espère « faire encore mieux avec Total ».

Les industriel­s se sont avérés avoir une vision plus claire de ce que fait GreenFlex

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