LES CONSTRUCTEURS ESPÈRENT TROUVER LEUR SALUT DANS L’ÉLECTRIQUE
Depuis le scandale des moteurs truqués de Volkswagen qui a éclaté il y a deux ans, les constructeurs automobiles ont pris un virage dans leur stratégie de motorisation. Ainsi, après avoir longtemps moqué la voiture électrique, ils devraient cette année lui faire une véritable haie d’honneur. Tous les groupes automobiles ont désormais un programme autour de la voiture électrique. Mais, pas fous, ils parlent de voitures « électrifiées », comprendre non seulement des voitures 100 % électriques mais également des voitures hybrides. Le Mondial de Paris a été l’occasion d’opérer un premier changement avec des concept-cars, et celui de Francfort devrait amplifier le mouvement. BMW vient ainsi d’annoncer un plan de 25 modèles électrifiés d’ici 2025, dont 12 100 % électriques. La marque premium allemande veut reprendre la main sur une technologie où elle avait été pionnière en 2013 avec l’i3. Elle doit aujourd’hui faire face à Tesla, mais également à Mercedes et à Audi qui ont annoncé des produits puissants sur le même horizon. Un an après avoir divulgué le concept EQ qui avait donné le ton de sa stratégie dans l’électrique, Mercedes a donc décidé d’accélérer en annonçant que chaque modèle de sa gamme sera disponible dans une version électrifiée d’ici 2022. Ces marques ont admis l’idée qu’il était possible de proposer des voitures conformes à leur vocation premium avec une technologie 100 % électrique : autonomie de 500 km et performances sur route, comme la Tesla Model S capable de faire un 0 à 100 km/h en moins de 3,5 secondes.
LE « PLUG-IN », LE 48 VOLTS OU L’HYDROGÈNE ?
L’hybride plug-in, c’est-à-dire rechargeable – contrairement à l’hybride normal qui ne se recharge qu’en roulant et ne dispose que d’une autonomie de moins de 10 km en 100 % électrique –, va également s’imposer, y compris chez les marques généralistes. C’est la meilleure façon pour elles de proposer une gamme acceptable d’un point de vue environnemental. Mais cette technologie reste encore chère. Heureusement, les équipementiers automobiles sont en train de lancer le 48 volts, une technologie qui permet d’apporter une assistance électrique au moteur dans les moments les plus énergivores (démarrage, accélération, côte…) afin de limiter la consommation de carburant. Cette technologie a l’avantage d’être beaucoup moins lourde et moins chère que la technologie hybride tout en faisant économiser environ 1 à 1,5 litre sur 100 km, soit une économie considérable. L’hydrogène pourrait enfin s’imposer dans le débat alors que cette technologie était encore considérée comme une niche exclusive avec à peine deux modèles disponibles dans le monde : la Toyota Mirai et la Hyundai ix35 Fuel Cell.
L’INFLUENCE DÉCISIVE DE LA CHINE
L’industrie automobile est au pied du mur et le contexte sera très particulier cette année. L’opinion publique est clairement échaudée par la vague d’ouragans qui a semé début septembre la désolation dans les Caraïbes et le Sud des États-Unis, et dont les météorologues imputent l’exceptionnelle violence au réchauffement climatique. En outre, la Chine, premier marché automobile mondial, vient d’« en rajouter une couche » en annonçant son intention d’en finir avec les motorisations essence. Aucun horizon temporel n’a été donné, et les constructeurs prient pour que celui-ci se rapproche de ceux envisagés par Londres et Paris qui ont été les deux premiers à dégainer cette mesure, mais qui ont arrêté une échéance suffisamment lointaine, 2040. Cette annonce de la Chine est un véritable tremblement de terre pour l’automobile européenne. Le pays aux 24 millions de voitures vendues en 2016 (et 42 millions en 2024 selon AlixPartners) est d’ores et déjà le premier producteur et vendeur de voitures électriques du monde, et le pays ne veut pas s’arrêter là. Cette seule annonce a propulsé l’action BYD, le premier constructeur chinois de voitures électriques, à la Bourse de Shanghai (+ 4,55 %). En réalité, la Chine était déjà le pays le plus ambitieux en matière de voiture électrique. Elle avait déjà opposé de nombreuses restrictions encourageant les constructeurs à emprunter cette voie. La plus forte étant l’objectif d’atteindre 8 % du mix énergétique des ventes en électrique et ce, dès l’année prochaine.
L’INDUSTRIE AUTOMOBILE EUROPÉENNE AFFAIBLIE
Pour l’industrie automobile européenne, l’enjeu est potentiellement catastrophique, car la Chine fabrique l’essentiel des pièces de la traction électrique. Le groupe motopropulseur représente 35 % de la valeur ajoutée d’une voiture : si celle-ci devient 100 % électrique, c’est autant de valeur qui disparaîtra de l’industrie automobile européenne… « Les équipementiers seront les premiers touchés », explique Laurent Petizon, analyste chez Alixpartners. L’impact social sera également considérable. Rien qu’en Allemagne, la technologie diesel représente près de 800 000 emplois directs et indirects. En France, des usines entières ne sont consacrées qu’à la production moteur comme Tremery pour PSA en Moselle, ou encore l’usine Bosch de Rodez, premier employeur privé de l’Aveyron… Ce qui se joue n’est rien de moins que l’avenir de l’industrie automobile européenne.