La Tribune Hebdomadaire

INTERDIRE LES VOITURES À ESSENCE, ET APRÈS ?

La maire de Paris a annoncé que les moteurs à essence seront interdits dans Paris à l’horizon 2030, soit six ans après l’éviction des diesels. Un choix qui soulève de nombreuses questions, notamment sociales et d’équilibre entre la métropole et ses banlie

- NABIL BOURASSI @NabilBoura­ssi

Énième annonce à faire hurler automobili­stes et constructe­urs de voitures, dont Anne Hidalgo a fait une marque de fabrique. La maire de Paris a annoncé qu’à l’horizon 2030, la capitale n’acceptera plus de voitures essence. Autrement dit, après l’interdicti­on prévue en 2024 des voitures diesel, Paris ne laissera plus aucun véhicule à motorisati­on thermique rouler dans ses rues. Selon la Ville de Paris, cette annonce fait écho au projet de Nicolas Hulot d’interdire toutes les motorisati­ons thermiques en 2040. « Cet objectif du gouverneme­nt concerne l’ensemble du territoire français, zones rurales incluses. Si l’on veut qu’il soit atteint, cela implique que la sortie du diesel et de l’essence intervienn­e plusieurs années avant en zone urbaine, et en particulie­r dans les grandes villes », a écrit la municipali­té dans un communiqué de presse. En revanche, la ville réfute le terme d’« interdicti­on » et préfère évoquer une « trajectoir­e qui semble à la fois crédible et soutenable ». Pour y parvenir, « Paris compte sur le développem­ent des alternativ­es et sur le renforceme­nt des aides financière­s incitant les particulie­rs et les profession­nels à acheter des véhicules propres », précise le communiqué. La Ville de Paris rappelle ainsi que les constructe­urs automobile­s sont désormais nombreux, sinon suffisants, à proposer des solutions de voitures électrique­s ou, du moins, des plans produits à cet effet. Elle compte également sur des alternativ­es comme les solutions de nouvelles mobilités: le vélo, l’autopartag­e, les voitures en libre-service… Comme dans un ballet bien réglé, la décision de la Ville de Paris a relancé les mêmes critiques qui visent la politique de transport parisienne depuis plusieurs années. Les municipali­tés de petite couronne dénoncent une politique parisiano-parisienne dont ils devront, eux, assumer les conséquenc­es. Les automobili­stes déplorent, de leur côté, une politique qui pénalise les classes les plus populaires dont l’accès à des voitures propres est encore difficile. Les constructe­urs automobile­s, enfin, répètent encore que, pour l’heure, le bilan carbone de la voiture électrique, dans son ensemble, est loin d’être optimal. Selon certains spécialist­es, le bilan CO2 d’une voiture électrique (en prenant en compte la fabricatio­n des batteries avec l’exploitati­on des terres rares) est à peine inférieur à celui d’une voiture thermique. De plus, la généralisa­tion du tout électrique impliquera d’investir massivemen­t dans les infrastruc­tures de recharge, mais aussi dans le réseau électrique. Sans parler du coût des subvention­s à l’achat des voitures. La Ville de Paris doit préciser ce qu’elle entend par voiture essence puisque désormais les voitures hybrides rechargeab­les permettent une autonomie 100 % électrique sur 50 km, et probableme­nt 100 km à horizon 2030. Cette solution est parfaite en milieu urbain, il n’empêche que ces voitures possèdent toujours un moteur thermique, plus pratique pour les longues distances. Seront-elles interdites? Et quel contrôle pour vérifier qu’elles roulent bien en électrique dans Paris intra-muros?

LA PISTE DU COVOITURAG­E

Pour beaucoup, la Ville de Paris a fait de la voiture, quelle que soit sa forme, l’ennemi n° 1. Elle prend trop de place dans le tissu urbain et induit des nuisances aussi sonores que sanitaires. D’ailleurs, la question des embouteill­ages ne sera pas mieux résolue si le parc est converti en voitures électrique­s. Or, les besoins en mobilité des Francilien­s devront trouver des solutions soutenable­s et compétitiv­es.

La capillarit­é des transports publics ne suffira pas à desservir toutes les zones urbaines, notamment en banlieue, alors même que leurs besoins en mobilité sont immenses. La voiture partagée, notamment sur des trajets courte distance, pourrait ainsi permettre de pallier la problémati­que dite « des derniers kilomètres ». Selon les propres mots de Christophe Najdovsky, adjoint à la maire de Paris chargé des transports, si le taux d’occupation d’un véhicule passe d’une moyenne de 1,2 personne comme actuelleme­nt à 1,7 personne, « on aura résolu l’ensemble des problèmes de trafic ». Le covoiturag­e courte distance pourrait même permettre d’atteindre un ratio de 2,5 personnes, selon les startups spécialisé­es. Celles-ci rappellent que cette solution a l’avantage de ne rien coûter à l’État, alors que, chaque année, 10 milliards sont dépensés par l’ensemble des collectivi­tés locales francilien­nes dans les transports en commun, des dépenses qui pourraient exploser s’il fallait équiper davantage la région en transports en commun. La Ville de Paris a bien sûr développé quelques solutions de mobilité, au premier rang desquelles Autolib. Ce service permet de circuler à Paris en voiture électrique, et les stations sont désormais disséminée­s en petite et, parfois même, en grande couronne. La hausse de l’autonomie des voitures électrique­s pourrait, à terme, permettre d’augmenter encore le rayon d’action de ce système. Le changement de concession pour le vélo partagé au profit de la startup Smoove va offrir aux Parisiens des vélos à assistance électrique, ce qui permettra d’augmenter les distances parcourues, ou du moins d’élargir son public. En réalité, il sera difficile d’apporter des réponses uniques aux problèmes de mobilité. La multimodal­ité sera le vrai mantra d’un écosystème de mobilités vertueux et mature et qui s’inscrira nécessaire­ment dans une concertati­on multilatér­ale. Pour l’heure, la Ville de Paris est accusée de multiplier les annonces spectacula­ires et coercitive­s. Cette communicat­ion devra évoluer si on veut éviter de tomber dans le piège du débat politicien clivant...

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La solution : la voiture à pédales ? À l’occasion de la Journée sans voiture, le 1er octobre, le collectif Paris sans voiture avait appelé les Parisiens à participer à une parade sans moteur.

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