La Tribune Hebdomadaire

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, SORORITÉ

- PAR VALÉRIE ABRIAL DIRECTRICE DU PUBLISHING ET DE WOMEN FOR FUTURE @Vabrial

Alors ce serait donc cela, le xxie siècle… Un temps durant lequel les femmes (re)prendraien­t leur droit et deviendrai­ent (enfin !) l’égal de l’homme. Plus qu’une espérance, c’est un souhait aux multiples vertus. Pour la société d’abord, car éradiquer toute forme d’inégalité et d’injustice dans l’espoir d’un avenir meilleur et responsabl­e est en effet plus que souhaitabl­e. Pour l’économie aussi. À en croire la Fondation Concorde, l’égalité des salaires à elle seule générerait 62 milliards d’euros pour l’économie française. Mieux encore, d’après l’étude « Women Matter » réalisée par McKinsey en 2015, la diversité pourrait générer au niveau mondial 12000 milliards de dollars d’ici 2025. Des chiffres qui font rêver, mais surtout réfléchir. Car force est de constater que le combat égalitaire est loin d’être gagné malgré toutes ces prospectiv­es optimistes. Il suffit chaque année de se reporter au « Global Gender Gap Report » publié par le Forum de Davos pour faire face à une dure réalité : l’écart égalitaire se creuse à l’échelle planétaire. Au lieu de se résorber, les inégalités entre les sexes ne cessent d’augmenter. Tant et si bien qu’il va nous falloir attendre plus de 200 ans pour que l’égalité entre les femmes et les hommes soit efficiente. Constat tout aussi absurde que terrifiant. Et on a beau dire et entendre dire, Hillary Clinton la première, qui le martèle depuis des années, « Le futur sera féminin » , avant elle Gandhi, pour qui « L’avenir [appartenai­t] aux femmes » , ou encore Stendhal pour qui « L’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisati­on » ; et tout récemment Emmanuel Macron qui avouait lors d’une interview à Trace TV « Je me suis dépêché car l’avenir sera aux femmes. C’est pour cela que je n’ai pas du tout fait comme les autres avant moi, attendre 50 ou 60 ans. Ma génération, ce sera celle des filles. Les femmes vont prendre le pouvoir. » Ce trait d’humour de notre président qui, rappelons-le, a fait de l’égalité femmeshomm­es une grande cause nationale – car oui, le sujet est très sérieux –, ce trait d’humour donc, révèle néanmoins une vérité : les femmes sont en train de prendre le pouvoir. Depuis une dizaine d’années, elles agissent, se réunissent, s’entraident, créent des réseaux dans tous les secteurs et sur tous les territoire­s. Le postulat est clair : pour exister, il faut être visible; or les femmes sont restées dans l’ombre pendant trop longtemps. Du fait d’un héritage socio-culturel si lourd que nous en portons encore le poids. Et pourtant, de l’invention du premier langage informatiq­ue au programme Apollo de la Nasa qui a permis à l’homme de marcher sur la Lune, en passant par l’invention de la technique wi-fi, mais aussi de la scie circulaire, du chauffage central au gaz et même des essuieglac­es, les exemples d’inventions et de découverte­s que l’on doit aux femmes sont nombreux! Mais elles ont souvent dû rester dans l’ombre. Et cela remonte à loin! En 300 av. J.-C., Agnodice doit se déguiser en homme pour apprendre la médecine; elle deviendra, après avoir risqué la mort pour entrave à la justice, la première femme gynécologu­e de la Grèce antique. Au début du xviie siècle, Sophie Germain est contrainte de se faire passer pour un certain Antoine Auguste Leblanc pour avoir accès au cours de l’École Polytechni­que. Un théorème porte son nom aujourd’hui. En 1905, la généticien­ne Nettie Stevens découvre le chromosome Y; son patron « oublie » de le préciser à la parution de leurs travaux; c’est lui qui remporte le prix Nobel en 1933. Quelques années plus tard, en 1951, Rosalind Franklin découvre la structure de l’ADN ; seuls les trois hommes de l’équipe avec qui elle collabore reçoivent le prix Nobel de médecine. Dernier scandale du genre (et le mot est à double lecture) : en 1974, Jocelyne Bell Burnell, qui a découvert le premier pulsar, se voit rafler le prix Nobel par son directeur de thèse. Des injustices de ce type, il y en a pléthore. Tout dernièreme­nt, en septembre dernier, les américaine­s Penelope Gazin et Kate Dwyer, qui ont créé leur entreprise dans la fameuse Silicon Valley, révélaient aux médias qu’elles avaient dû imaginer un cofondateu­r homme, Keith Mann, pour être prises au sérieux et pouvoir développer leur entreprise. Une seule question : comment est-ce encore possible aujourd’hui? Et cela malgré toutes les bonnes volontés, qu’elles soient politiques, économique­s ou issues de la société civile. La réalité est toute simple : se débarrasse­r d’un héritage culturel pour changer de paradigme prend du temps, beaucoup de temps. Les femmes de la nouvelle génération l’ont bien compris. De fait, celles qui ont réussi ont décidé de montrer la voie et d’embarquer dans leur sillon toutes celles qui n’oseraient pas encore entreprend­re leur vie, imbibées d’un inconscien­t collectif un brin machiste, il faut bien le dire. Les clichés ont la vie dure, l’avenir aussi! De nouvelles solidarité­s féminines ont éclos, porteuses d’un optimisme constructi­f. Un jour peut-être, à force de conviction, la sororité n’aura d’égal que la fraternité dont elle se fait l’écho.

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