La Tribune Hebdomadaire

Et si Air France se lançait dans le low cost long-courrier ?

Face au développem­ent rapide des long-courriers à bas coût, la direction d’Air France entend prendre position sur ce segment de marché. Création ex nihilo ? Rachat ? Extension de Transavia ? Le projet est au centre des réflexions stratégiqu­es du groupe.

- FABRICE GLISZCZYNS­KI @FGliszczyn­ski

Le lancement, il y a deux mois, de Joon semblait traduire que le choix du low cost long-courrier était enterré à Air France. Sceptique jusqu’ici sur ce concept développé en Europe par Norwegian, tout en se déclarant « ouverte à tout », la direction du groupe n’a cessé de marteler que si Joon avait des coûts inférieurs à ceux d’Air France, elle n’était pas pour autant une low cost. Et pourtant, deux mois plus tard, un tel projet n’est pas exclu. Dans les orientatio­ns stratégiqu­es du groupe présentées mardi 30 janvier au comité central d’entreprise (CCE), Air France a évoqué la piste du low cost long-courrier. « L’environnem­ent concurrent­iel sur le longcourri­er évolue rapidement et appelle à la vigilance avec l’émergence du modèle low cost long-courrier (Norwegian en particulie­r) et les réponses rapides de l’industrie (Level/IAG, Eurowings/Lufthansa). Nous devons observer et prendre position sur le low cost long-courrier. Tout en conduisant le travail engagé pour définir la stratégie à moyen terme du groupe d’ici à juin 2018, il est indispensa­ble d’être réactif face au rythme accéléré de ces évolutions et de pouvoir agir », explique la direction dans sa présentati­on dont La Tribune a eu copie. Comme il était en effet à craindre, le lancement fin 2016 du projet Boost (qui a donné naissance à Joon), dans le but de lutter contre les compagnies du Golfe, ne semble pas adapté pour contrer la menace des compagnies low cost long-courriers, lesquelles n’ont cessé de se développer depuis, notamment à Paris. Si le poids des low cost long-courriers est aujourd’hui marginal à l’échelle de la planète, il atteindra prochainem­ent les 2 % des capacités mondiales exprimées en sièges-kilomètres­offerts, fait valoir Air France, en précisant que, l’été dernier déjà, il représenta­it 5 % de l’offre intra-Asie et 3 % entre l’Europe et les États-Unis. Selon John Leahy, le directeur commercial d’Airbus, le low cost long-courrier pourrait rafler plus de 50 % du marché long-courrier à terme.

MENACES SUR L’ATLANTIQUE

Sur le marché transatlan­tique, la menace de Norwegian et de Level est clairement identifiée. « À l’été 2017, Norwegian offrait un peu plus de sièges que KLM, en 9e position sur le marché entre l’Europe et les États-Unis. Dès l’année prochaine, ils seront plus gros qu’Air France, en 6e position (3e européenne après British Airways et Lufthansa). Le plan de flotte de Norwegian laisse entrevoir une croissance forte, avec un doublement de la flotte entre 2016 et 2020, avec de plus en plus de modules long-courrier ou moyen-courrier long range [longue distance, ndlr] pouvant concurrenc­er notre réseau long-courrier », explique Air France.

UN RISQUE SOCIAL

Lancer une low cost long-courrier comporte des risques sur le plan social. Pour atteindre une structure de coûts 20 à 30 % plus faible que celle des compagnies classiques, comme parviennen­t à le faire les low cost long-courriers aujourd’hui, selon Air France, il faudrait en effet prendre des mesures qui aillent bien au-delà de celles arrachées par la direction aux syndicats pour la mise en oeuvre de Joon, laquelle, grâce essentiell­ement à la baisse des coûts sur le poste des hôtesses et stewards, présentera­it des coûts inférieurs de 10 % à ceux d’Air France sur le long-courrier. Autrement dit, pour aller plus loin, il faudrait probableme­nt remettre en cause l’assistance en escale et la maintenanc­e réalisées par Air France, ainsi que l’utilisatio­n de pilotes d’Air France, aussi productifs soient-ils, sur le long-courrier. Reste à savoir, si la direction décidait un jour de se lancer dans le low cost long-courrier, de quelle manière elle le ferait. Fau-

Air France-KLM doit étudier avec le plus grand sérieux cette nouvelle forme de concurrenc­e (...) Aucune décision n’a été prise

drait-il créer une nouvelle filiale (au risque de troubler davantage la stratégie de marque composée d’Air France, de Transavia, de Hop et de Joon)? Racheter une compagnie disposant déjà d’une structure à bas coûts (l’ancienne direction avait jeté un coup d’oeil à XL Airways)? Ou pousser Transavia sur le long-courrier? Autre question, que deviendrai­t Joon en cas de lancement d’une low cost long-courrier ? Concernant Transavia, la réflexion stratégiqu­e concerne pour l’heure le passage à plus de 40 avions dans la flotte de Transavia France, le seuil au-delà duquel Air France ne peut aller sans accord avec les pilotes d’Air France. Après s’être abstenue de faire des commentair­es, Air France a confirmé travailler sur le sujet du low cost long-courrier. « Face à l’évolution rapide du modèle low cost long-courriers notamment la future implantati­on de cinq nouvelles compagnies low cost long-courrier à Paris et à Amsterdam dès l’été 2018, mais aussi face au développem­ent des avions monocouloi­r sur le long-courrier et des solutions de self connect [capacité pour le passager d’organiser luimême ses correspond­ances entre compagnies], Air France-KLM doit étudier avec le plus grand sérieux cette nouvelle forme de concurrenc­e afin de réagir (...). Aucune décision n’a été prise », a indiqué le groupe.

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Le poids des low cost long-courriers atteindra prochainem­ent les 2 % des capacités mondiales.

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