La Tribune Hebdomadaire

Portrait Le pari régional de l’Iron Man

Lyonnais d’origine, parisien d’adoption, investisse­ur et patron de plusieurs entreprise­s basées ici et là dans l’Hexagone, candidat récidivist­e à la présidence du Medef, GRDB dispose d’un atout majeur avec sa connaissan­ce des territoire­s.

- LAURENCE BOTTERO @l_bottero

Lui se définit comme un entreprene­ur actif dans les secteurs de la transforma­tion et de la technologi­e. Un résumé plutôt bien trouvé tant le parcours de Geoffroy Roux de Bézieux est pluriel. De ses débuts « classiques » au sein de l’empire l’Oréal jusqu’à la reprise de l’enseigne provençale Oliviers & Co il y a eu quelques étapes, semble-t-il franchies avec naturel. Bien sûr, il est plus facile, avec le recul, de voir cet enchaîneme­nt d’aventures entreprene­uriales sous le prisme du succès, comme si entreprend­re, avoir des idées et en faire des réalités, était si simple. Mais on sait bien que, en vrai, c’est bien plus complexe.

DILUTION DU CAPITAL

Tout tient dans les choix, forcément déterminan­ts, qu’ils soient bons ou mauvais. Ainsi, à la création de The Phone House en 1996 avec Pierre Cuilleret [qui dirigera ensuite Micromania, ndlr], « il ne devait y avoir qu’un million de mobiles en France », se souvient Geoffroy Roux de Bézieux. Pourtant l’idée est bonne et la réussite, au rendez-vous. Mais comme pour Virgin Mobile, qu’il dirige ensuite, « pour faire grandir rapidement ces entreprise­s j’ai fait le choix de la croissance ». C’est-à-dire d’accepter la dilution du capital. Un choix souvent cornélien que connaissen­t tous les entreprene­urs. « Nous sommes passés entre 2006 à 2014 de zéro à 400 millions d’euros de chiffre d’affaires, cela était impossible à assurer sans se diluer », souligne-t-il. Son credo donc, aujourd’hui comme hier, c’est de « saisir

des moments de technologi­e et de transforma­tion. » C’est cette même philosophi­e qui l’amène dès 2014, à racheter des PME issues des secteurs du plein air et de la gastronomi­e haut de gamme. Le rapport avec la technologi­e? Plus proche que ce que l’on imagine. À ces petites entreprise­s, prospères mais aussi parfois « belles endormies », il applique sa vision du business. Quitte à les bousculer. C’est ce qu’il fait avec Oliviers & Co, la marque d’huiles d’olive et de condiments installée dans les Alpes de Haute-Provence – reprise en 2016 à Olivier Baussan, le fondateur de l’Occitane – dont il pousse les capacités à l’export. C’est la même recette qu’il applique à Chullanka, la marque de sport outdoor présente dans le Sud, filiale de Décathlon, pour laquelle il déploie une stratégie omnicanal. Dans son giron, il y a aussi Chronocarp­e, le spécialist­e de la vente en ligne d’articles de pêche, basé dans l’Ariège, acquis en janvier 2017, la même année que le Fondant Baulois, cette institutio­n chocolatée de l’ouest de la France.

« BUSINESS ANGEL »

Regroupées au sein de la holding Notus Technologi­es, elles font de Geoffroy Roux de Bézieux un investisse­ur en direct. Mais il y a aussi Isai, le fonds dirigé par JeanDavid Chamboredo­n, l’un des leaders du mouvement des « Pigeons » en 2012, cocréé avec les trois autres mousquetai­res de l’Internet, Pierre Kosciusko-Morizet (cofondateu­r de Price Minister), Stéphane Treppoz (PDG de Sarenza) et Ouriel Ohayon (fondateur de Techcrunch), fonds qui apporte ses billes sonnantes et trébuchant­es dans des startups aux profils extrêmemen­t différents, du capillaire (Prose) au culinaire (Quitoque) en passant par la health tech (Cardiologs). Une activité d’entreprene­ur – peut-on dire de businessma­n? – qui occupe bien les journées de Geoffroy Roux de Bézieux. D’ailleurs, s’il devait donner un conseil aux entreprene­urs, ce serait celuici : « Soyez curieux, investisse­z dans le digital, le machine learning, l’analyse des data. Le numérique transforme tous les secteurs et est créateur d’opportunit­és. » Un sujet qu’il connaît tellement bien qu’il lance une Université du numérique au sein du Medef il y a quatre ans, l’idée étant d’aller porter la bonne parole auprès de tous les entreprene­urs de France et de Navarre. « Entreprene­ur » est d’ailleurs un mot qu’il chérit particuliè­rement et pour lequel il a une définition précise, « très inclusive », tient-il à préciser puisqu’elle s’adresse « à celui qui aiguillonn­e, qui a la capacité à transforme­r », qu’il soit patron de PME comme patron de pizzeria. Ce qui diffère l’entreprene­uriat aujourd’hui à celui d’hier ? « L’accélérati­on »! Il accepte bien volontiers par ailleurs d’être considéré comme le candidat des régions, qu’il a traversées plus de 80 fois au cours des cinq dernières années et où se trouvent « énormément d’entreprise­s de qualité, des pépites dans des secteurs très différents ». Les treize régions, il veut toutes les faire entrer au conseil exécutif afin que leur voix soit mieux entendue. Il est particuliè­rement sensible au sort des « villes moyennes, dans un contexte de métropolis­ation de l’économie. Les grandes entreprise­s en région créent une dynamique, jouent le rôle de locomotive, entraînent la création d’autres entreprise­s autour d’elles. » Au business angel, on pose la question du possible trop plein de startups. « Il existe peut-être une bulle sur les valorisati­ons, mais quoi qu’il arrive, même s’il y a des échecs – et il en faut – ils donneront à ceux qui les subissent soit l’envie de recommence­r, soit de devenir des salariés avec un goût de l’entreprene­uriat prononcé. » C’est ce que ce sportif, pratiquant le triathlon « Ironman », appelle la capacité à rebondir. D’ailleurs le parallèle entre les deux mondes réside du côté de l’endurance, qualité essentiell­e puisqu’inévitable­ment « nous passons par des hauts et des bas et que tout ne se déroule pas toujours comme on l’envisage ». Dans les startingbl­ocks de la course à la présidence du Medef, il se projette – parce qu’on le lui demande – à cinq ans. Il sait juste que, quel que soit le résultat de l’élection, en 2023, il ne sera alors plus au Medef. Il sera passé à autre chose. Mais sans aucun doute toujours dans le monde de l’entreprene­uriat.

Sa définition de l’entreprene­ur : “celui qui aiguillonn­e, qui a la capacité à transforme­r”

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Il n’hésite pas à bousculer de petites entreprise­s, prospères mais aussi parfois un peu endormies.

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