La Tribune Hebdomadaire

Google cherche une nouvelle croissance

Le chiffre d’affaires de la firme de Mountain View a bondi en 2017, pour s’établir à 100,9 milliards de dollars. Mais ses coûts ont explosé… Après avoir bâti son « business model » sur la publicité, qui représente toujours 86 % de son chiffre d’affaires,

- ANAÏS CHERIF @Anais_Cherif

Une première. Alphabet, maison mère de Google, peut se targuer d’avoir dépassé la barre des 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2017. Mais le géant de l’Internet reste ultradépen­dant de la publicité, qui a généré 86 % de ses revenus. « La croissance de notre bénéfice pour l’exercice continue de souligner notre force principale » , a déclaré vendredi dernier Ruth Porat, directrice financière d’Alphabet, lors de la publicatio­n des résultats annuels. La firme de Mountain View a pourtant vu son bénéfice net chuter de 35 %, à 12,6 milliards de dollars. En cause: une perte nette de 3,02 milliards en fin d’année à la suite de la réforme fiscale américaine. Ses « coûts d’acquisitio­n » de trafic (TAC), élément très observé, ont aussi bondi à 6,45 milliards sur le dernier trimestre (+ 31 %). Ils sont versés à des tiers pour assurer à Google, par exemple, d’être le moteur de recherche par défaut sur des appareils. Ils représente­nt 24 % de ses recettes publicitai­res, contre 22 % fin 2016. Et ce n’est pas tout: l’entreprise américaine a dû solder une charge de 2,7 milliards de dollars à la suite de l’amende record que lui a infligée en juin dernier la Commission européenne pour abus de position dominante. Google n’est pas à l’abri de nouvelles amendes en 2018. Deux enquêtes sont toujours en cours d’instructio­n. D’une part, le groupe est accusé d’abus de position dominante pour Android, son système d’exploitati­on présent sur plus de 2 milliards de terminaux. L’enquête a été ouverte par Bruxelles en 2015. Une troisième enquête a été ouverte pour les mêmes griefs en juillet 2016 contre AdSense, le service publicitai­re d’Alphabet. « Nous sommes concentrés sur la constructi­on d’une seconde vague de croissance pour Google à moyen et long terme » , a assuré Ruth Porat lors d’une conférence téléphoniq­ue, rapporte l’AFP. Alphabet mise sur « les activités qui croissent bien en termes de chiffre d’affaires, comme le cloud, les appareils et YouTube ». Mais sur ces secteurs-là, Google doit faire face à un adversaire de taille : Amazon. L’entreprise d’e-commerce est le numéro un mondial du cloud avec sa division Amazon Web Services (AWS), lancée en 2006. Celle-ci a généré 17,6 millions de dollars en 2017 pour Amazon. AWS détiendrai­t 32 % du marché en 2017, contre 8 % pour Google, selon une étude du cabinet Canalys publiée la semaine dernière. Autre exemple : les enceintes connectées. La société de Seattle a été la première entreprise à dégainer avec Amazon Echo, lancée aux États-Unis dès juillet 2015 pour 180 dollars. La réplique de la firme de Mountain View n’est arrivée qu’en octobre 2016, avec Google Home, vendu à 129 dollars. Les deux entreprise­s ne divulguent pas leurs ventes. Cependant, Amazon aurait écoulé 20 millions d’Echo – soit environ 73 % de parts du marché américain pour les enceintes connectées –, contre 27 % pour Google, selon une étude du cabinet Consumer Intelligen­ce Research Partners publiée début novembre.

MISER SUR LA « SMART HOME »

Dans ce contexte de concurrenc­e accrue, Google tente de combler son retard. Le groupe a annoncé mercredi 7 février reprendre en main la gestion de Nest. Réputée pour ses thermostat­s connectés en Wifi, la société avait été achetée par la firme de Mountain View en 2014 pour 3,2 milliards de dollars. Nest était ensuite passée sous la coupe d’Alphabet pour rejoindre les projets futuristes du groupe, baptisés « Other bets » (en français : les autres paris). « En travaillan­t ensemble, nous continuero­ns à associer le matériel, le logiciel et les services pour créer une maison [...] plus sûre et qui vous aide même à économiser de l’argent – fabriquée avec l’intelligen­ce artificiel­le de Google et son assistant vocal au centre » , écrit dans une note de blog le directeur général de Nest, Marwan Fawaz. Pour trouver des relais de croissance à plus long terme, le géant américain continue de miser sur des projets innovants. Ils sont développés par son « Laboratoir­e X », où se mélangent sa voiture autonome Waymo, ses technologi­es médicales de Verily ou encore, ses ballons stratosphé­riques pour établir des connexions Internet dans les zones reculées. Dernier pari en date : la cybersécur­ité.

CONTRÔLER LES COÛTS

Ces projets, décrits à tour de rôle comme futuristes ou fous, sont coûteux. Ainsi, ils ont enregistré une perte opérationn­elle sur le dernier trimestre 2017 de 916 millions de dollars, pour un chiffre d’affaires de 410 millions. L’arrivée en mai 2015 de Ruth Porat, ancienne directrice financière chez Morgan Stanley, devait changer la donne et mieux organiser ces paris sur le futur. La nouvelle directrice financière a instauré une politique de contrôle des coûts, visant à écarter les projets pour lesquels la firme n’arrive pas à percevoir des débouchés économique­s tangibles. C’est pourquoi Alphabet s’est délesté de plusieurs projets l’année dernière. Il a renoncé à ses drones pour Internet en janvier, puis à des satellites Terra Bella en février, avant de se séparer en juin de Boston Dynamics, entreprise de robotique militaire. Lors de l’annonce de ses résultats, Alphabet a également annoncé qu’Eric Schmidt laissait la présidence du conseil d’administra­tion à John Hennessy. Figure historique de Google depuis ses débuts, Eric Schmidt a annoncé son départ en décembre dernier après dix-sept ans passés dans la firme. Pour le remplacer, l’entreprise a pioché parmi l es siens. John Hennessy, 65 ans, a vu naître Google. Il est l’ancien président de l’Université de Stanford – où les étudiants Sergey Brin et Larry Page ont créé le célèbre moteur de recherche. L’entreprene­ur est également membre du conseil d’administra­tion de Google depuis 2004, avant même l’introducti­on en Bourse du groupe dont la capitalisa­tion dépasse aujourd’hui les 800 milliards de dollars. Contrairem­ent à Eric Schmidt, qui était salarié d’Alphabet, John Hennessy ne sera pas président exécutif.

La firme mise sur les activités qui croissent bien en chiffre d’affaires : le “cloud”, les appareils et YouTube

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Le chiffre d’affaires croît mais le bénéfice net a chuté de 35 % en 2017.

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