La Tribune Hebdomadaire

Watson est un investisse­ment rentable au Crédit Mutuel

L’intelligen­ce artificiel­le d’IBM, déployée depuis un an dans les caisses du Crédit Mutuel (CM11-CIC), aurait permis des économies de plusieurs dizaines de millions d’euros. Le groupe bancaire cherche à moderniser son image face aux néobanques.

- Delphine Cuny

L’intelligen­ce artificiel­le, effet de mode ou vraie révolution ? Au Crédit Mutuel, le bilan tiré après un an d’expérience du système Watson d’IBM, dans le back-office des agences, est jugé très positif. Le Crédit Mutuel CM11 (11 fédération­s, principale­ment de l’Est et du Sud de la France) a mis en place, auprès de 20 000 conseiller­s de ses 5 000 caisses, un analyseur de courrier électroniq­ue (40 millions de courriels de clients reçus par an dans la banque de réseau) et deux assistants virtuels pour répondre en temps réel à leurs questions sur des produits techniques (assurance, épargne). Nicolas Théry, le président du groupe Crédit Mutuel CM11, en a fait l’éloge lors de la présentati­on des résultats annuels du groupe bancaire mutualiste le 22 février. « Par rapport au débat très théorique sur l’intelligen­ce artificiel­le qui remplacera­it les emplois, chez nous, au Crédit Mutuel, l’intelligen­ce cognitive est mise au service d’une relation client augmentée et permet de dégager du temps commercial et du temps d’écoute. C’est un outil extrêmemen­t puissant de montée en compétence des salariés, grâce à des assistants (virtuels) efficaces. L’adhésion des utilisateu­rs est impression­nante, le taux de satisfacti­on est de l’ordre de 90 % », a-t-il déclaré. La mise en place d’IBM Watson devrait coûter 40 millions d’euros sur cinq ans, soit 8 millions d’euros par an, au groupe bancaire dont le bénéfice a reculé de 10 % l’an dernier, notamment du fait de la surtaxe exceptionn­elle (296 millions d’euros). Interrogé sur la rentabilit­é de cet investisse­ment, le président du CM11 s’est montré catégoriqu­e : « Oui, sans aucun doute ! Nous avons évalué que cela libère 200 000 jours homme, soit une économie de 60 millions d’euros » a-t-il indiqué. Le système d’IBM augmente en fiabilité. Le taux de réponse spontanée correcte est passé de 35 % au moment de l’expériment­ation dans deux caisses pilotes en juillet 2016 à plus de 90 % lorsqu’il a été déployé dans tout le réseau.

COMMUNICAT­ION SUR LA TECHNOPHIL­IE

Watson sera étendu cette année à d’autres domaines, le crédit à la consommati­on et la prévoyance, permettant aux conseiller­s d’avoir une réponse rapide au lieu de consulter la base documentai­re interne. La banque a mis en place une cognitive factory qui réunit des salariés du Crédit Mutuel et des experts d’IBM afin d’améliorer continuell­ement les performanc­es de ces solutions. Orange Bank utilise également Watson d’IBM mais directemen­t en interface avec le client : un chatbot appelé Djingo répond aux questions en temps réel. Le Crédit Mutuel fait valoir que « la technologi­e est un choix social: elle n’est pas mise au service d’une relation virtuelle déshumanis­ée. » Interrogé sur l’arrivée de ce nouveau concurrent, Nicolas Théry a observé qu’il serait « malvenu de la part d’une banque, qui a lancé en 2005 la téléphonie mobile, de critiquer une grande entreprise comme Orange qui lance une offre bancaire! C’est une stimulatio­n utile. » Le groupe mutualiste nous précise que grâce au dispositif de mobilité de la loi Macron, il a sur un an enregistré 105 départs de clients vers Orange Bank et, dans l’autre sens, récupéré 451 clients partis d’Orange Bank. Dans l’ensemble, la loi Macron s’est traduite par un solde légèrement positif de 70000 clients gagnés en net pour le groupe CM11-CIC, avec 185000 mobilités entrantes contre 115000 sortantes, un chiffre modeste au regard de ses 10 millions de clients. Le Crédit Mutuel veut moderniser son image et se présente comme « historique- ment une banque technophil­e » et même « à la pointe de la technologi­e ». Ce que revendique­nt toutes les banques de la place! Le nouveau directeur général de CM11, Daniel Baal, quand il parle de la filiale informatiq­ue Euro Informatio­n, dit « notre fintech »! Nicolas Théry invite à regarder « au-delà du prisme bancaire » et à considérer le Crédit Mutuel comme « un groupe de distributi­on multiservi­ces » (il est opérateur télécoms, vend de la télésurvei­llance, de l’immobilier, de la monétique). Il fait même un parallèle avec Amazon, qui s’est lancé dans le prêt.

CONFLIT AVEC LE CRÉDIT MUTUEL ARKÉA

Depuis qu’il a succédé à Michel Lucas (78 ans), l’énarque de 52 ans, qui est par ailleurs président de la Confédérat­ion nationale, l’organe central du Crédit Mutuel, n’a eu de cesse de creuser ce sillon de la transforma­tion numérique. Difficile de ne pas y voir également une réplique aux dirigeants du Crédit Mutuel Arkéa, avec lesquels il est en conflit – et qui ont reçu le soutien de nombreuses figures du monde de la French Tech –, qui présente la banque mutualiste de l’Ouest comme « un acteur agile, innovant, très utile à l’écosystème digital français » et « le premier investisse­ur français du monde des fintech ». Déclinant toute question sur le différend avec Arkéa, qui souhaite quitter le groupe Crédit Mutuel au projet jugé trop « centralisa­teur », il a laissé le directeur général envoyer un message. « Nous sommes un des six groupes régionaux du Crédit Mutuel, un groupe autonome attaché à son autonomie. La Confédérat­ion nationale joue le rôle de garant de la solidarité, de la solidité et de la marque. Sinon nous ne serions que des banques régionales éparses », a déclaré Daniel Baal. « Les OPA, et encore moins les OPA hostiles, ne font pas partie de notre culture. C’est même absurde dans le monde coopératif. »

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La banque a mis en place une équipe réunissant quelquesun­s de ses salariés et des experts d’IBM pour améliorer sans cesse les performanc­es du dispositif.
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