La Tribune Hebdomadaire

M. Macron, virez le ministre du Commerce extérieur !

- PAR PHILIPPE MABILLE DIRECTEUR DE LA RÉDACTION @phmabille

Si la France était une entreprise, la première décision à prendre par le président de son conseil d’administra­tion serait de virer son… ministre du Commerce extérieur. Les résultats sont sans appel: 63 milliards d’euros de déficit commercial en 2017 en France, contre 245 milliards d’excédent en Allemagne, soit un écart abyssal, de plus de 300 milliards, entre les deux pays. Cela n’a pas toujours été le cas: de 1992 à 2004, la France exportait plus qu’elle n’importait et, lors de la création de la zone euro, les deux voisins avaient le même excédent commercial. Imputer à la monnaie unique la cause des malheurs (commerciau­x) de la France est donc une pure fumisterie. Suivez mon regard: il y a bien eu, depuis la fin des années 1990, des causes spécifique­ment françaises à l’effondreme­nt industriel du pays, qui n’a pas su, pas pu ou pas voulu se mettre au diapason de la mondialisa­tion. Dire qu’il faut virer le ministre du Commerce extérieur pour cela est, bien sûr, une clause de style. Les titulaires du poste, qui ont rarement été des poids lourds politiques, ne sont pas responsabl­es de ce désastre. Mais, c’est une évidence, le ministre du Commerce extérieur ne sert pas à grand-chose, et Emmanuel Macron l’a bien compris: il n’en a nommé aucun dans le gouverneme­nt d’Édouard Philippe. Le poste est partagé entre le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et, à la suite du combat autrefois mené par Laurent Fabius contre Bercy, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le meilleur vendeur d’armes que la France ait connu. Plus précisémen­t, c’est un illustre inconnu, Jean-Baptiste Lemoyne, ancien sénateur apparenté Les Républicai­ns de l’Yonne, qui est officielle­ment chargé du Commerce extérieur, du Tourisme et de la Francophon­ie. La bonne nouvelle, pour lui comme pour la France on l’espère, c’est que la situation est peutêtre, enfin, en train de se retourner. Conjonctur­ellement, comme l’indique l’Insee dans sa note de printemps, les échanges extérieurs accélèrent de nouveau et, avec eux, la demande mondiale adressée à la France. Les exportatio­ns françaises repartent, certes grâce aux livraisons d’armement et d’avions, mais pas que. De sorte que, à l’horizon de la mi-année, souligne l’Insee, le commerce extérieur contribuer­ait légèrement, à raison de 0,2 point, à l’acquis de croissance attendu à + 1,6 % fin juin. C’est mieux que les deux dernières années où l’extérieur a pesé négativeme­nt (– 0,3 en 2017 et – 0,8 en 2016). Tout cela pour dire que le vrai ministre du Commerce extérieur n’est pas tant celui qui multiplie les voyages pour accompagne­r les petits et grands contrats – ces derniers étant le plus sou- vent directemen­t négociés lors des voyages présidenti­els, ce qui fait de Macron le principal VRP de la France, comme on l’a vu récemment en Inde –, mais bien plutôt le ministre de « l’Économie intérieure », et plus spécifique­ment celui des PME. Car, ce qui cloche dans notre pays, c’est la faiblesse de notre tissu de PME et d’ETI exportatri­ces, en comparaiso­n avec nos principaux voisins, Allemagne ou même Italie. Avec trois fois moins d’entreprise­s de taille moyenne qu’on en compte outre-Rhin, la France est un nain quand il s’agit de faire croître ses entreprise­s à l’internatio­nal. Le CAC 40 c’est bien, mais ça ne crée pas ou peu d’emplois en net en France. Et malgré un grand dynamisme entreprene­urial, notre tissu de TPEPME ne parvient pas à se développer à l’ombre de ces grands. Des lois sur les PME, il y en a pourtant eu beaucoup, depuis Madelin jusqu’à Dutreil, pour citer ceux qui ont vraiment fait bouger les corporatis­mes. La future loi Le Maire, qui sera présentée le 2 mai, figurera-t-elle parmi les grands textes susceptibl­es de changer la donne et de résoudre ce mal français? Le diagnostic est le bon, la méthode participat­ive est inédite, les mesures envisagées précises (lire notre dossier pages 4 à 13). Mais le risque est grand qu’une fois de plus, même avec les meilleures intentions, l’ambition reste lettre morte. Certes, il y a des financemen­ts en fonds propres à développer, des transmissi­ons d’entreprise­s à faciliter encore plus, des seuils fiscaux et sociaux hors d’âge à déverrouil­ler, un mouvement d’innovation à soutenir. Mais il y a encore plus important: la priorité des priorités, pour aider les PME à grandir, c’est que l’État accélère sa propre transforma­tion et réalise des économies pour alléger la part des impôts et charges qui pèsent directemen­t sur l’autofinanc­ement des entreprise­s, à savoir les impôts sur la production, les plus antiéconom­iques. Dans sa réforme fiscale, Emmanuel Macron, pourtant banquier d’affaires, l’a un peu oublié: baisser le taux de l’impôt sur les sociétés, c’est bien, mais cela ne suffit pas. Alors que les entreprise­s françaises commencent à réinvestir pour moderniser leur outil de production, c’est-à-dire acheter des robots, passer au numérique et former les salariés aux compétence­s dont elles auront besoin, c’est le moment d’aller plus loin encore dans la politique de l’offre lancée par Hollande avec le CICE. Le pacte de responsabi­lité et ses 40 milliards d’euros de baisse de charges ont permis de redresser le taux de marge des entreprise­s: il doit désormais se transforme­r en un pacte pour soutenir l’innovation et la conquête des marchés à l’export.

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