CAPITALE DU SPORT BUSINESS ?
La Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques sont les deux prochains évènements internationaux que Toulouse accueillera, en 2023 et 2024. Une fierté pour la Ville rose mais surtout une magnifique opportunité pour toute la région Occitanie qui voit da
La ville de Toulouse est mondialement connue pour être le berceau de l’aéronautique mais on sait moins qu’elle est une terre de champions. En soutenant ses athlètes de haut niveau et en capitalisant sur le sport, la Ville rose et la Région Occitanie ont bien l’intention de profiter de la puissance économique d’évènements sportifs mondiaux dont les retombées sont énormes. En 1998 déjà, Toulouse accueillait plusieurs matchs de la Coupe du monde de football. En 2013, les plus hautes instances la choisissent pour la Coupe du monde de rugby, en 2016 plusieurs rencontres de l’Euro ont eu lieu dans son Stadium. Forte de cette expérience, la Ville rose accueillera une nouvelle fois en 2023 la Coupe du monde de rugby puis en 2024 les Jeux olympiques. En effet, un siècle après avoir organisé ses premiers JO d’été, Paris recevra une nouvelle fois, du 26 juillet au 11 août, cette compétition de renommée mondiale puis les Jeux paralympiques, du 28 août au 8 septembre 2024. Une fierté pour la France et notamment pour Toulouse, qui accueillera une partie des épreuves. Le Stadium, avec sa capacité de 33150 places, a été désigné pour héberger quelques rencontres de football à onze masculin et féminin. Une aubaine pour la Ville rose et sa région puisque tous ces évènements engendrent de l’attractivité pour leurs territoires, mais aussi de l’emploi et de la consommation, à travers le commerce, l’hôtellerie et la restauration. « Il y a une sorte de compétition entre les territoires pour accueillir un tel événement parce que les retombées économiques sont importantes, quoique souvent surestimées dans le dépôt des dossiers afin de remporter l’adhésion du public. Quand nous mesurons les retombées avec des études d’impact, on se rend compte qu’elles sont bien moindres que celles annoncées. Mais dans le sport, il y a une quantité d’activités qui ne se prêtent pas à la mesure, comme l’amélioration d’un quartier due à la rénovation d’une infrastructure sportive engendrée par l’accueil d’un événement sportif international », décrypte Jean-François Verdie, professeur à la Toulouse Business School, directeur du département finance et économie, spécialiste du sport business. Malgré tout, une étude du Centre de droit et d’économie du sport de Limoges
(CDES) estime l’impact des Jeux 2024 entre 5,3 et 10,7 milliards d’euros, mais uniquement pour la capitale et la région francilienne. « À ce jour, il est difficile d’évaluer et d’estimer les retombées économiques que vont générer à Toulouse les deux événements que nous allons accueillir. Ce qui est sûr, c’est qu’en attendant l’arrivée de la prochaine Coupe du monde de rugby, dans cinq ans, et les JO l’année suivante, nous allons organiser de nombreuses animations autour du sport, qui elles vont générer du public et donc des retombées pour la ville », explique Laurence Arribagé, adjointe au maire de Toulouse chargée du sport. L’élue évoque en l’occurrence la Fête du sport qui sera organisée chaque année jusqu’en 2024 dans les villes françaises qui accueilleront des épreuves olympiques. Une volonté de la nouvelle ministre des Sports et ancienne sportive de haut niveau, Laura Flessel, qui souhaite que cet événement soit l’occasion de promouvoir toutes les disciplines olympiques sans exception, et de préférence les moins connues. La première édition toulousaine aura lieu les 13 et 14 septembre prochains. Néanmoins, avec un recul de presque deux années, quelques statistiques illustrent les retombées économiques de l’Euro 2016 à Toulouse, au cours duquel le Stadium a accueilli quatre rencontres au total (trois matches de poules et un huitième de finale). « Pendant la compétition, nous avons accueilli à Toulouse entre 70 000 et 95 000 visiteurs étrangers. Cet afflux a entraîné une hausse de quatre points du taux d’occupation de l’hôtellerie et une augmentation de 34% du RevPar [revenu par chambre, ndlr] en juin 2016 par rapport à juin 2015. Par ailleurs, nous avons été élus “meilleure ville d’accueil” par les supporters étrangers, avec des retombées presse dans 12 pays européens » , se félicite Sylvie Rouillon-Valdiguié, adjointe au maire de Toulouse et vice-présidente de Toulouse Métropole chargée du tourisme. De manière plus globale, les élus locaux estimaient à 66 millions d’euros les retombées économiques avant la compétition. D’après une étude menée conjointement par l’organisme Keneo et le CDES de Limoges après la compétition, on peut évaluer l’impact par match à 24 millions d’euros. Ce qui laisserait à penser que l’accueil de l’Euro 2016 à Toulouse a engendré environ 96 millions d’euros, bien audelà des prévisions initiales.
UNE HISTOIRE D’INFRASTRUCTURES
Ce succès s’explique en grande partie par la qualité des infrastructures sportives, hôtelières et de transports que l’on retrouve sur le territoire toulousain. « Quand on postule à la venue d’événements sportifs de cette envergure, c’est le symbole d’une vraie volonté politique d’une ambition dont l’objectif est de voir Toulouse exister sur la scène sportive internationale. Nous avons un vrai savoir-faire et une vraie expérience désormais grâce aux épreuves accueillies par le passé. Nos investissements ont payé puisque grâce à eux nos infrastructures sont adaptées pour continuer à recevoir de tels évènements », affirme Laurence Arribagé. Par ailleurs, outre la vitrine que représente le Stade Toulousain, la Ville rose dispose de nombreux clubs de haut niveau évoluant pour la plupart dans les divisions élites, ce qui nécessite des infrastructures à la hauteur de la division dans laquelle ils jouent. C’est le cas du TFC. Le Toulouse Football Club, dirigé par Olivier Sadran, est hébergé depuis de longues années au Stadium, propriété de Toulouse Métropole. D’ailleurs, actuellement, le club négocie avec les élus le loyer dont il devra s’acquitter dès 2020, date de fin de la convention actuelle. C’est ce même stade qui accueillera les rencontres de la Coupe du monde de rugby à Toulouse en 2023. Les Spacer’s (volley), le Fenix (handball), le Toulouse Métropole Basket évoluent eux aussi sur des terrains « métropolitains » , à savoir le Palais des sports André-Brouat et le Petit palais des sports, situés à quelques dizaines de mètres l’un de l’autre. Le Toulouse Olympique XIII (rugby à treize) évolue depuis trois saisons au stade Ernest-Argelès de Blagnac, qui abrite aussi le club de rugby de cette commune, située au nord de Toulouse. L’antre habituel des rugbymen du TO XIII, le stade Arnauné des Minimes, est en effet en travaux depuis que la municipalité toulousaine a entrepris de le rénover et de l’agrandir, pour un montant de 10,6 millions d’euros dont près de 7 millions sont pris en charge par la Ville. La différence étant financée à parts égales par le conseil départemental de la HauteGaronne, la Région Occitanie et l’État. Le sport est une compétence partagée par toutes les collectivités. Alors que Toulouse Métropole y consacre un budget de près de 4 millions – 2,1 millions d’euros d’investissement (travaux) et 2 millions d’euros pour le fonctionnement (subventions) par an – la Ville de Toulouse elle, consacre un budget de 12 millions d’euros pour les investissements et de 8,3 millions d’euros pour le fonctionnement, dont 5,5 millions sont reversés aux associations sportives de la ville. « Sur cinq ans (2016-2020), nous investissons 20 millions d’euros à Toulouse en termes de contractualisation avec la Ville, sur la petite enfance, la culture et le sport », précise Jean-Jacques Mirassou, vice-président du Conseil Départemental de la Haute-Garonne chargé du sport. 20 millions d’euros dans lesquels est compris le 1,3 million d’euros investi dans le futur stade du TO XIII.
LIER AMATEURS ET PRO
Mais au-delà de cette coopération qui dépasse les clivages politiques, le Département de la Haute-Garonne consacre une enveloppe de 8 millions chaque année au sport. « Il y a 6 millions d’euros qui sont consacrés à l’aide à l’investissement et 2 millions pour l’aide au fonctionnement de tous ceux en charge de la pratique sportive », précise Jean-Jacques Mirassou. Sur son territoire, la Haute-Garonne compte pas moins de 700 écoles de sport, 45 comités départementaux et plus de 200 000 licenciés. Afin de faire le lien entre ces licenciés amateurs et les sportifs de haut niveau évoluant dans les clubs de l’élite sportive, le conseil départemental a signé des conventions de 30 000 à 150 000 euros. En échange, les sportifs professionnels doivent promouvoir leur discipline dans les écoles de sport ou lors des événements organisés par le Département. Des montants piochés dans le budget communication, et non sport, du Département. La Région Occitanie, quant à elle, dénombre pas moins de 1350000 licenciés dans les 17000 clubs affiliés à une fédération sur le territoire régional. Pour accompagner financièrement ces milliers de structures, la Région dispose d’un budget de fonctionnement de 13 millions d’euros et de 10 millions pour l’investissement. Ces chiffres classent le territoire présidé par Carole Delga en tête des régions du Sud. En effet, la Région Nouvelle-Aquitaine investira en 2018 dans le sport environ 18 millions d’euros au total. Ce sera moins pour la Région Paca dont le budget sport s’élève pour cette année à 14 millions d’euros au total. Et le fossé risque de se creuser un peu plus dans les années à venir entre l’Occitanie et ses voisines. « L’enveloppe budgétaire de 23 millions d’euros risque d’être améliorée », c o n f i e Ka mel Chi b l i , vice-président de la Région Occitanie chargé du sport. La raison ? Le plan Occitanie Olympique 2024. Un projet ambitieux voulu par la présidente de Région, Carole Delga, dont l’objectif est de préparer au mieux son territoire pour en faire une terre d’accueil de sportifs internationaux en vue des Jeux olympiques de 2024. Avec Occitanie Olympique 2024, l’exécutif régional compte renforcer ses subventions aux athlètes et aux clubs, intensifier son aide à l’investissement dans les infrastructures, développer la formation aux métiers du sport, encourager dans leur développement les entreprises du monde du sport, cartographier et améliorer les sites d’entraînement pour les délégations olympiques et accueillir de grandes compétitions sportives. « L’Occitanie a des ambit i o ns o l y mpiques. Nous a v o ns un environnement naturel exceptionnel et des infrastructures de pointe avec deux Creps [Centre de ressources, d’expertise et de performances sportives] l’un à Toulouse et l’autre à Montpellier et le Centre national d’entraînement d’altitude [Cnea] de FontRomeu. On s’est dit que nous avions une carte à jouer pour que notre territoire soit une terre de préparation pour les athlètes olympiques », ajoute Kamel Chibli.
UN INCUBATEUR DE STARTUPS
L’activité économique en lien avec le sport devrait ainsi profiter de cette volonté politique pour se développer et avoir une part plus importante dans la croissance économique de la région Occitanie. « Le marché du sport au niveau du nombre de ses entreprises et de ses emplois est un secteur qui va monter en puissance par des pratiques de digitalisation notamment », selon le professeur de la Toulouse Business School Jean-François Verdie. L’Occitanie recense pas moins de 41206 entreprises et environ 17000 salariés en lien avec le monde du sport. Parmi elles, on retrouve l’entreprise Vogo Sport, qui propose aux supporters du Stade Toulousain une application mobile pour revoir les moments forts du match auquel ils assistent. Élite Patrimoine basée à Toulouse, gère la fortune de dizaines de sportifs français de haut niveau, dont plusieurs basketteurs de la NBA. Dans le même temps, d’anciens sportifs professionnels profitent de leur expérience au plus haut niveau pour se reconvertir en businessman. Pour soutenir cette filière émergente, la Région Occitanie a été la première région en France à lancer un incubateur de startups consacré uniquement au sport. De son côté, le Stade Toulousain, pour développer de nouvelles sources de revenus, réfléchit actuellement à l’élaboration d’une structure de soutien pour les jeunes pousses et métiers se développant autour du sportsanté. La Région a également mis en place depuis deux années le Sportup Summit, un événement consacré à l’accompagnement des startups du sport. La pratique sportive pourrait-elle être le nouvel eldorado de la croissance régionale et nationale ? En tout cas, le sport pesait entre 2 et 3% du PIB français en 2017.
Nous avons une carte à jouer pour que notre territoire soit une terre de préparation pour les athlètes olympiques